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25/09/2015 | FRANCE | N°14NT01942

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 25 septembre 2015, 14NT01942


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 novembre 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision des autorités consulaires françaises à Conakry du 19 juillet 2011 refusant de délivrer des visas de long séjour à Mme D...A...et à Mlle B...E...A....

Par un jugement n° 1204087 du 9 avril 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Pro

cédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2014, M.A..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 novembre 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision des autorités consulaires françaises à Conakry du 19 juillet 2011 refusant de délivrer des visas de long séjour à Mme D...A...et à Mlle B...E...A....

Par un jugement n° 1204087 du 9 avril 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2014, M.A..., représenté par Me Bourgeois, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 avril 2014 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 14 novembre 2011 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités, dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision contestée n'est pas régulièrement motivée ;

- elle procède d'une erreur d'appréciation quant aux liens matrimonial et de filiation ;

- les documents d'état civil présentés sont authentiques ;

- il doit être tenu compte des carences et moyens de l'état civil guinéen ;

- l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a délivré un certificat de mariage ;

- il peut se prévaloir de la possession d'état telle que définie par l'article 311-1 du code civil ;

- la décision contestée méconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant ;

- elle méconnaît, de même, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 % par une décision du 4 août 2014.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2014, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait ;

- les documents d'état civil présentés sont apocryphes ;

- les jugements supplétifs présentés ne sont pas conformes à la loi guinéenne ;

- ils n'ont pas donné lieu à une transcription en marge des registres d'état civil de Timbi-Touni ;

- le certificat de mariage présenté est de cinq ans postérieur au mariage allégué ;

- le lien matrimonial n'est pas établi ;

- la possession d'état n'est pas établie ;

- la convention relative aux droits de l'enfant et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;

Par un mémoire complémentaire, enregistré le 6 août 2015, M. A... conclut aux mêmes fins, et soutient en outre :

- que c'est à l'administration de prouver la fraude qu'elle allègue ;

- qu'une simple erreur matérielle ne constitue pas une fraude ;

- que l'administration a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- que les éléments de possession d'état qui ont été produits sont suffisants ;

- que de nouveaux éléments relatifs à la continuité du lien l'unissant à son épouse et à sa fille sont produits ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mony.

1. Considérant que M.A..., ressortissant de la République de Guinée né en 1982, a obtenu en France le 28 juillet 2009 la reconnaissance de la qualité de réfugié ; qu'en octobre 2009, il a engagé une procédure de rapprochement familial de réfugié statutaire en vue que soient autorisés à le rejoindre en France Mme D...A..., qu'il dit être son épouse, et la jeune B...E...A..., qu'il dit être leur fille ; que, toutefois et par des décisions du 19 juillet 2011, l'autorité consulaire française à Conakry a refusé de délivrer des visas de long séjour à ces deux personnes ; que, par une décision du 14 novembre 2011, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. A...contre ces décisions du 19 juillet 2011 ; que M. A...relève appel du jugement du 9 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 14 novembre 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant que la décision du 14 novembre 2011 comporte, de manière suffisamment précise, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, ainsi, régulièrement motivée ;

En ce qui concerne la légalité interne :

3. Considérant, en premier lieu, que la circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial de membres de la famille d'une personne admise à la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance des visas sollicités en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère probant des actes d'état civil produits ; qu'en outre et aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;

4. Considérant, en second lieu, que, si l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile charge l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de la mission d'authentification des actes et documents qui lui sont soumis par les réfugiés et apatrides, la mission ainsi confiée à cet établissement public est sans rapport avec la responsabilité qui incombe aux autorités consulaires de s'assurer de la véracité des renseignements produits devant elle à l'appui des demandes de visa d'entrée et de séjour en France ; que, par suite, la circonstance que, le 24 novembre 2009, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a délivré à M. A...un certificat de mariage tenant lieu d'acte d'état civil faisant état de son mariage, le 2 février 2006 à Timbi Tounni, avec Mme D...A..., ne faisait pas obstacle à ce que les autorités consulaires procèdent à une vérification de la réalité du mariage ainsi déclaré ainsi déclaré devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, écarte comme dépourvus de caractère probant les documents présentés comme constituant des actes d'état civil guinéens ;

S'agissant de Mme D...A... :

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour établir le lien matrimonial entre le requérant et Mme D...A..., a été produit un document présenté comme constituant un certificat de mariage délivré le 3 novembre 2011 par le greffier en chef de la justice de paix de Pita (Guinée) sur requête du même jour émanant de MmeA... ; que, toutefois, ce document fait état d'un mariage en date du 2 février 2006 et le requérante ne conteste pas que, comme le fait valoir le ministre de l'intérieur, aucune disposition de la loi guinéenne ne prévoit la délivrance de tels certificats de mariage établis plusieurs années après les mariages allégués auxquels ils se rapportent ; que la certification de mariage en date du 13 novembre 2011 émanant du secrétaire général de la ligue islamique de Pita n'émane pas d'une autorité civile et n'est pas de nature à établir la réalité du mariage civil prévu aux articles 201 et 202 de ce code civil ; que, dès lors, en estimant que n'est pas établi le lien matrimonial, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis l'erreur d'appréciation dont il lui est fait grief ;

S'agissant de l'enfant B...E...A... :

6. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de la demande de visa présentée pour la jeune B...E...A...ont été, tout d'abord, présentés le volet n° 1 d'un " extrait d'acte de naissance déclarant " indiquant avoir été dressé le 6 février 2007, la naissance de l'enfant remontant au 2 février précédent, ainsi que, dactylographiée, une copie certifiée conforme délivrée le 15 janvier 2010 du même volet n° 1 ; que, toutefois, le requérant ne conteste pas que, comme le fait valoir le ministre de l'intérieur, il n'est conforme ni à la loi guinéenne, ni à la pratique des autorités guinéennes, d'établir ou délivrer un document intitulé " extrait d'acte de naissance déclarant " ; que cette circonstance est propre à établir le caractère apocryphe de ces documents ; qu'ensuite et en dépit de la production de ces premiers documents, a été produit un document présenté comme constituant un jugement sur requête tenant lieu d'acte de naissance de l'enfant B...E...A...qui aurait été rendu par la justice de paix de Pinta le 3 novembre 2011 sur requête présentée le même jour par MmeA... ; que la production de ce document établit le caractère apocryphe de l' " extrait d'acte de naissance déclarant " initialement produit à l'appui de la demande de visa ; qu'en outre, aucun acte de naissance de l'enfant B...E...A...qui aurait été régulièrement dressé par l'officier d'état civil de Timbi Touni par transcription de ce jugement n'a été présenté ; qu'en estimant que les documents d'état civil présentés ne sont pas authentiques, et par suite que n'est pas établie la filiation entre M. A...et l'enfant B...E...A..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;

7. Considérant, en second lieu, que l'article 311-14 du code civil prévoit que la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ou, si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant ; que l'article 310-3 de ce code dispose que la filiation se prouve par l'acte de naissance de l'enfant, par l'acte de reconnaissance ou par l'acte de notoriété constatant la possession d'état ; que les articles 311-1 et 311-2 du même code énoncent que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir et que la possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque ; qu'il en résulte que la preuve de la filiation entre le requérant et la jeune B...E...A...au moyen de la possession d'état ne peut être accueillie que si, d'une part, en vertu de la loi personnelle applicable, c'est-à-dire en principe la loi de la mère au jour de la naissance de l'enfant, un mode de preuve de la filiation comparable à la possession d'état est admis et, d'autre part, cette possession d'état est continue, paisible, publique et non équivoque ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ni même n'est allégué par aucune partie, que la loi personnelle de la jeune B...E...A...au jour de sa naissance, c'est-à-dire la loi de la République de Guinée, admettait un mode de preuve de la filiation comparable à la possession d'état, telle que définie par l'article 311-1 du code civil ; qu'en tout état de cause, les photographies présentées et les pièces produites, postérieures aux décisions du 19 juillet 2011 ou à la décision contestée du 14 novembre 2011, ne sont pas propres à établir une possession d'état de père continue et non équivoque du requérant sur la jeune B...E...A... ;

8. Considérant, en dernier lieu, que, dès lors que ne sont pas établis le lien matrimonial avec Mme D...A...et le lien de filiation avec l'enfant B...E...A..., les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3, § 1, de la convention relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés ;

9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions tendant à ce que, sous astreinte, soit ordonnée la délivrance des deux visas sollicités ne sauraient être accueillies ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement de la somme demandée à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 septembre 2015.

Le rapporteur,

A. MONYLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01942


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01942
Date de la décision : 25/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-09-25;14nt01942 ?
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