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25/09/2015 | FRANCE | N°14NT01198

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 25 septembre 2015, 14NT01198


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 31 décembre 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer un visa long séjour à Mlle D...C....

Par un jugement n° 1303600 du 8 novembre 2013, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 mai 2014, Mme E..., représentée par Me Pollono, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribun

al administratif de Nantes du 8 novembre 2013 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 31 décembre 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer un visa long séjour à Mlle D...C....

Par un jugement n° 1303600 du 8 novembre 2013, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 mai 2014, Mme E..., représentée par Me Pollono, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 novembre 2013 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité, à titre subsidiaire de réexaminer la demande, dans le délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son avocat une somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'en acceptant que le ministre régularise en cours de procédure la décision contestée et en considérant que les conclusions de la demande étaient dirigées contre la nouvelle décision du ministre, le tribunal administratif a commis une erreur de droit et porté atteinte à son droit à un procès équitable ;

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que les irrégularités constatées sur les actes d'état civil ne lui sont pas imputables, qu'elle est de bonne foi, que la réquisition prononcée par le procureur général de la cour d'appel de Brazzaville, dont la circulaire a autorisé l'authentification de réquisitions irrégulières, est régulière et probante alors même qu'elle n'est pas conforme au droit local, que la mention de ce que les réquisitions ont été rendues sur la saisine du père, alors décédé, de l'enfant, résulte d'une erreur de l'administration, que les autorités congolaise accordent une valeur authentique aux réquisitions produites, que l'acte de naissance de l'enfant figure bien sur les registres de l'état civil, ce qu'un huissier a constaté, que le jugement du tribunal d'instance de Poto Poto du 13 juin 2012, qui a force exécutoire, reconnait la possession d'état, qu'elle établit la possession d'état par ses envois d'argent, des courriers, certificat de scolarité et des attestations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2014, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'erreur de droit commise par les premiers juges n'est pas fondé ;

- la décision contestée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que les actes présentés pour alléguer du lien de filiation sont frauduleux ;

- à titre subsidiaire, la possession d'état n'est pas établie.

Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25 %) par une décision du 7 mars 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Piltant,

- et les observations de Me Pollono représentant MmeE....

1. Considérant que MmeE..., ressortissante congolaise née le 4 avril 1969, a demandé que l'enfant Héléna SaraC..., née le 9 mai 1997 et dont elle dit être la mère, la rejoigne en France au titre du regroupement familial ; que, par décision du 19 janvier 2012, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de la requérante contre la décision de l'ambassadeur de France en République du Congo refusant de délivrer le visa long séjour sollicité pour Héléna SaraC... ; que l'exécution de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ayant été suspendue par ordonnance du 17 décembre 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes, le ministre a réexaminé, sur l'injonction du juge, la demande de visa et, par décision du 31 décembre 2012, a de nouveau refusé de délivrer le visa sollicité ; que, le 26 août 2013, le ministre a pris une nouvelle décision refusant de délivrer le visa ; que Mme E...relève appel du jugement du 8 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 décembre 2012 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'à la suite de la suspension, par l'ordonnance du 17 décembre 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes, de l'exécution de la décision du 19 janvier 2012 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et de l'injonction de réexamen du recours formé par Mme E..., le ministre de l'intérieur a, par décision du 31 décembre 2012, refusé de délivrer le visa long séjour sollicité pour Héléna SaraC... ; que, postérieurement à l'introduction de la demande tendant à l'annulation de la décision du 31 décembre 2012, le ministre a pris le 26 août 2013 une nouvelle décision, en exécution de la même ordonnance, refusant de délivrer le visa sollicité ; que, dès lors, la décision du 26 août 2013 a implicitement mais nécessairement retiré la décision du 31 décembre 2012 ; que, par suite, en regardant les conclusions de la requête introduite le 2 mai 2013 devant le tribunal administratif de Nantes comme dirigées, non contre la décision du 31 décembre 2012, mais contre celle du 26 août 2013 qui avait retiré la précédente, les premiers juges n'ont ni commis d'erreur de droit ni privé la requérante du droit à un procès équitable ;

3. Considérant qu'il résulte de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ; que si cet article prévoit que les actes d'état civil faits en pays étranger et selon les formes usitées dans ce pays font foi, il n'en va toutefois pas ainsi lorsque d'autres actes ou pièces, des données extérieures ou des éléments tirés de ces actes eux-mêmes établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que ces actes sont irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter, par décision du 26 août 2013, la demande de visa long séjour sollicité, le ministre s'est fondé sur ce que les documents d'acte d'état civil présentés à l'appui de la demande de visa n'attestaient pas du lien de filiation entre la requérante et Héléna Sara C...qu'elle présente comme sa fille ;

5. Considérant que lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes d'état-civil produits ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la levée d'acte demandée par les autorités consulaires à Brazzaville auprès des services d'état-civil locaux a révélé que l'acte d'état-civil présenté à l'appui de la demande de visa pour Héléna Sara C...correspondait, dans le registre de naissance du centre d'état-civil de Makelekele, à l'acte de naissance d'une tierce personne ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que cet acte a été remplacé par un deuxième acte de naissance n° 92/06/R2 établi sur réquisition aux fins de reconstitution d'un acte d'état-civil prononcée par le procureur général près la cour d'appel de Brazzaville le 16 mars 2006 ; qu'il est constant que cette procédure n'est pas conforme au droit congolais, qui prévoit que la procédure de rectification doit être demandée au président du tribunal populaire compétent pour le centre d'état-civil où la naissance aurait dû être déclarée, afin de palier l'inexistence d'un acte ou à sa destruction, mais qu'il ressort du courrier adressé en 2009 à l'ambassadeur de France par le procureur général près la cour d'appel de Brazzaville que, si seules sont valides les réquisitions émanant des présidents de tribunaux d'instance et des procureurs de la République, les réquisitions antérieures à ce courrier doivent être regardées comme valides ; que, toutefois, d'une part, et alors que la réquisition mentionne la destruction de l'acte de naissance lors des évènements de décembre 1998, l'inexistence ou la destruction de l'acte de naissance n'est pas alléguée par la requérante, un premier acte de naissance ayant été, ainsi qu'il a été dit, présenté à l'appui de la demande de visa, et d'autre part, il ressort de cette réquisition qu'elle a été introduite par le père de Héléna Sara C...alors que ce dernier est décédé en 1999 ; que si, en février 2013, cette incohérence a nécessité une réquisition aux fins de rectification d'une erreur matérielle auprès du procureur de la République près le tribunal d'instance de Mfilou-Ngamaba afin de substituer à la mention du père décédé celle d'une personne se présentant comme l'oncle de l'enfant, aucun acte de naissance rectifié sur le fondement de cette réquisition n'a été produit ; que, compte tenu de ces incohérences, la rectification d'état-civil, intervenue neuf ans après la naissance de l'enfant, alors que la requérante avait entamé les démarches liées à la procédure de regroupement familial, et sur la base de laquelle a été établi l'acte de naissance n°92/06/R2, ne peut être regardée comme ayant valeur probante ;

8. Considérant, en troisième lieu, que si Mme E...produit un jugement du tribunal d'instance de Poto-Poto du 8 juin 2012 aux termes duquel Mme E...et M. A... sont les parents biologiques d'Héléna SaraC..., ce jugement, qui n'emporte aucune modification des registres d'état-civil, comporte des dates d'enregistrement de la requête et d'audience incohérentes, n'indique pas que le père biologique de l'enfant est décédé et n'est pas signé par le président mais par un greffier dont le nom n'est pas celui du greffier ayant assisté le président à l'audience ; que, ce document présente dès lors un caractère frauduleux ;

9. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que les témoignages produits par la requérante, essentiellement issus de membre de sa famille ou d'amis, ainsi que les photos non datées et les mandats adressés à neuf personnes différentes, alors que Héléna Sara C...est sensée avoir été confiée à une amie de la requérante puis à une autre femme, ne sont pas de nature à établir la possession d'état invoquée par Mme E...;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte :

11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme E...demande le versement au profit de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Piltant, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 septembre 2015.

Le rapporteur,

Ch. PILTANT

Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01198


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01198
Date de la décision : 25/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Christine PILTANT
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-09-25;14nt01198 ?
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