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25/09/2015 | FRANCE | N°14NT01069

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 25 septembre 2015, 14NT01069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...et Mme A...D...épouse C...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 10 novembre 2010 par lesquelles le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté leurs demandes de naturalisation, ainsi que les décisions du 12 mai 2011 rejetant les recours gracieux qu'ils ont exercés contre ces décisions.

Par un jugement n° 1110815-1110825 du 7 novembre 2013, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le

urs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...et Mme A...D...épouse C...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 10 novembre 2010 par lesquelles le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté leurs demandes de naturalisation, ainsi que les décisions du 12 mai 2011 rejetant les recours gracieux qu'ils ont exercés contre ces décisions.

Par un jugement n° 1110815-1110825 du 7 novembre 2013, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 avril 2014, M. B...C...et Mme A... D... épouseC..., représentés par Me Pollono, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 novembre 2013 ;

2°) d'annuler les décisions du 10 novembre 2010 par lesquelles le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté leurs demandes de naturalisation, ainsi que les décisions du 12 mai 2011 rejetant leurs recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à un nouvel examen de leurs demandes de naturalisation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à leur avocat, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, et la somme de 1 500 euros à leur verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit, ils ont inexactement apprécié le moyen soulevé en première instance qui concernait le défaut de motivation en droit des décisions contestées ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et a dénaturé les pièces du dossier ; M. C...n'a rien dissimulé lors de son entretien avec les services de sécurité ;

- le défaut de loyalisme de M. C...n'est pas établi ; la note ministérielle ne mentionne aucune participation à un mouvement contraire aux principes républicains ;

- le ministre ne peut motiver le refus de naturalisation de Mme C...en se référant au comportement de son mari.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2014, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;

- subsidiairement, il reprend ses écritures produites devant le tribunal administratif de Nantes.

M. et Mme C...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25%) par des décisions du 24 février 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Francfort.

1. Considérant que M. et MmeC..., ressortissants russes ayant obtenu le statut de réfugié, relèvent appel du jugement du 7 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 10 novembre 2010 par lesquelles le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté leurs demandes de naturalisation, ainsi que les décisions du 12 mai 2011 rejetant les recours gracieux dirigés contre ces décisions ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; et qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

3. Considérant que, pour rejeter les demandes de naturalisation présentées par M. et Mme C..., le ministre s'est fondé sur une note établie le 5 août 2010 par le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur selon laquelle M. C... était en relation avec des personnes impliquées en faveur de la cause indépendantiste tchétchène et qu'il aurait dissimulé des informations sur ses rencontres avec " de nombreuses personnes appartenant à [sa] communauté d'origine " dans le cadre de son activité sportive, à savoir la lutte libre qu'il pratique au niveau national ; que M. et Mme C... contestent la réalité des éléments retenus par la note du ministère de l'intérieur ;

4. Considérant que le ministre ne soutient pas que M. C...rencontrerait des compatriotes dans d'autres cadres que sportif ou professionnel, la note émanant de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques étant sur ce point insuffisamment circonstanciée ; qu'ainsi l'administration n'établit pas que le requérant fréquenterait des partisans de la cause tchétchène, ce qui ne ressort pas non plus de l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile par lequel la qualité de réfugié lui a été reconnue ; qu'ainsi en se fondant sur le motif que M. C... aurait cherché à dissimuler ces fréquentations et en opposant à Mme C... le fait qu'en raison de la communauté de vie entre les époux depuis 2004, elle ne pouvait ignorer les faits imputables à son mari, le ministre a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ;

5. Considérant toutefois que, pour établir que les décisions litigieuses étaient légales, le ministre a invoqué devant les premiers juges d'autres motifs, qu'il reprend en appel, tirés de ce que M. C... a fait l'objet en 2009 d'une procédure pour circulation d'un véhicule ou élément de véhicule dont le poids réel excède le poids total autorisé en charge, dépassement supérieur à 20 %, et que Mme C... a fait l'objet en 2005 d'une procédure de vol à l'étalage ; que toutefois il ne résulte pas de l'instruction que le ministre aurait pris la même décision de rejet à leur encontre s'il s'était initialement fondé sur ces seuls motifs, alors notamment que le procès-verbal dressé à l'égard de M.C..., qui était salarié, s'inscrit dans un contexte strictement professionnel, et que les faits reprochés à son épouse, commis en 2005, sont relativement anciens à la date de la décision attaquée ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de procéder à la substitution de motifs demandée par le ministre ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer les demandes de naturalisation de M. et Mme C...dans un délai de deux mois à compter de sa notification ; que dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, d'une part, le versement à M. et Mme C..., admis partiellement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 275 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et, d'autre part, le versement à Me Pollono, à condition que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, d'une somme de 225 euros, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 7 novembre 2013 du tribunal administratif de Nantes et les décisions du 10 novembre 2010 du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ainsi que les décisions du 12 mai 2011 rejetant leurs recours gracieux sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de naturalisation de M. et Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 275 euros à M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : L'Etat versera à Me Pollono, à condition que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, la somme de 225 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et Mme A...D...épouse C...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Piltant, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 septembre 2015.

Le rapporteur,

J. FRANCFORT

Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01069

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N° 14NT01069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01069
Date de la décision : 25/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-09-25;14nt01069 ?
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