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24/07/2015 | FRANCE | N°14NT01606

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 juillet 2015, 14NT01606


Vu la requête, enregistrée le 17 juin 2014, présentée pour M. G...B..., demeurant..., par Me Ruffel, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205833 du 14 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 avril 2012 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du consul général de France à Bamako du 28 décembre 2011 refusant de délivrer des visas de long séjour à M. D...B...et M. C...B..

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2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 6 avril 2012 ;

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Vu la requête, enregistrée le 17 juin 2014, présentée pour M. G...B..., demeurant..., par Me Ruffel, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205833 du 14 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 avril 2012 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du consul général de France à Bamako du 28 décembre 2011 refusant de délivrer des visas de long séjour à M. D...B...et M. C...B... ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 6 avril 2012 ;

3°) d'ordonner la délivrance des visas demandés, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou d'ordonner le réexamen des demandes de visas dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat ;

il soutient que :

- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée en droit ;

- les motifs de la décision contestée ne sont pas fondés ;

- l'article 47 du code civil a été méconnu ;

- les jugements supplétifs apparaissent tout à fait authentiques ;

- les actes de reconnaissance français sont incontestables ;

- la décision contestée méconnaît l'article 3, § 1, de la convention relative aux droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 août 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- la décision contestée est régulièrement motivée ;

- les actes d'état civil présentés ne sont pas probants ;

- la filiation n'est pas établi par d'autres moyens ;

- l'article 3, § 1, de la convention relative aux droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnus ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2015 :

- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;

- et les observations de M.E..., représentant le ministre de l'intérieur ;

1. Considérant qu'en 2011, M. C...et D...B..., nés en 1994 et 1998 et de nationalité malienne, ont sollicité de l'autorité consulaire française à Bamako la délivrance de visas de long séjour en se disant les fils de M. G...B..., qui, né en 1960 au Mali, a été réintégré dans la nationalité française en 2001 ; que, le 28 décembre 2011, le consul général de France à Bamako a rejeté ces demandes de visa ; que M. G...B...relève appel du jugement du 14 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en date du 6 avril 2012 rejetant son recours contre cette décision du 28 décembre 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant que la décision contestée comporte l'énoncé des raisons de fait et de droit en constituant le fondement ; qu'elle est, ainsi, régulièrement motivée ;

En ce qui concerne la légalité interne :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 311-14 du code civil : " La filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ; si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant " ; que l'article 311-17 de ce code ajoute que " la reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l'enfant " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la mère de MM. C...et D...B...était Mme A...B..., née au Mali en 1968 et de nationalité malienne et qui serait décédée en 2008 ; que Mme A...B...n'est pas l'épouse du requérant, ce dernier étant marié depuis 1991 avec Mme F...B..., qui est née en 1975 au Mali et qui, avec leurs trois enfants ensemble, réside avec l'intéressé à Béziers ; que le requérant soutient que les jeunes C...et D...B...sont ses enfants d'une relation extraconjugale avec Mme A...B... ; que la filiation de MM. C...et D...B...étant, ainsi, régie par la loi malienne, la circonstance que le requérant a, le 25 novembre 2010, reconnu ces enfants comme les siens devant l'officier d'état civil français de la ville de Béziers n'est, alors même que cette reconnaissance est valable, pas de nature à établir une filiation, opposable à l'autorité consulaire, avec ces deux ressortissants maliens, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ni même n'est allégué, que ces reconnaissances auraient été réitérées devant l'autorité malienne compétente pour les recevoir ou auraient donné lieu à une quelconque transcription dans l'état civil malien, l'article 82 du code civil malien prévoyant, à cet égard, que " les enfants nés du commerce adultérin (...) ne peuvent être reconnus que dans les cas prévus par la loi portant code de la parenté " ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;

5. Considérant que M. B...ne conteste pas que, conformément à l'article 77 du code civil malien, l'identité des parents d'un enfant né hors mariage n'est indiquée que si ceux-ci le reconnaissent, cette reconnaissance étant alors, conformément à l'article 72 du même code, portée en marge de l'acte de naissance ; que l'article 36 du code malien de la parenté prévoit, en outre, qu' " à l'égard du père, la preuve de la filiation de l'enfant né hors mariage résulte d'une reconnaissance ou d'un jugement. / Lorsque la reconnaissance ne résulte pas de l'acte de naissance, elle est faite par acte authentique dressé par l'officier d'état civil dressé par l'officier d'état civil ou le notaire " ; qu'en l'espèce, M. B...ne présente aucun acte malien de reconnaissance des enfants C...et D...B... ; que les documents qu'il présente comme étant des jugements supplétifs d'acte de naissance qui auraient été rendus le 26 août 2010 par le tribunal de première instance de la commune III du district de Bamako ne sont, ni des actes de reconnaissance, ni des jugements statuant sur une action en recherche, revendication ou reconnaissance de paternité qui aurait été dirigée à l'égard du requérant ; que, ces documents, qui ne précisent pas à la requête de quelle personne ils auraient été rendus, qui se présentent comme des " extraits conformes " toutefois dépourvus de tout motif quelconque, qui n'indiquent pas l'identité du ou des juges qui les auraient rendus et qui, en outre, comportent des fautes d'orthographe grossières, ne peuvent être regardés comme revêtus d'un caractère authentique ; que les documents présentés comme étant des copies d'extraits d'acte de naissance n° 545 et 547 qui auraient été dressés le 2 septembre 2010 par l'officier d'état civil du centre principal de Missira de la commune II du district de Bamako, suivant les jugements supplétifs allégués, par ne sont pas, par suite, pas non plus probants, alors, en outre, qu'ils ne comportent, en marge, aucune référence à des actes de reconnaissance des deux enfants et que les documents présentés comme étant des jugements supplétifs émanent d'une juridiction civile de la commune III du district de Bamako ; que le requérant ne conteste pas davantage que l'officier d'état civil du centre principal de Missira de la commune II du district de Bamako était incompétent pour transcrire des jugements supplétifs qui auraient été rendus par le tribunal de première instance de la commune III du district de Bamako dont, comme il est dit à l'article 1er du décret malien n° 97-107/P-RM du 3 mars 1997 fixant le ressort géographique de juridictions et déterminant le parquet d'attaché de justices de paix à compétence étendue, le ressort géographique est limité à cette commune III ; que l'incompétence territoriale de l'autorité ayant dressé un acte de naissance, de surcroît par transcription d'un jugement supplétif rendu par une juridiction couvrant un ressort territorial distinct de celui couvert par cette autorité, est au nombre des irrégularités permettant à bon droit à l'autorité consulaire française d'écarter comme non probant le document présenté comme constituant une copie d'un extrait de cet acte de naissance ;

6. Considérant, en troisième lieu, que, comme le souligne le requérant lui-même, si les documents qu'il présente comme des jugements supplétifs ont été rendus par une juridiction de la commune III du district de Bamako, les copies d'extraits d'actes de naissance se réfèrent, en revanche, à des actes qui auraient été dressés par un officier d'état civil de la commune II de ce district ; que, dès lors, le consulat général de France à Bamako, qui n'avait pas l'obligation de se livrer à une vérification auprès du service malien de l'état civil, n'a pas commis d'erreur en adressant des demandes de copies littérales d'actes de naissance à l'officier d'état civil du centre principal de Missira de la commune II du district de Bamako ; que la circonstance que cet officier d'état civil n'a pas répondu à ces demandes est sans incidence sur l'appréciation de la légalité de la décision contestée ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte des points 3 à 6 du présent arrêt que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, en estimant que n'est pas établie la filiation entre le requérant et les jeunes C...et D...B..., n'a pas commis l'erreur d'appréciation dont il lui est fait grief ;

8. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'en l'absence d'établissement d'un lien de filiation avec MM. C...et D...B..., les moyens tirés de méconnaissances des stipulations des articles 3, § 1, de la convention relative aux droits de l'enfant et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce que, sous astreinte, soit ordonnée la délivrance des visas demandés par MM. C...et D...B...ou le réexamen des demandes de visas, ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 juillet 2015.

Le rapporteur,

A. DURUP de BALEINELe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01606 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01606
Date de la décision : 24/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP de BALEINE
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-07-24;14nt01606 ?
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