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24/07/2015 | FRANCE | N°14NT01486

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 juillet 2015, 14NT01486


Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2014, présentée pour M. A...D..., demeurant..., par Me Madeline, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203309 du 9 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 janvier 2012 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision par laquelle les autorités consulaires françaises au Rwanda ont refusé de délivrer un visa de long séjour à M. E...C... ;
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3°) d...

Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2014, présentée pour M. A...D..., demeurant..., par Me Madeline, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203309 du 9 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 janvier 2012 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision par laquelle les autorités consulaires françaises au Rwanda ont refusé de délivrer un visa de long séjour à M. E...C... ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 26 janvier 2012 ;

3°) d'ordonner au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité, dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à rendre et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas sanctionné la violation de l'article 47 du code civil et l'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'attestation des autorités rwandaises n'est pas probante ;

- la filiation est établie par la possession d'état ;

- il entend solliciter une expertise biologique ;

- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3, § 1, de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est propre à permettre qu'il y soit fait droit ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 25 juin 2015, présenté pour M.D..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens et, en outre et à titre principal, qu'il soit sursis à statuer dans l'attente des démarches effectuées pour se voir communiquer un nouvel acte de naissance et pour évaluer les possibilités d'engager une procédure aux fins de procéder au prélèvement ADN de l'enfant et du père ;

il soutient que :

- son frère et la compagne de cette dernière ont reconnu l'enfant ;

- il a entrepris des démarches afin de faire rétablir la filiation paternelle ;

- par jugement du 14 novembre 2014, un tribunal rwandais a homologué l'acte d'adoption de l'enfant ;

- cet acte établit le lien de filiation ;

- il n'est pas encore en mesure de produire le nouvel acte de naissance de l'enfant ;

- il y a, dès lors, lieu de surseoir à statuer et, en outre, il recherche la possibilité de faire établir un test génétique ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er juillet 2015, présenté par le ministre de l'intérieur ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2015 :

- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;

- les observations de Me Mahieu, avocat de M.D... ;

- et les observations de M.B..., représentant le ministre de l'intérieur ;

1. Considérant qu'en 2011, le jeune F...C..., ressortissant rwandais né en 2003, a sollicité de l'autorité consulaire français à Kigali la délivrance d'un visa de long séjour en se prévalant de sa qualité de descendant de M.D..., qui a été naturalisé français en 2010 ; que, le 15 novembre 2011, cette autorité a, toutefois, refusé de délivrer ce visa ; que M. D... relève appel du jugement du 9 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en date du 26 janvier 2012 rejetant son recours ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de visa déposée pour l'enfant Chris NormanC..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que les actes d'état civil fournis à l'appui de celle-ci étaient dépourvus de caractère authentique ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en réponse à une note verbale de l'ambassade de France à Kigali du 22 septembre 2011 et par une note verbale du 4 novembre 2011, le ministère rwandais des affaires étrangères et de la coopération a indiqué que les actes de naissance et de reconnaissance concernant le jeune F...C...présentés à l'appui de la demande de visa ne sont pas authentiques ; que cette donnée extérieure à ces actes établit qu'ils sont dépourvus de caractère authentique ; qu'en outre, le requérant précise lui-même que son frère et la compagne de cette dernière ont, au Rwanda, reconnu l'enfant, ce dont résulte qu'au regard de la loi personnelle applicable au jeune F...C..., ce dernier est le neveu du requérant et non son fils ; que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a, dès lors, pas commis sur ce point l'erreur d'appréciation dont il lui est fait grief ;

5. Considérant que, si le requérant soutient qu'il serait néanmoins le père de l'enfant et qu'à l'effet de faire rétablir la filiation biologique alléguée, il présente un document qu'il dit être un jugement du tribunal de base de Nyamirambo du 14 novembre 2014 homologuant un acte d'adoption de l'enfant Chis Norman C...en date du 2 juillet 2014, lequel jugement, comme l'acte d'adoption qu'il homologue, mentionne que cet enfant est le fils des personnes que le requérant dit être son frère et la compagne de cette dernière, une telle adoption n'est pas propre à établir une filiation entre le requérant et cet enfant à la date de la décision contestée ; que, dès lors, le moyen tiré de l'intervention de ce jugement est inopérant ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 16-11 du code civil : " L'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que : / 1° Dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentées lors d'une procédure judiciaire ; / (...) / En matière civile, cette identification ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation, soit à l'obtention ou la suppression de subsides. Le consentement de l'intéressé doit être préalablement et expressément recueilli. (...) " ; qu'il n'appartient pas au juge administratif d'ordonner des mesures d'expertise ou d'instruction propres à établir, le cas échéant, un lien de filiation, telles que celles prévues notamment à l'article 16-11 du code civil ; que les conclusions de la requête tendant à ce que soit ordonnée une mesure de cette nature ne sauraient, par suite, être accueillies ;

7. Considérant que l'article 311-14 du code civil prévoit que la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ou, si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant ; que l'article 310-3 de ce code dispose que la filiation se prouve par l'acte de naissance de l'enfant, par l'acte de reconnaissance ou par l'acte de notoriété constatant la possession d'état ; que les articles 311-1 et 311-2 du même code énoncent que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir et que la possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque ; qu'il en résulte que la preuve de la filiation entre le requérant et le jeune F...C...au moyen de la possession d'état ne peut être accueillie que si, d'une part, en vertu de la loi personnelle applicable, c'est-à-dire en principe la loi de la mère au jour de la naissance de l'enfant, un mode de preuve de la filiation comparable à la possession d'état est admis et, d'autre part, cette possession d'état est continue, paisible, publique et non équivoque ; qu'en l'espèce, le requérant n'établit pas une possession d'état de père continue, publique et non équivoque sur le jeune F...C... ; qu'il saurait d'autant moins utilement l'établir qu'il ressort des propres indications et pièces fournies par le requérant que les parents de cet enfant sont, à la date de la décision contestée, les personnes qu'il allègue être son frère et la compagne de cette dernière ;

8. Considérant qu'en l'absence de preuve de la filiation entre le requérant et le jeune F...C..., les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3, § 1, de la convention relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions tendant à ce que, sous astreinte, il soit ordonné au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 juillet 2015.

Le rapporteur,

A. DURUP de BALEINELe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01486
Date de la décision : 24/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP de BALEINE
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-07-24;14nt01486 ?
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