La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/07/2015 | FRANCE | N°14NT01403

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 juillet 2015, 14NT01403


Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2014, présentée pour Mme G...épouse B...D..., demeurant..., par Me Renard, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107811 du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite née le 14 juin du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur le recours dirigé contre la décision du 3 mars 2011 par laquelle le consul général de France à Addis Abeba a refusé de délivrer des

visas de long séjour à M. H...B...D...et à M. E...A... ;

2°) d'annuler la d...

Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2014, présentée pour Mme G...épouse B...D..., demeurant..., par Me Renard, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107811 du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite née le 14 juin du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur le recours dirigé contre la décision du 3 mars 2011 par laquelle le consul général de France à Addis Abeba a refusé de délivrer des visas de long séjour à M. H...B...D...et à M. E...A... ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les deux visas demandés ou de réexaminer les demandes de visa, dans un délai d'un mois à compter de la lecture de l'arrêt à rendre et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

elle fait valoir que :

- la décision contestée n'est pas motivée ;

- le tribunal et la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ont commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- n'est pas rapportée la preuve du caractère frauduleux des actes d'état civil présentés ;

- l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a délivré un acte de mariage qui a valeur d'acte authentique ;

- le jugement relatif à l'autorité parentale exercée sur le jeune E...A...n'est pas apocryphe ;

- il doit être tenu compte du degré de désorganisation de l'état civil somalien ;

- il en va de même pour le certificat de naissance de l'enfant ;

- la décision contestée méconnaît l'article 3, § 1, de la convention relative aux droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 28 mars 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a admis Mme B...D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise ;

- la circonstance que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a délivré un acte de mariage en 2009 ne faisait pas obstacle à ce que les documents d'état civil étrangers présentés soient écartés comme sans valeur probante ;

- aucun acte d'état civil permettant d'attester du mariage n'a été présenté ;

- le certificat de mariage du 10 novembre 2009 comporte plusieurs mentions erronées et il est dépourvu de caractère probant ;

- le lien de filiation avec le jeune E...A...n'est pas davantage établi ;

- le moyen tiré d'une possession d'état ne peut qu'être écarté ;

- celui pris de la méconnaissance des stipulations de l'article 3, § 1, de la convention relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2015 :

- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;

- et les observations de M.C..., représentant le ministre de l'intérieur ;

1. Considérant que, par une décision du 14 octobre 2009, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, a reconnu à MmeF..., ressortissante somalienne née, selon ses déclarations, en 1967, le bénéfice de la protection subsidiaire ; que, le 25 janvier 2011, M. E...A..., dont Mme F...soutient qu'il est son fils né en 1995 à Mogadiscio d'un premier mariage en 1990, dissous en 2002, avec un ressortissant somalien, a demandé un visa de long séjour à l'ambassade de France à Addis Abeba (Ethiopie) ; qu'au même moment, M. H...B...D..., ressortissant somalien déclarant être né en 1973, en a fait de même, en faisant valoir être l'époux, par suite de leur mariage le 3 septembre 2005 à Mogadiscio, de MmeF... ; que, le 3 mars 2011, l'autorité consulaire française en Ethiopie a opposé un refus à ces demandes de visas ; que, par une décision implicite née le 14 juin 2011, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par MmeF..., se disant épouseD..., contre cette décision du 3 mars 2011 ; que Mme F...relève appel du jugement du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que le moyen selon lequel la décision contestée serait irrégulière faute d'être motivée n'a pas été soulevé devant les premiers juges qui n'ont, par suite, pas commis d'irrégularité en ne répondant pas à un tel moyen, qui n'est pas d'ordre public ;

3. Considérant, en second lieu, que le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Considérant que la requérante, qui a la qualité de bénéficiaire de la protection subsidiaire, n'a, en revanche, pas celle de réfugiée statutaire ; qu'il ne ressort pas du dossier et n'est d'ailleurs pas été allégué que la requérante serait bénéficiaire d'une autorisation de regroupement familial ; que MM. E...A...et H...B...D...ne sont pas au nombre des personnes mentionnées aux 3° à 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors et conformément aux dispositions de l'article L. 211-2 du même code, la décision implicite de rejet contestée n'était pas soumise à une obligation de motivation ; que le moyen tiré de son absence ou insuffisance de motivation ne peut, dès lors et en tout état de cause, qu'être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

5. Considérant que l'administration est en droit de refuser la délivrance de visas de long séjour à des personnes se disant membres de la famille d'une personne à laquelle a été reconnu en France le bénéfice de la protection subsidiaire, lorsque le lien familial, matrimonial ou de filiation, n'est pas établi, notamment en raison de l'absence de caractère probants des documents d'état civil présentés pour établir ce lien ;

6. Considérant, en premier lieu, que si l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile charge l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de la mission d'authentification des actes et documents qui lui sont soumis par les réfugiés et apatrides, la mission ainsi confiée à cet établissement public est sans rapport avec la responsabilité qui incombe aux autorités consulaires de s'assurer de la véracité des renseignements produits devant elle à l'appui des demandes de visa d'entrée et de séjour en France ; que, par suite, la circonstance que l'OFPRA a, le 15 décembre 2009, délivré à la requérante un certificat de mariage tenant lieu d'acte d'état civil et faisant mention de son mariage à Mogadiscio (Somalie) le 3 septembre 2005 avec M. H...B...D...ne faisait pas obstacle à ce que les autorités consulaires procèdent à une vérification de la réalité du mariage ainsi déclaré devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, écarte comme dépourvus de caractère probant les documents présentés comme constituant des actes d'état civil somaliens ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'aucun document d'état civil susceptible d'établir le lien matrimonial entre la requérante et M. H...B...D...n'a été produit à l'appui de la demande de visa présentée par ce dernier à l'ambassade de France en Ethiopie ou devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que si, devant les premiers juges, la requérante a produit un document en langue anglaise présenté comme constituant la traduction d'un certificat de mariage qui aurait été délivré par une autorité somalienne le 10 novembre 2009, ce document, eu égard aux nombreuses incohérences et erreurs qu'il renferme, relatives notamment au statut marital tant de la requérante que de M. H...B...D..., à leurs professions et au domicile de MmeF..., ne peut être regardé comme authentique et propre à établir le lien matrimonial entre la requérante et M. H...B...D... ; que ces incohérences et erreurs ne peuvent être regardées comme de simples erreurs matérielles imputables aux carences des services somaliens de l'état civil ; qu'en outre, si la requérante produit également un document qu'elle présente comme étant la traduction française d'un certificat de naissance de M. H...B...D...rédigé en langue anglaise et délivré à Mogadiscio le 23 septembre 2009, un tel document n'est, en tout état de cause, pas de nature à établir un lien matrimonial ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que, pour justifier du lien de filiation entre elle et M. E...A..., la requérante produit un document qu'elle présente comme la traduction française d'un certificat de naissance de M. E...A...rédigé en langue anglaise et délivré le 26 juin 2009 à Mogadiscio par une autorité somalienne ; que, toutefois, ces documents, qui, en particulier, ne font pas référence à un acte de naissance qui aurait dressé en 1995, année de naissance de M. E...A..., ou à une décision permettant de suppléer à l'absence d'un tel acte, qui comportent une orthographe incomplète du nom de la requérante, qui ne comportent pas l'indication de l'identité du père, alors que cet enfant serait né en 1995 d'un premier mariage de la requérante et serait ainsi un enfant légitime, sont apocryphes ; qu'il en va de même du document en langue française présenté comme étant la traduction d'un document en langue anglaise qui serait, en date du 30 octobre 2002, une décision d'un juge de la cour régionale de Bandir (Somalie) transférant, sur déclaration des parents, à la requérante l'autorité parentale sur M. E...A... ; que, si la requérante souligne les graves carences de l'état civil somalien, cette circonstance ne permet toutefois, ni de tenir pour authentiques des documents qui ne le sont pas, ni d'admettre qu'un lien familial, matrimonial ou de filiation, serait établi par la seule déclaration de la requérante ;

10. Considérant, en sixième lieu, que l'article 311-14 du code civil dispose que " la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance des enfants " ; qu'il en résulte que la preuve de la filiation au moyen de la possession d'état entre un enfant mineur étranger et une personne ayant obtenu le statut de réfugié ne peut être accueillie que si la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant admettait un mode de preuve comparable ; qu'en outre, l'article 311-1 du code civil énonce que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir ; que l'article 311-2 du même code ajoute que " la possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque " ; que, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en 1995 la loi somalienne admettait un mode de preuve de la filiation comparable à la possession d'état et, d'autre part et en tout état de cause, que les pièces produites par la requérante ne sont pas de nature à établir une possession d'état continue, publique et non équivoque à l'égard de M. E...A... ;

11. Considérant, en septième lieu, que les liens familiaux allégués n'étant pas établis, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du § 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés ;

12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'injonction, n'implique aucune mesure d'exécution et que, par suite, les conclusions tendant à ce que, sous astreinte, il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités ou de réexaminer les demandes de visa ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F...épouse B...D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...épouse B...D...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 juillet 2015.

Le rapporteur,

A. DURUP de BALEINELe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

1

N° 14NT01403 2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01403
Date de la décision : 24/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP de BALEINE
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : RENARD OLIVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-07-24;14nt01403 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award