Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SA Espace Alain a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire à lui verser la somme de 120 000 euros en réparation du préjudice résultant pour elle des travaux de construction de la seconde ligne de tramway à Orléans.
Par un jugement n° 1300062 du 5 juin 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 août 2014, la SA Espace Alain, représentée par la SCP d'avocats Lavisse Bouamrirene, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 5 juin 2014 ;
2°) de condamner la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire à lui verser la somme de 120 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande introductive d'instance et de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire les dépens et la somme de 8 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le principe du contradictoire et le droit à un procès équitable au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnus dès lors qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour prendre connaissance du rapport d'expertise puis du mémoire en défense de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire et faire valoir ses arguments avant la tenue de l'audience devant le tribunal administratif, et que le second mémoire produit par la communauté d'agglomération ne lui a pas été communiqué ;
- les premiers juges ont omis de statuer sur le respect de ces droits ;
- aucune réponse n'a été apportée ni à sa demande de jonction avec le recours indemnitaire présenté par sa société mère, la Sarl AFA, ni à sa demande de report de l'audience ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la baisse de la vente de produits accessoires est liée à celle de la clientèle ;
- le tribunal, qui a insuffisamment motivé son jugement, n'a pas tiré les conséquences du rapport d'expertise qui souligne le lien entre les travaux et les pertes de chiffre d'affaires évaluées pour l'année 2009 à 21 735 euros, pour la période du 1er juin au 30 novembre 2010 à 47 213 euros, et pour l'année 2011 à 102 380 euros et plus particulièrement la perte cumulée de marge sur les exercices 2009, 2010 et 2011 estimée à 94 100 euros ; les travaux ont pénalisé durablement l'accès de la clientèle au salon du fait des difficultés tant de circulation que de stationnement et ont entraîné une baisse de son chiffre d'affaires de 2008 à 2011 de 117 430 euros avec 746 nouveaux clients en moins ;
- l'expert n'a pas pris en compte certains coûts qu'il qualifie de variables, qui concernent des prestations administratives et de direction, les salaires de la comptable et les honoraires du cabinet d'expertise comptable, et qui ont été pris en charge par sa société mère mais qui doivent être réintégrés dans ses comptes afin d'avoir la vision la plus juste de sa situation ;
- contrairement à ce que soutient la communauté d'agglomération, les travaux ont porté selon l'expert sur la période de février 2009 à fin décembre 2011 et non du 1er février au 30 avril 2010 et du 1er juin au 30 novembre 2010 ;
- son préjudice ne s'apprécie pas au regard de la situation du secteur d'activité dans la mesure où les salons de coiffure Jacques Dessange ont connu une croissance de chiffre d'affaires sur les périodes concernées et bénéficient d'une notoriété incontestable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2015, la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Espace Alain au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par la SA Espace Alain ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
1. Considérant que la société anonyme Espace Alain exploite depuis 1979 un salon de coiffure sous l'enseigne Jacques Dessange aux nos 10-12 de la place du Général de Gaulle à Orléans ; qu'à l'occasion de la construction de la première ligne de tramway, entre avril 1999 et novembre 2000, elle a été indemnisée à hauteur de 68 000 euros des préjudices résultant des nuisances occasionnées par les travaux, lesquels étaient à l'origine d'une diminution de son chiffre d'affaires de l'ordre de 20 % sur l'ensemble de la période concernée ; que la construction de la seconde ligne de tramway, qui croise la première au niveau de la place du Général de Gaulle, a débuté au cours de l'année 2008 ; que la société Espace Alain, qui se plaint d'une baisse importante de sa clientèle et de son chiffre d'affaires, estimant avoir droit à une nouvelle indemnisation de ses préjudices, a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire à lui verser une somme de 120 000 euros ; que, par une ordonnance du 29 janvier 2013, le juge des référés de ce tribunal administratif a désigné un expert qui a déposé son rapport le 9 avril 2014 ; que, par un jugement du 5 juin 2014, le tribunal administratif a estimé que la société Espace Alain n'établissait pas que les difficultés qu'elle avait rencontrées étaient la conséquence directe des travaux de construction de la seconde ligne de tramway ; que la société Espace Alain relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) la requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le rapport de l'expertise diligentée par le tribunal a été déposé le 9 avril 2014 ; que les parties et notamment la société Espace Alain, qui au demeurant ont participé aux opérations d'expertise réalisées de manière contradictoire, ont reçu immédiatement une copie de ce rapport ; qu'elles ont ainsi disposé d'un délai suffisant pour faire valoir leurs observations sur les conclusions de l'expert avant la tenue de l'audience fixée le 22 mai 2014 ; que, par ailleurs, le mémoire de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire, enregistré au greffe du tribunal le 14 mai 2014, qui ne constituait pas son premier mémoire en défense, ne comportait aucun élément nouveau ; qu'ainsi la société Espace Alain, qui en a accusé réception le 15 mai, n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas disposé d'un délai suffisant pour y répondre avant la clôture automatique de l'instruction intervenue le 18 mai 2014 en vertu de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ; qu'enfin, si le mémoire en réplique produit le 17 mai 2014 par la société Espace Alain n'a pas été communiqué à la communauté d'agglomération, il ne contenait pas davantage d'élément nouveau de nature à influencer la solution du litige ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, n'est pas entaché d'irrégularité ;
Sur les conclusions indemnitaires :
4. Considérant que le riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics, à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers, doit établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages allégués et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice ; que les riverains des voies publiques sont tenus de supporter, sans contrepartie, les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général ;
5. Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert désigné par le juge de première instance qu'entre la déclaration d'utilité publique des travaux afférents à la seconde ligne de tramway signée le 10 janvier 2008 et le 1er février 2010 aucun travaux n'a été réalisé au droit du salon de coiffure géré par la société Espace Alain, à l'exception des fouilles archéologiques sur la partie centrale de la place du général de Gaulle et des travaux de dévoiement des réseaux enterrés qui ont été très ponctuels et n'ont pas affecté l'accès aux commerces ; qu'en revanche, les travaux réalisés du 1er février au 30 avril 2010 puis du 1er juin au 30 novembre 2010 se situaient à proximité immédiate du salon de coiffure ; que, toutefois, ni les allégations de la société Espace Alain ni les photographies produites par elle ne sont de nature à établir que l'accès au salon aurait été rendu impossible durant ces deux périodes ; qu'il ressort d'ailleurs des documents financiers et comptables produits à l'instance que l'activité commerciale de la société requérante a continué durant toute la période des travaux, malgré la gêne occasionnée ; que, par ailleurs, le chiffre d'affaires de la société Espace Alain n'a diminué que de 1,31 % entre 2009 et 2010 et que la baisse amorcée en 2008 et poursuivie jusqu'en 2012 ne peut être de manière directe et certaine reliée aux travaux réalisés, comme il a été dit ci-dessus, au cours de la seule année 2010 devant le commerce concerné ; que le courrier de la société d'expertise comptable du 23 juillet 2014 produit en appel par la société requérante, qui souligne que le chiffre d'affaires coiffure s'est élevé à 896 000 euros en 2008, 880 000 en 2009, 876 000 en 2010 et 834 000 en 2011, 883 000 en 2012, 877 000 en 2013 ne suffit pas à établir que la société Espace Alain aurait subi un préjudice anormal et spécial excédant les sujétions que les riverains des voies publiques sont tenus de supporter sans indemnité ; que si la société requérante soutient enfin que l'expert n'a pas tenu compte de certains coûts relatifs aux prestations administratives et de direction, aux salaires de la comptable et aux honoraires du cabinet d'expertise comptable, qui ont été pris en charge par sa société mère, la holding AFA qui détient plus de 99 % de son capital, il est constant que ces deux sociétés constituent deux entités juridiques distinctes et que la société holding a présenté une demande indemnitaire tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération à réparer ses propres préjudices ; que, dans ces conditions, la société requérante, qui au demeurant est susceptible de bénéficier de l'entrée en service de cette seconde ligne de tramway, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande indemnitaire ;
Sur les frais d'expertise :
6. Considérant qu'eu égard à ce qui vient d'être dit, il y a lieu de maintenir les frais de l'expertise, taxés et liquidés par une ordonnance du président du tribunal administratif d'Orléans du 28 avril 2014 à la somme de 5 440,32 euros, à la charge de la SA Espace Alain ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la SA Espace Alain de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la SA Espace Alain le versement à la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire de la somme qu'elle demande au titre des mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SA Espace Alain est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Espace Alain et à la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. Lemoine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 juillet 2015.
Le rapporteur,
V. GÉLARDLe président,
I. PERROT
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT02119