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10/07/2015 | FRANCE | N°15NT00898

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 10 juillet 2015, 15NT00898


Vu le recours, enregistrée le 12 mars 2015, présenté par le ministre de l'intérieur, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 109386 du 9 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes, après avoir annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en date du 3 août 2012 rejetant le recours de M. Eba Ndoutoumecontre la décision des autorités consulaires françaises à Yaoundé du 2 mai 2012 refusant de délivrer des visas de long séjour à Mme B...E..., à M. I...L...A...et à M. J...D..., a en

joint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa d'entrée et de long séj...

Vu le recours, enregistrée le 12 mars 2015, présenté par le ministre de l'intérieur, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 109386 du 9 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes, après avoir annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en date du 3 août 2012 rejetant le recours de M. Eba Ndoutoumecontre la décision des autorités consulaires françaises à Yaoundé du 2 mai 2012 refusant de délivrer des visas de long séjour à Mme B...E..., à M. I...L...A...et à M. J...D..., a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à Mme B...E...et aux enfants Yves-Stéphane L...A...et Richard JuniorD..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Eba Ndoutoumedevant le tribunal administratif de Nantes ;

il soutient que :

- il n'y a au dossier aucune attestation de proches ;

- le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation ;

- l'identité de la personne se présenta comme M. Eba Ndoutoumen'est pas certaine et il existe à son égard une suspicion d'usurpation d'identité ;

- l'acte de naissance présenté de M. Eba Ndoutoumeest un faux ;

- il présente une menace pour l'ordre public ;

- l'acte de naissance de M. L...A...est entaché de nombreuses anomalies au regard de la loi camerounaise ;

- il s'agit d'un acte de complaisance ;

- l'acte de naissance de M. D...a été rajouté et collé dans le registre des naissances de Sangmelina ;

- le procès-verbal de compulsion fait état de mention qui ne figurent pas sur l'acte présenté et il en va de même de l'acte délivré le 7 mai 2012 par le consulat général du Cameroun à Paris ;

- M. D...est présenté comme gabonais mais présente un passeport camerounais ;

- il s'agit d'un acte frauduleux ;

- Mme E...était en situation irrégulière lorsqu'elle s'est mariée en France ;

- la possession d'état n'est pas établie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 11 mai 2015 fixant la clôture de l'instruction au 29 mai 2015 ;

Vu la décision du 18 mai 2015 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a admis M. Eba Ndoutoumeau bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance du 21 mai 2015 reportant la clôture de l'instruction au 8 juin 2015 à 12 h ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2015, présenté pour M. Eba Ndoutoumepar MeG..., qui conclut au rejet du recours et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

il fait valoir que :

- il ne s'est livré à aucune usurpation d'identité ;

- il n'existe pas davantage une quelconque menace pour l'ordre public ;

- les actes de naissance des enfants ne sont pas de complaisance ;

- l'acte de mariage est valable ;

- la communauté de vie du couple est réelle ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 juin 2015 à 14 h 08, présenté par le ministre de l'intérieur ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 juin 2015, présenté pour M.Eba Ndoutoume ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 29 et 30 juin 2015, présentées pour M.Eba Ndoutoume par Me Bougassas;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2015 :

- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;

- et les observations de M.Eba Ndoutoume ;

1. Considérant que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 9 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes, saisi de la demande présentée par M.Eba Ndoutoume, a, d'une part, annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 3 août 2012 rejetant le recours de M. Eba Ndoutoumecontre la décision de l'autorité consulaire française à Yaoundé du 2 février 2012 refusant la délivrance de visas de long séjour, au titre d'un regroupement familial autorisé le 6 décembre 2011 par le préfet de l'Yonne, à Mme B...E...et à MM. I...L...A...et J...D...et, d'autre part, lui a ordonné de délivrer des visas de long séjour à ces trois personnes, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

Sur la légalité de la décision du 3 août 2012 :

2. Considérant que lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes d'état-civil produits à l'effet d'établir le lien matrimonial ou de filiation entre le bénéficiaire du regroupement familial et les membres de sa famille demeurant à... ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (l'étranger) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;

4. Considérant que, pour rejeter le recours de M.Eba Ndoutoume, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que " après vérification auprès des autorités locales compétentes, il apparaît que l'acte de naissance n° 97/1972 concernant M.Eba Ndoutoume, père des enfants, correspond en fait à une tierce personne. De plus, l'acte d'état civil n° 48/1995 concernant la naissance d'Yves-Stéphane L...A...est non conforme à la législation camerounaise. Et enfin, l'acte d'état civil n° 129/2001 concernant la naissance de Richard Junior D...est un document frauduleux, rajouté dans le registre des naissances. / En l'absence de pièces probantes au recours susceptibles d'infirmer ce constat, la commission rejette le recours. En effet, les actes d'état civil présentant un caractère apocryphe, l'identité des intéressés et donc leur filiation avec MonsieurH..., époux et père allégué, ne sont nullement établies " ;

En ce qui concerne Mme B...E... :

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui des demandes de visas a été présenté un acte de naissance de M.Eba Ndoutoume, ressortissant gabonais né en 1972, établi le 8 mai 1996 par le centre d'état civil de Libreville et indiquant avoir été dressé suivant un acte de naissance n° 97-72 de la subdivision de Sangmelina, au Cameroun ; que, toutefois, outre que cet acte de naissance n° 97-72 qui aurait été dressé au nom de M. Eba Ndoutoumen'a, en fait, jamais été présenté, il résulte de la levée d'acte effectuée par la section consulaire de l'ambassade de France au Cameroun que l'acte de naissance n° 97 de l'année 1972 présent dans les registres de la mairie de Sangmelina concerne une autre personne ; qu'une attestation d'authenticité d'acte de naissance délivrée le 9 mai 2012 par le maire de Sangmelina et selon laquelle la souche d'un acte de naissance n° 97/72 dressé au nom de M. Eba Ndoutoumese trouverait dans les archives de cette commune n'est pas de nature à contredire ce qui résulte de la levée d'acte, cet acte n° 97/72 n'étant pas produit ; que les documents présentés comme constituant, d'une part, une ordonnance du président du tribunal de première instance de Sangmelina du 13 septembre, 19 septembre ou 21 septembre 2012 ordonnant la " compulsion par tout huissier territorialement compétent dans les registres d'état civil de la Mairie de Sangmélina pour le cas de Monsieur Eba NdoutoumeF...-M... né le 18 octobre 1972 suivant l'acte de naissance n° 97-72 de la subdivision de Sangmélina, mais également la délivrance de l'attestation de l'existence de la souche audit acte " et, d'autre part, un " procès-verbal de compulsion " du 22 septembre 2012, sont dépourvus de caractère probant, ces documents supposant ou affirmant l'existence d'un acte de naissance n° 97/72 au nom de M.Eba Ndoutoume, sans toutefois que cet acte ne soit davantage produit à l'appui de l'une quelconque de ces deux pièces ; qu'en l'absence d'un tel acte de naissance, l'acte de naissance dressé le 8 mai 1996 par le centre d'état civil de Libreville est dépourvu de caractère probant ; que le ministre de l'intérieur est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler le refus de visa opposé à MmeE..., le jugement attaqué a estimé que ce " procès-verbal de compulsion " contredit le résultat de la vérification diligentée auprès de la mairie de Sangmelina ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Eba Ndoutoumeà l'encontre du refus de visa de long séjour opposé à MmeE... ;

7. Considérant, en premier lieu, que, si l'acte de naissance dressé le 8 mai 1996 au nom de M. Eba Ndoutoumepar le centre d'état civil de Libreville n'est pas probant, dès lors qu'il se présente comme la transcription d'un acte de naissance camerounais en réalité établi au nom d'une autre personne, cette circonstance n'est, toutefois, pas de nature à établir que M. Eba Ndoutoumene répondrait pas à cette identité et usurperait l'identité d'un tiers ; qu'à cet égard, si le ministre de l'intérieur soutient qu'il existe une suspicion d'usurpation d'identité à l'égard de M.Eba Ndoutoume, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'une plainte pour usurpation d'identité déposée le 6 août 2008 à l'encontre de M. Eba Ndoutoumeet transmise le 14 octobre 2009 au parquet du tribunal de grande instance de Paris par le tribunal de grande instance de Sens a été classée sans suite le 16 septembre 2011 par le ministère public au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée ; que, si le ministre se prévaut d'un signalement pour fraude documentaire effectué le 29 décembre 2014 au titre de l'article 40 du code de procédure pénale par le préfet de l'Yonne à la procureure près le tribunal de grande instance d'Auxerre, ce signalement se fonde en réalité seulement sur la circonstance que l'acte de naissance n° 97 de l'année 1972 dressé par la mairie de Sangmelina concerne une tierce personne, circonstance qui, comme il a été dit, n'établit pas une usurpation d'identité ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la délivrance d'un visa de long séjour, au titre du regroupement familial, à une ressortissante étrangère dont le bénéficiaire de l'autorisation de regroupement familial soutient qu'elle est son épouse est subordonnée à la preuve d'un lien, non de filiation, mais matrimonial ; qu'à cet égard, il est constant que M. Eba Ndoutoumes'est marié avec Mme E...le 20 avril 2010 à Joigny (Yonne), la copie intégrale de l'acte de mariage étant produite ; qu'ainsi, le lien matrimonial entre M. Eba Ndoutoumeet Mme E...est établi ; que, si le ministre fait état de ce que M. Eba Ndoutoumea commis diverses infractions en 2008, 2009 et 2011 et ajoute qu'il présenterait une menace pour l'ordre public en France comme à l'étranger, les circonstances ainsi alléguées sont sans incidence sur la preuve de ce lien matrimonial ; qu'en outre, celle selon laquelle M.Eba Ndoutoume, qui réside en France dans des conditions régulières, est une menace pour l'ordre public n'est pas au nombre des motifs de nature à justifier le refus de délivrer un visa à son épouse et, en outre, n'est pas au nombre des motifs de la décision contestée du 3 août 2012, qui n'est pas davantage fondée sur un motif selon laquelle la présence en France de Mme E...constituerait une menace d'une telle nature ; que la circonstance que Mme E...aurait séjourné irrégulièrement en France à l'époque de son mariage avec M. Eba Ndoutoumeest, de même, sans incidence sur la preuve du lien matrimonial ; qu'ainsi, l'identité de M. Eba Ndoutoumeétant établie et la preuve du lien matrimonial avec Mme E...étant rapportée, M. Eba Ndoutoumeest, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'il soulève, fondé à soutenir que la décision du 3 août 2012, dont les motifs se rapportent en réalité seulement à la question de la filiation entre M. Eba Ndoutoumeet les deux enfants, est entachée d'une erreur d'appréciation en ce qu'elle refuse la délivrance d'un visa de long séjour à MmeE... ;

En ce qui concerne MM. I...L...A...et J...C... :

9. Considérant, en premier lieu, qu'à l'appui de la demande de visa présentée par M. L... A..., né en 1995, a été présenté un acte de naissance n° 048/95 dressé le 30 mai 1995 par le centre d'état civil de Meyo Yaoundé IV ; que, toutefois, cet acte, dont l'ensemble des mentions sont manuscrites à l'exception de celles, dactylographiées, relatives à l'identité, les lieu et date de naissance, domicile et profession du père, est entaché de plusieurs irrégularités, dès lors qu'il indique que le père est M.Eba Ndoutoume, alors que ce dernier et Mme E...n'étaient alors pas mariés, que M. Eba Ndoutoumen'a reconnu cet enfant comme étant le sien devant l'autorité, camerounaise, seule compétente à cet effet, qu'en 2011, que cet acte ne comporte aucune référence, en particulier en marge, comme prévu à l'article 41 de l'ordonnance camerounaise du 29 juin 1981 portant organisation de l'état civil et diverses dispositions relatives à l'état des personnes physiques, au jugement de reconnaissance d'enfants rendu le 12 mai 2011 par le tribunal de premier degré d'Akonolinga et qu'il mentionne que M. Eba Ndoutoume est domicilié l'étrangerque depuis le 23 novembre 2001 et qu'il a déclaré qu'à l'époque de cette naissance il vivait au Cameroun en concubinage avec MmeE... ; que ces éléments tirés de cet acte lui-même et ces données lui étant extérieures établissent que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que, par suite et conformément à l'article 47 du code civil, la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité de cet acte de naissance est rapportée ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de la copie de cet acte de naissance délivrée le 7 mai 2012 par l'officier d'état civil du consulat général de la République du Cameroun à Paris ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que, si M. Eba Ndoutoumeproduit un document en date du 8 juillet 2011 émanant de l'officier d'état civil de la commune de Sangmelina et selon lequel cette autorité aurait procédé à la transcription du jugement de reconnaissance d'enfants du 12 mai 2011, l'officier d'état civil de cette commune était, ainsi qu'il résulte de l'article 19 de la même ordonnance du 29 juin 1981, incompétent pour transcrire une telle reconnaissance en marge d'un acte de naissance détenu dressé et détenu par un autre centre d'état civil ; qu'aucun acte de naissance du centre d'état civil de Meyo Yaoundé IV comportant, en marge, la mention de la reconnaissance de l'enfant Yves-Stéphane L...A...par M. Eba Ndoutoumen'a été présenté ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de la vérification effectuée par l'autorité consulaire française auprès de la commune de Sangmelina que l'acte de naissance n° 129/2001 dressé au nom du jeune J...C...le 13 mars 2001 par le bureau d'état civil de cette commune a été rajouté et collé dans les registres ; qu'en outre, ce document, qui ne comporte en marge aucune référence au jugement de reconnaissance d'enfants du 12 mai 2011, ne pouvait, pour les raisons déjà énoncées au point 9 du présent arrêt quant à l'enfant Yves-Stéphane L...A...et à la date à laquelle il indique avoir été dressé, mentionner que le père est M. Eba Ndoutoumeet que ce dernier est domicilié... ; que, conformément à l'article 47 du code civil, la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité de cet acte de naissance est, par suite, rapportée ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de la copie de cet acte de naissance délivrée le 7 mai 2012 par l'officier d'état civil du consulat général de la République du Cameroun à Paris et qui comporte d'ailleurs une mention qui ne figure pas dans l'acte n° 129/2001 ; qu'aucun acte de naissance de l'enfant Richard Junior C...comportant, en marge, mention de la reconnaissance judiciaire de cet enfant en 2011 par M. Eba Ndoutoumen'a été présenté ; que le " procès-verbal de compulsion " du 14 septembre 2012, qui fait état de mentions ne figurant pas sur l'acte n° 129/2001 et indique que ce dernier comporterait les " transcriptions légales des mentions de reconnaissance ", alors que l'acte présenté ne comporte aucune référence quelconque à un jugement de reconnaissance ni n'indique transcrire quoi que ce soit, est dépourvu de caractère probant ; que, comme pour le jeune I...L...A..., M. Eba Ndoutoumene saurait utilement se prévaloir de la circonstance qu'un passeport, qui constitue un document d'identité et de voyage mais non un document d'état civil, a été délivré en 2011 au jeune J...C... ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision du 3 août 2012 en ce qu'elle refuse la délivrance de visas de long séjour à MM. I...L...A...et J...C..., le jugement attaqué a décidé que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une erreur d'appréciation en estimant que les actes d'état civil concernant ces deux personnes ne sont pas probants ;

13. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.Eba Ndoutoume ;

14. Considérant, en premier lieu, que la décision du 3 août 2012 comporte l'énoncé des raisons de droit et de fait en constituant le fondement ; qu'elle est, dès lors, régulièrement motivée ;

15. Considérant, en second lieu, que l'article 311-14 du code civil prévoit que la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ou, si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant ; que l'article 310-3 de ce code dispose que la filiation se prouve par l'acte de naissance de l'enfant, par l'acte de reconnaissance ou par l'acte de notoriété constatant la possession d'état ; que les articles 311-1 et 311-2 du même code énoncent que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir et que la possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque ; qu'il en résulte que la preuve de la filiation entre le requérant et les jeunes Yves-Stéphane L...A...et Richard Junior Mvombi au moyen de la possession d'état ne peut être accueillie que si, d'une part, en vertu de la loi personnelle applicable, c'est-à-dire en principe la loi de la mère au jour de la naissance de l'enfant, un mode de preuve de la filiation comparable à la possession d'état est admis et, d'autre part, cette possession d'état est continue, paisible, publique et non équivoque ;

16. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, MmeE..., mère de ces deux enfants, étant de nationalité camerounaise, la loi camerounaise aurait, aux jours des naissances, en 1995 et 2001, des jeunes Yves-Stéphane L...A...et Richard JuniorC..., admis un mode de preuve de la filiation comparable à la possession d'état, d'autre part et en tout état de cause, que les éléments dont se prévaut M. Eba Ndoutoumen'établissent pas une possession d'état de père continue, paisible, publique et non équivoque à l'égard de ces deux personnes ;

17. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 3 août 2012, en ce qu'elle rejette le recours de M. Eba Ndoutoumecontre le refus de délivrer des visas de long séjour à MM. I...L...A...et J...C...et, d'autre part, ordonné de leur délivrer ces visas ; qu'en revanche, il n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le même jugement, ce tribunal a, d'une part, annulé cette décision en ce qu'elle rejette le recours de M. Eba Ndoutoumecontre le refus de délivrer un tel visa à Mme E...et, d'autre part, ordonne de délivrer un visa à cette dernière ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 3 août 2012, en ce qu'elle rejette le recours de M. Eba Ndoutoumecontre le refus de délivrer des visas de long séjour à MM. I...L...A...et J...C..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer des visas de long séjour à ces deux personnes ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

19. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 janvier 2015 sont annulés en ce que, d'une part, ils annulent la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 3 août 2012 rejetant le recours de M. Eba Ndoutoume contre le refus de délivrer des visas de long séjour à M. I...L...A...et à M. J...C...et, d'autre part, ils enjoignent au ministre de l'intérieur de délivrer des visas de long séjour à M. I...L...A...et à M. J...C.l'étranger

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. Eba Ndoutoumetendant, d'une part, à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 3 août 2012 rejetant le recours de M. Eba Ndoutoumecontre le refus de délivrer des visas de long séjour à M. I...L...A...et à M. J...C...et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer des visas de long séjour à M. I...L...A...et à M. J...C..., sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. Eba Ndoutoumeau titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F...K.l'étranger

Délibéré après l'audience du 19 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 juillet 2015.

Le rapporteur,

A. DURUP de BALEINELe président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

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N° 15NT00898 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00898
Date de la décision : 10/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP de BALEINE
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : BOUGASSAS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-07-10;15nt00898 ?
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