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26/06/2015 | FRANCE | N°14NT01356

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 26 juin 2015, 14NT01356


Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2014, présentée pour M. TidianiC..., demeurant..., par Me Régent, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107671 du 24 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 avril 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du consul général de France à Bamako du 5 octobre 2010 refusant la délivrance d'un visa de long séjour à M. B...C... ;
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3°) d'ord...

Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2014, présentée pour M. TidianiC..., demeurant..., par Me Régent, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107671 du 24 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 avril 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du consul général de France à Bamako du 5 octobre 2010 refusant la délivrance d'un visa de long séjour à M. B...C... ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 7 avril 2011 ;

3°) d'ordonner au ministre de l'intérieur de faire droit à la demande de visa ou de la réexaminer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à rendre et sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

il soutient que :

- la décision contestée n'est pas régulièrement motivée ;

- elle méconnaît le 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les documents d'état civil présentés sont probants ;

- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3, § 1, de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 24 mars 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a admis M. C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance du 24 octobre 2014 fixant la clôture de l'instruction au 14 novembre 2014 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- la décision contestée est régulièrement motivée ;

- les documents d'état civil présentés sont dépourvus de caractère probant ;

- ni la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni la convention relative aux droits de l'enfant n'ont été méconnues ;

Vu l'ordonnance du 17 novembre 2014 décidant la réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2015 :

- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;

1. Considérant que M.C..., ressortissant malien né en 1972, a obtenu en 2008 en France la reconnaissance de la qualité de réfugié ; qu'en 2009, il a engagé une procédure en vue de l'introduction en France de M. B...C..., ressortissant malien dont il dit être le père ; que, par une décision du 5 octobre 2010, le consul général de France à Bamako a refusé de délivrer un visa de long séjour à M. B...C... ; que, par une décision du 7 avril 2011, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision du 5 octobre 2010 ; que M. C...relève appel du jugement du 24 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 avril 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant que la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit en constituant le fondement ; qu'elle est, ainsi, régulièrement motivée ;

En ce qui concerne la légalité interne :

3. Considérant, en premier lieu, que les dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont pour seul objet de prévoir la délivrance d'un titre de séjour à certains membres de la famille d'un réfugié statutaire ; qu'elles sont en elles-mêmes étrangères aux conditions de délivrance d'un visa de long séjour à ceux des membres de la famille de ce réfugié résidant hors de France ; que le droit pour ce réfugié à ce que des membres de sa famille puissent le rejoindre en France trouve son fondement, non dans ces dispositions législatives, mais dans le principe d'unité de la famille, qui est au nombre des principes généraux du droit applicable aux réfugiés ; qu'il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant ;

4. Considérant en deuxième lieu, qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint et aux enfants d'un réfugié statutaire les visas qu'ils sollicitent ; qu'elles ne peuvent opposer un refus à une telle demande que pour un motif d'ordre public, notamment en cas de fraude ; qu'au nombre des motifs d'ordre public de nature à fonder légalement le refus de visa figure le caractère frauduleux des actes d'état civil étrangers produits pour établir le lien de filiation, le lien matrimonial et l'identité des membres de la famille du réfugié ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (à Bamako) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ; qu'en outre, s'il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de contester le bien fondé d'une décision rendue par une juridiction étrangère, elles sont, en revanche, en droit de contester l'authenticité d'un document présenté comme constituant une telle décision ;

6. Considérant que le requérant soutient que, lors de la naissance du jeune B...C..., un problème est survenu avec l'état civil de Bamako, " de telle sorte qu'il semble qu'aucun enregistrement valable à l'état civil n'avait pu avoir lieu " ; que, dans son recours du 21 décembre 2010 adressé à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, il expose que cet enfant " n'était pas enregistré à l'état civil " ; que, toutefois, ont été présentés plusieurs actes de naissance qui auraient été dressés en 2001 ; qu'un premier acte de naissance aurait été dressé le 21 janvier 2001 sous le n° 120 par le centre secondaire d'état civil de Hamdallaye de la commune VI du district de Bamako, sur la déclaration d'Adama Sacko ; qu'un deuxième acte de naissance aurait été dressé le 21 janvier 2001 sous le n° 15/Rg par le centre secondaire de Ouolofobougou de la commune III du district de Bamako, le document présenté ne mentionnant pas l'identité du déclarant ; qu'un troisième acte de naissance aurait été dressé le 14 janvier 2001 sous le n° 398 par le centre secondaire de Lafiabougou de la commune IV du district de Bamako, sur la déclaration de D...C... ; qu'une même naissance ne saurait avoir donné lieu à l'établissement de trois actes de naissance différents par des centres d'état civil distincts relevant de trois communes du district de Bamako ; qu'en outre, le requérant produit en appel un document présenté comme constituant un jugement du tribunal de première instance de la commune IV du district de Bamako du 1er décembre 2014 ; que, selon les mentions de ce document, le requérant avait chargé son frère et certains de ses amis de chercher l'acte de naissance du jeune B...C..., chacun ayant pu établir un acte de naissance au nom de l'enfant ; qu'eu égard à de tels éléments, il est établi que ces trois actes de naissance présentent un caractère frauduleux ;

7. Considérant que le requérant se prévaut également d'un document présenté comme constituant la copie littérale d'un acte de naissance n° 172RG4 SP qui aurait été dressé le 8 octobre 2010 par le centre secondaire de Hamdallaye II de la commune IV du district de Bamako, par transcription d'un jugement supplétif d'acte de naissance n° 3067 rendu le 4 octobre 2010 par le tribunal de première instance de la commune V du district de Bamako ; que, toutefois et conformément aux prévisions du décret n° 97-107/P-RM du 3 mars 1997 fixant au Mali le ressort géographique de juridictions et déterminant le parquet d'attaché de justices de paix à compétence étendue, la compétence du tribunal de première instance de la commune V du district de Bamako est limitée à ce district, de sorte qu'un acte de naissance ne peut avoir été dressé par un centre secondaire d'état civil de la commune IV du district de Bamako par transcription d'un jugement supplétif du tribunal de première instance de la commune V du même district ; qu'en outre, d'après cette copie littérale, cet acte de naissance aurait été dressé le 8 octobre 2010 sur la déclaration du requérant, alors que ce dernier, qui avait la qualité de réfugié en France à la date à laquelle l'acte aurait été établi, n'a pu alors se trouver au centre secondaire d'état civil de Hamdallaye ; qu'enfin, d'après le document présenté en appel comme constituant un jugement du tribunal de première instance de la commune IV du district de Bamako du 1er décembre 2014, cet acte n° 172RG4 SP a été " irrégulièrement dressé " ; que, dès lors, cette copie littérale et le document présenté comme constituant ce jugement supplétif du 4 octobre 2010 sont dépourvus de caractère probant ;

8. Considérant qu'il est également soutenu qu'est authentique un acte de naissance n° 51/Rg 2SP dressé le 17 octobre 2011 par le centre principal de la commune IV du district de Bamako, par transcription d'un deuxième jugement supplétif d'acte de naissance, n° 089, rendu le 12 octobre 2011 par le tribunal de première instance de la commune IV du même district ; que, toutefois, le document présenté comme constituant une copie certifiée conforme de ce jugement et dont les mentions sont particulièrement sommaires, n'indique pas à la demande de qui ce jugement aurait été rendu et mentionne que l'identité du père est " E... ", alors que l'acte de naissance n° 51/Rg 2SP mentionne que cette identité est " E...C... " ; que la circonstance que, quant à l'identité de l'un des parents, un acte de naissance comporte des mentions différentes de celles du jugement supplétif pour la transcription duquel il aurait été dressé est au nombre des éléments mentionnés à l'article 47 du code civil, propres à établir qu'un acte d'état civil étranger est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité et que, par suite, cet acte ne fait pas foi ; que le document présenté en appel comme constituant un jugement du tribunal de première instance de la commune IV du district de Bamako du 1er décembre 2014 n'est pas davantage de nature à établir l'authenticité de cet acte n° 51/Rg 2SP, dès lors qu'il fait état à quatre reprises d'un " acte de naissance n° 51/Rg. 2SP de l'année 2001 du centre principal d'état civil de la commune IV du district " de Bamako, alors que l'acte présenté est un acte n° 51/Rg 2SP de l'année 2011 et non de l'année 2001 ; qu'enfin, le document présenté comme étant le volet n° 3, remis au déclarant, de cet acte de naissance comporte des mentions selon lesquelles le déclarant est le requérant, domicilié... ; que, toutefois, réfugié en France depuis 2008, le requérant ne pouvait se trouver au centre principal d'état civil de la commune IV du district de Bamako le 17 octobre 2011, date à laquelle cet acte aurait été dressé ; qu'ainsi, les documents présentés comme constituant le jugement supplétif n° 089 et l'acte de naissance n° 51/Rg 2SP sont dépourvus de valeur probante ;

9. Considérant qu'il résulte des points 6 à 9 du présent arrêt qu'en estimant qu'en l'absence de documents d'état civil probants, la filiation entre le requérant et M. B...C...n'est pas établie, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis l'erreur d'appréciation dont il lui est fait grief ;

10. Considérant, en troisième lieu, que l'article 311-14 du code civil prévoit que la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ou, si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant ; que l'article 310-3 de ce code dispose que la filiation se prouve par l'acte de naissance de l'enfant, par l'acte de reconnaissance ou par l'acte de notoriété constatant la possession d'état ; que les articles 311-1 et 311-2 du même code énoncent que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir et que la possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque ; qu'il en résulte que la preuve de la filiation entre le requérant et M. B...C...au moyen de la possession d'état, telle que définie à l'article 311-1 du code civil, ne peut être accueillie que si, d'une part, en vertu de la loi personnelle applicable, c'est-à-dire en principe la loi de la mère au jour de la naissance de l'enfant, un mode de preuve de la filiation comparable à la possession d'état est admis et, d'autre part, cette possession d'état est continue, paisible, publique et non équivoque ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la loi malienne admettait, au jour de la naissance de cet enfant, un mode de preuve de la filiation comparable à la possession d'état, telle que définie par l'article 311-1 du code civil ; qu'en tout état de cause, les documents présentés ne permettent pas de regarder une telle possession d'état comme continue, publique et non équivoque ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'en l'absence de l'établissement d'un lien de filiation entre le requérant et M. B...C..., les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés ;

12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution et que, par suite, les conclusions tendant à ce que, sous astreinte, il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité ou de réexaminer la demande de visa ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. TidianiC...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 juin 2015.

Le rapporteur,

A. DURUP de BALEINELe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01356 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01356
Date de la décision : 26/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP de BALEINE
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : REGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-26;14nt01356 ?
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