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26/06/2015 | FRANCE | N°14NT00568

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 26 juin 2015, 14NT00568


Vu la requête enregistrée le 6 mars 2014, présentée, pour la commune de Pont-Péan, représentée par son maire, par Me Bonnat, avocat ;

La commune de Pont-Péan demande à la cour :

1) d'annuler le jugement n° 1104882 du 31 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté interministériel du 15 juillet 2011 portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, en tant que celui-ci ne la reconnaît pas en état de catastrophe naturelle, et de la décision du ministre de l'intérieur du 21 octobre

2011 rejetant son recours gracieux ;

2) d'annuler cet arrêté du 15 juillet 2011...

Vu la requête enregistrée le 6 mars 2014, présentée, pour la commune de Pont-Péan, représentée par son maire, par Me Bonnat, avocat ;

La commune de Pont-Péan demande à la cour :

1) d'annuler le jugement n° 1104882 du 31 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté interministériel du 15 juillet 2011 portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, en tant que celui-ci ne la reconnaît pas en état de catastrophe naturelle, et de la décision du ministre de l'intérieur du 21 octobre 2011 rejetant son recours gracieux ;

2) d'annuler cet arrêté du 15 juillet 2011 en tant qu'il ne la reconnait pas en état de catastrophe naturelle, ainsi que cette décision du 21 octobre 2011 ;

3) d'enjoindre à l'Etat de réexaminer sa demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune de Pont-Péan soutient que :

- un défaut de motivation du courrier du préfet lui notifiant l'arrêté interministériel entache celui-ci d'illégalité ;

- il ne peut être déduit de la seule circonstance que l'arrêté interministériel n'a pas à être motivé une absence d'obligation de motivation de la décision prise sur le recours gracieux ;

- en l'espèce le courrier de notification du préfet du 22 juillet 2011 n'est pas motivé ; ce défaut de motivation n'est compensé ni par l'arrêté interministériel ni par la décision du 21 octobre 2011, qui ne précisent pas les critères objectifs à l'origine du refus de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en retenant que seuls devaient être appliqués les critères du modèle Sim, qui n'ont aucune valeur réglementaire et alors que d'autres données tout aussi pertinentes peuvent être prises en compte ;

- ainsi les précipitations relevées de juillet à septembre 2010 ont été les plus faibles de toutes celles relevées sur la même période depuis 10 ans, et notamment en 2003 et 2005, années pour lesquelles elle a été reconnue en état de catastrophe naturelle en raison de la sécheresse ; en juillet 2010, se sont combinés une très faible pluviométrie, des températures élevées et un ensoleillement important et un indice de sécheresse de 8% du 19 au 31 juillet, supérieur à celui relevé en 2007 ;

- les mouvements de terrain différentiels liés à la dessiccation et à la réhydratation des sols consécutifs à la sécheresse de l'été 2010 ont provoqué des dommages aux bâtiments implantés sur des terrains argileux ; c'est bien la sécheresse qui est la cause déterminante de ces dommages, même si la nature argileuse du sous-sol rend la commune plus exposée au phénomène de retrait ;

Vu le jugement et les décisions attaquées ;

Vu le mémoire en défense, enregistrée le 18 février 2015, présenté, pour le ministre de l'intérieur, par MeA... ; le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3000 euros soit mise à la charge de la commune de Pont-Péan, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- que l'arrêté reconnaissant l'état de catastrophe naturelle n'avait pas à être motivé et le défaut de motivation du courrier de notification ne peut avoir d'effet sur la légalité de l'arrêté attaqué ; qu'en tout état de cause, le courrier de notification du préfet d'Ille-et-Vilaine du 22 juillet 2011 est motivé en droit et en fait ;

- que ce n'est que lorsqu'un agent naturel d'une intensité anormale provoque des dégâts matériels que par exception, ceux-ci peuvent être pris en charge dans le cadre de la législation relative aux catastrophes naturelles ; la commission interministérielle a prévu des critères objectifs visant à vérifier la normalité et l'intensité du phénomène sur un territoire donné, à partir des bases de données collationnées et analysées par Météo France ;

- les critères édictées pour l'étude des effets sur le sol de la sécheresse de l'année 2010 s'inscrivent dans la logique des critères édictés précédemment notamment pour la sécheresse de l'année 2003, ils ont seulement été améliorés ; pour un épisode de sécheresse estivale, la sécheresse géotechnique en résultant peut être classée en état de catastrophe naturelle par application de deux critères alternatifs ;

- la commune de Pont Péan ne démontre pas que ces critères seraient inadaptés au regard de l'objet de la loi, de sorte que le moyen tiré de l'erreur de droit sera écarté ;

- qu'au regard de ces critères, même si l'année 2010 a connu une sécheresse d'été, celle-ci n'a pas revêtu, sur le territoire de la commune de Pont Péan les caractères d'intensité et d'anormalité qui peuvent seuls justifier l'application de la législative relative à l'état de catastrophe naturelle ; que les décisions attaquées ne sont entachées d'aucune erreur d'appréciation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2015 :

- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bonnat, avocat de la commune de Pont-Péan ;

1. Considérant que par un jugement du 31 décembre 2013, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de la commune de Pont-Péan tendant à l'annulation de l'arrêté interministériel du 15 juillet 2011 portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, en tant qu'il ne la reconnait pas en état de catastrophe naturelle au titre des mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er juillet 2010 au 30 septembre 2010, ainsi que de la décision du ministre de l'intérieur du 21 octobre 2011 rejetant son recours gracieux ; que la commune de Pont-Péan relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances : " Les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'Etat et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles, dont ceux des affaissements de terrain dus à des cavités souterraines et à des marnières sur les biens faisant l'objet de tels contrats. / (...) Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. / L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département, assortie d'une motivation. L'arrêté doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. De manière exceptionnelle, si la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l'Etat dans le département est supérieure à deux mois, l'arrêté est publié au plus tard deux mois après la réception du dossier par le ministre chargé de la sécurité civile (...) " ;

En ce qui concerne le défaut de motivation :

3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions que si la notification des décisions de rejet et d'acceptation des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle formées par les communes doit être accompagnée de la motivation de ces décisions, l'arrêté interministériel qui constate cet état de catastrophe naturelle n'est pas lui-même soumis à cette obligation de motivation ; que par suite, le moyen tiré de ce que la notification de la décision refusant de reconnaître la commune de Pont-Péan en état de catastrophe naturelle aurait été entachée d'un défaut de motivation est inopérant pour contester l'arrêté interministériel litigieux ;

4. Considérant, d'autre part, que dès lors qu'est demandée l'annulation d'une décision initiale et de la décision rejetant le recours gracieux formé contre cette décision, les moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision rejetant le recours gracieux ne peuvent être utilement invoqués, au soutien des conclusions dirigées contre cette décision ; que par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 21 octobre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours gracieux formé par la commune de Pont-Péan contre la décision refusant de la reconnaître en état de catastrophe naturelle, doit être écarté comme inopérant ;

En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation :

5. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'administration a apprécié la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle des communes au titre des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse au regard de critères " météorologiques " édictés, à partir des données de Météo-France, pour apprécier l'anormalité et l'intensité des effets sur le sol de la sécheresse constatée au cours des mois de juillet à septembre 2010 ; que ces critères, qui reposent sur la mesure de l'humidité des sols, sont appliqués sur des zones carrées, de 8km de coté, appelées mailles ; que la commune de Pont-Péan, dont le territoire est compris à 90, 20% dans une maille et à 9, 80% dans une autre maille, ne remplit dans aucune de ces mailles les critères fixés pour que soit reconnu le caractère intense et anormal de la sécheresse des mois de juillet, août et septembre 2010 ; que si la commune de Pont-Péan fait valoir que d'autres critères auraient dû être pris en compte, à savoir la combinaison de la pluviométrie et de la température moyenne constatées sur trois mois, de tels critères, s'ils donnent une indication sur l'intensité de la sécheresse, ne permettent pas, à eux seuls, de mesurer l'atteinte portée aux sols ; qu'en outre, à supposer même que la sécheresse de l'été 2010 soit à l'origine de dommages causés à certains bâtiments de la commune, ce qui ne ressort pas des pièces du dossier, cette circonstance serait sans incidence sur la légalité de la décision contestée dés lors que la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle n'est pas subordonnée à la démonstration de la survenance ou de la persistance de dommages imputables à la catastrophe naturelle, mais à la constatation de ce que ces dommages ont eu pour cause déterminante l'intensité anormale de l'agent naturel en cause ; qu'enfin, la circonstance que l'état de calamité agricole a été reconnu pour des pertes de récoltes sur prairies dues à la sécheresse de l'été 2010 pour des parcelles situées sur le territoire de la commune de Pont Péan n'est pas de nature à établir que la commune aurait dû bénéficier d'une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sur l'ensemble de son territoire, les critères d'appréciation en la matière étant différents ; que par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Rennes a écarté le moyen tiré de l'erreur d'appréciation ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Pont-Péan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 juillet 2011 en tant qu'il ne reconnait pas cette commune en état de catastrophe naturelle au titre des mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er juillet 2010 au 30 septembre 2010, ainsi que de la décision du ministre de l'intérieur du 21 octobre 2011 rejetant son recours gracieux ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la commune de Pont-Péan, n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions susvisées ne peuvent par suite qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune de Pont-Péan doivent dès lors être rejetées ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Pont Péan la somme que l'Etat demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Pont-Péan est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Pont-Péan et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 juin 2015.

Le rapporteur,

S. RIMEU

Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

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N° 14NT00568

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00568
Date de la décision : 26/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : SELARL AVOXA RENNES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-26;14nt00568 ?
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