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18/06/2015 | FRANCE | N°14NT00868

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 juin 2015, 14NT00868


Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2014, présentée pour M. B... E..., demeurant..., par Me Mongis, avocat au barreau de Tours ; M. E... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1302244 du 13 février 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 mars 2013 du ministre de l'intérieur autorisant l'inhumation de M. A...C...dans la cathédrale Saint Gatien de Tours et de la décision implicite rejetant son recours gracieux dirigé contre cette décision ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir,

ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros a...

Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2014, présentée pour M. B... E..., demeurant..., par Me Mongis, avocat au barreau de Tours ; M. E... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1302244 du 13 février 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 mars 2013 du ministre de l'intérieur autorisant l'inhumation de M. A...C...dans la cathédrale Saint Gatien de Tours et de la décision implicite rejetant son recours gracieux dirigé contre cette décision ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- il ne saurait être exigé un intérêt à agir pour déclarer la décision du 4 mars 2013 inexistante en ce qu'elle a été prise sur le fondement du droit canon ;

- subsidiairement, son appartenance à la communauté chrétienne et sa qualité d'usager du service public des monuments historiques lui donnent intérêt à agir ;

- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de ce qu'il est en droit de contester la décision au regard des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le directeur général des cultes était incompétent pour prendre la décision contestée, qui relevait de la compétence du maire de Tours, et à tout le moins devait faire l'objet d'un contreseing du ministre ayant en charge les monuments historiques ;

- la décision litigieuse est contraire à l'article L. 2223-10 du code général des collectivités territoriales et fait primer l'article 1242 du code du droit canon sur ces dispositions ;

- cette décision, qui est fondée sur la qualité d'ancien dignitaire de l'église de Rome du défunt, méconnaît l'article 1er de la Constitution établissant le caractère laïc de la République ainsi que l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 en vertu duquel " la République ne reconnaît ... aucun culte " ;

- la décision contestée est contraire à l'article 1er de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- le désir d'être inhumé dans la cathédrale de Tours est contraire à l'obligation d'humilité des pasteurs de la foi et la distinction entre les évêques et les fidèles est contraire au droit canon et plus particulièrement à l'article 208 de ce code ;

- en vertu de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit d'être inhumé dans un monument servant à l'exercice d'un culte ne saurait être réservé aux membres de ce culte et moins encore selon l'appartenance ou non à une hiérarchie sociale liée à ce culte ;

- la décision contestée, qui a été prise au regard du caractère d'ancien dignitaire de l'église de Rome à Tours, est contraire aux dispositions de l'article L. 2213-9 du code général des collectivités territoriales ;

- elle est également contraire à l'article L. 2122-2 du code général de la propriété des personnes publiques ainsi qu'au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques dès lors que l'autorisation n'est pas donnée pour une durée limitée dans le temps et ne prévoit pas de contrepartie financière à cette occupation privative du domaine public ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2015, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. E...au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

il fait valoir que :

- l'exigence d'un intérêt à agir est une condition préalable de recevabilité même en cas d'acte inexistant ;

- la qualité de personne baptisée n'est pas suffisante pour conférer à M. E...un intérêt à agir ; il en va de même de la qualité d'usager du service public cultuel, lequel au demeurant n'existe plus en France métropolitaine en dehors des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ; la qualité d'usager du service public culturel ne peut être retenue dès lors que l'autorisation d'inhumation de Mgr C...n'entretient qu'un rapport lointain avec le service public des monuments historiques ; l'intéressé ne peut davantage fonder son intérêt à agir sur la méconnaissance des stipulations des articles 14 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; l'intérêt à agir du requérant doit s'apprécier au regard de l'objet de sa demande mais aussi au regard de l'objet de la décision contestée et non de ses motifs ou des moyens invoqués au soutien de cette demande ;

- il se réserve la possibilité de présenter des observations en défense au fond et demande à la cour de statuer par une décision avant dire droit sur la recevabilité de la demande présentée par M.E... ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 13 mai 2015, présenté pour M.E..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

il soutient en outre que :

- un recours en inexistence est distinct d'un recours pour excès de pouvoir et que les qualités qu'il a invoquées lui donnent qualité pour agir en vue de la déclaration d'inexistence des décisions contestées ;

- ces décisions méconnaissent les dispositions de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la lettre du 20 mai 2015 informant les parties qu'un moyen d'ordre public était susceptible d'être soulevé d'office dans cette affaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2015 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;

1. Considérant que, par une décision du 4 mars 2013, le ministre de l'intérieur a autorisé l'inhumation dans la cathédrale Saint Gatien de Tours de M. A...C..., cardinal et archevêque émérite de Tours décédé le 28 février 2013 en Indre-et-Loire ; que le 25 avril 2013, M. E... a présenté au ministre de l'intérieur une demande tendant au retrait de cette décision ; qu'il a saisi le 2 août suivant le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de la décision susvisée du 4 mars 2013 du ministre de l'intérieur ainsi que du rejet implicite de son recours gracieux ; que, par un jugement du 13 février 2014, le tribunal a rejeté la demande de l'intéressé au motif que celui-ci ne justifiait pas d'un intérêt à agir ; que M. E... relève appel de ce jugement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête ;

2. Considérant que si les dispositions de l'article L. 2223-10 du code général des collectivités territoriales prévoient qu'aucune inhumation ne peut avoir lieu dans les édifices religieux clos et fermés servant à la célébration des cultes, elles ne font pas obstacle à ce que, saisi d'une demande en ce sens, le ministre de l'intérieur autorise, à titre exceptionnel, l'inhumation dans une église, conformément à une tradition ancienne, d'un desservant y ayant célébré le culte, et accueille ainsi favorablement la volonté exprimée par le défunt ; qu'une telle décision, prise par bienveillance, présente le caractère d'une mesure qui, eu égard à sa nature et à ses effets, revêt un caractère purement gracieux ; que, par suite, cette décision n'est pas au nombre des mesures susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;

3. Considérant que, par la décision contestée, le ministre de l'intérieur a autorisé, " à titre exceptionnel et par dérogation à l'article L. 2223-10 du code général des collectivités territoriales ", l'inhumation dans la cathédrale de Tours de Monseigneur A...C..., cardinal et archevêque émérite de Tours entre 1981 et 1997, décédé le 28 février 2013 ; que cette mesure, qui a été prise à titre gracieux, à la demande du préfet d'Indre-et-Loire et conformément au souhait exprimé par le défunt, n'est, ainsi qu'il a été dit au point 2, pas susceptible d'être déférée au juge administratif ; qu'il suit de là que les conclusions de la requête de M. E...tendant à l'annulation de la décision du 4 mars 2013 du ministre de l'intérieur ainsi que du rejet implicite de son recours gracieux sont manifestement irrecevables ; que, dès lors, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif d'Orléans a à tort rejeté pour irrecevabilité sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. E... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

5. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que, si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge l'application de cet article au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services sans indiquer précisément les frais que l'Etat a exposés pour assurer sa défense ; que par suite, il y a lieu en l'espèce de rejeter les conclusions présentées par le ministre de l'intérieur tendant à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de l'intérieur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2015, où siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 juin 2015.

Le rapporteur,

V. GÉLARDLe président,

I. PERROT

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00868


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00868
Date de la décision : 18/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SCP OMNIA LEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-18;14nt00868 ?
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