Vu la requête, enregistrée le 8 avril 2014, présentée pour M. C... D..., demeurant..., par Me le Fur, avocat ;
M. D... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1103383 du 10 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2011 par lequel le maire de la commune de Landerneau a refusé de lui délivrer un permis de démolir la villa Bélérit, située 19 boulevard de la Gare, sur la parcelle cadastrée AY 343 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3°) d'enjoindre au maire de Landerneau de réexaminer sa demande dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Landerneau une somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu aux moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée et du défaut de motivation de cette décision ;
- la décision contestée a été prise par une autorité incompétente, faute pour la commune de justifier de l'existence, de la régularité et de la publicité de la délégation donnée à M.A..., adjoint délégué au développement urbain et au droit d'occupation du sol ;
- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article R. 424-5 du code de l'urbanisme et les dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 en ce qu'elle est insuffisamment motivée, ne fait référence qu'à l'avis de l'architecte des bâtiments de France et ne mentionne pas les éléments de droit dont elle fait application ;
- l'avis de l'architecte des bâtiments de France est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le bâtiment n'est pas classé comme monument remarquable dans la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, comme le montre l'expertise du 3 novembre 2011, et que la commune a confirmé n'avoir jamais protégé l'immeuble depuis 1996, notamment après un incendie non déclaré ;
- l'avis de l'architecte des bâtiments de France du 12 juillet 2011 est insuffisamment motivé dès lors que l'architecte, dont la compétence en matière d'application du règlement de la ZPPAUP est sujette à caution, n'a pas visité le bâtiment et ne l'a vu que depuis l'espace public, alors qu'il est nécessaire d'examiner l'intérieur de l'immeuble pour se prononcer sur son état de ruine éventuel ;
- la décision contestée est illégale dès lors qu'elle a pour objet de l'obliger à rénover un bien dont l'état de délabrement rend tout projet impossible et le bien invendable ;
Vu le jugement attaqué et la décision contestée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2014, présenté par la commune de Landerneau, représentée par son maire en exercice, par MeB..., qui conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. D... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle fait valoir que :
- le moyen tiré de l'incompétence de la l'auteur de la décision contestée manque en fait ;
- le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée manque en fait ;
- la décision contestée ne méconnait ni les dispositions de l'article L. 451-2 du code de l'urbanisme ni le règlement de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) dès lors que le rapport de l'expertise privée du 26 juillet 2011, laquelle n'a pas été ordonnée par décision de justice et a été établie sans caractère contradictoire, est dépourvu de valeur probante et n'est pas opposable à la commune, que cette expertise a été sollicitée par le requérant pour les besoins de la cause à l'approche de la décision contestée, que l'expertise judiciaire ordonnée le 20 septembre 2012 conclut que la restauration de l'immeuble est possible bien qu'onéreuse et que seule l'annexe en appentis doit être démolie, que la parcelle d'assiette de la villa et la villa sont classées en tant que bâtiment remarquable dans la ZPPAUP, que le requérant ne saurait déduire du défaut d'affectation du bâtiment et des avis contraires sur son devenir que la commune ne voulait pas le classer comme remarquable, que la création de la ZPPAUP, en mars 1995, relevait alors de la compétence du préfet de région, après consultation de la commune ;
- l'avis de l'architecte des bâtiments de France n'est entaché ni d'erreur de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la villa est classée comme remarquable dans la ZPPAUP, que l'appréciation technique de l'état du bâtiment par l'architecte des bâtiments de France est confirmée par l'expertise judiciaire et que cet avis est motivé ;
- l'éventuelle méconnaissance de la ZPPAUP, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de l'interdiction de démolir un autre bâtiment en application des prescriptions de la ZPPAUP et des dispositions de l'article L. 451-2 du code de l'urbanisme ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 23 mars 2015, présenté pour M. D..., qui tend aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
il soutient en outre que :
- le tracé du document graphique de la ZPPAUP montre que la villa Bélérit est située dans une enclave hors du premier périmètre de protection, ce que confirment les différents entre les municipalités successives sur le devenir de cet immeuble dont il n'a pas à être victime, et le sort réservé à la chapelle Saint-Roch, détruite alors qu'elle était classée remarquable ;
- il a porté plainte contre la commune pour faux et usage de faux en écriture publique et dénonciation calomnieuse auprès du procureur de la République de Brest, en raison de la volonté constante de l'adjoint à l'urbanisme de lui porter préjudice ;
- la vente de la villa par la commune montre que sa réhabilitation est impossible ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 mai 2015, présenté pour M. D... ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 mai 2015, présenté par la ministre de la culture et de la communication ;
Vu la décision du 24 février 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a accordé à M. D...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du patrimoine ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mai 2015 :
- le rapport de Mme Piltant, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;
- et les observations de Me Buors, avocat de M. D..., et de Me Maccario, avocat de la commune de Landerneau ;
1. Considérant que M. D... relève appel du jugement du 10 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2011 par lequel le maire de Landerneau a refusé de lui délivrer un permis de démolir la villa Bélérit, située 19 boulevard de la Gare, sur la parcelle cadastrée AY 343 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux moyens tirés de l'incompétence de la décision contestée et du défaut de motivation de cette décision, le tribunal administratif de Rennes a répondu qu'ils étaient inopérants dès lors que, l'architecte des Bâtiments de France ayant régulièrement délivré un avis défavorable au permis de démolir sollicité par M. D..., le maire de Landerneau était tenu de refuser de délivrer ce permis ; que le tribunal administratif de Rennes n'ayant pas omis de statuer sur ces moyens, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait, pour ce motif, entaché d'irrégularité ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant qu'aux termes de L. 642-6 du code du patrimoine : " Tous travaux (...) ayant pour objet ou pour effet de transformer ou de modifier l'aspect d'un immeuble, bâti ou non, compris dans le périmètre d'une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine instituée en application de l'article L. 642-1, sont soumis à une autorisation préalable délivrée par l'autorité compétente (...) L'autorité compétente transmet le dossier à l'architecte des Bâtiments de France. A compter de sa saisine, l'architecte des Bâtiments de France statue dans un délai d'un mois. En cas de silence à l'expiration de ce délai, l'architecte des Bâtiments de France est réputé avoir approuvé le permis ou la décision de non-opposition à déclaration préalable, qui vaut alors autorisation préalable au titre du présent article. Dans le cas contraire, l'architecte des Bâtiments de France transmet son avis défavorable motivé ou sa proposition de prescriptions motivées à l'autorité compétente (...) Le présent article est applicable aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager prévues par l'article L. 642-8 pour les demandes de permis ou de déclaration préalable de travaux déposées à compter du premier jour du troisième mois suivant l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement. " ; qu'aux termes de l'article R. 421-28 du code de l'urbanisme : " Doivent en outre être précédés d'un permis de démolir les travaux ayant pour objet de démolir ou de rendre inutilisable tout ou partie d'une construction : (...) c) Située (...) dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager créée en application de l'article L. 642-1 du code du patrimoine (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 425-2 du même code dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Lorsque le projet est situé dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, (...) le permis de démolir (...) tient lieu de l'autorisation prévue (...) dès lors que la décision a fait l'objet de l'accord, selon les cas prévus par le code du patrimoine, de l'architecte des Bâtiments de France (...) " ;
4. Considérant que, conformément aux dispositions précitées du dernier alinéa de l'article L. 642-6 du code du patrimoine et de l'article R. 425-2 du code de l'urbanisme, le maire de Landerneau était tenu de rejeter la demande de permis de démolir présentée par M.D..., déposée le 28 juin 2011, soit postérieurement au 13 octobre 2010, date d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l'article L. 642-6 du code du patrimoine, dès lors que l'architecte des Bâtiments de France avais émis, le 12 juillet 2011, un avis défavorable à son projet ; qu'en conséquence, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée et du défaut de motivation de celle-ci sont en tout état de cause inopérants ;
5. Considérant que l'article 2.1 du cahier des prescriptions applicable au secteur A3 de la zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP), qui correspond au quartier de la gare dans lequel est située la villa Bélérit, prévoit que la démolition des " bâtiments remarquables " est interdite sauf si elle constitue le seul moyen de mettre fin à la ruine de l'immeuble ; qu'aux termes de l'article 2.5 de ce même cahier : " Si pour une raison de sécurité (bâtiment menaçant ruine), la conservation d'un bâtiment ne peut être envisagée, un projet de substitution pourra être autorisé sous réserve de la réalisation d'un bâtiment respectant les règles de la construction neuve, ou reconstruction de la zone considérée. " ;
6. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du plan du secteur A3 de la ZPPAUP, que la villa Belerit et sa parcelle d'implantation sont identifiées comme " bâtiments et éléments remarquables " ; que, contrairement à ce que soutient M. D..., la circonstance que la parcelle et la villa sont chacune entourée d'un trait les délimitant n'a pas pour effet d'exclure la villa du périmètre de protection ; qu'il en résulte que la démolition de la villa ne peut être autorisée que dans les conditions définies par les prescriptions précitées ;
7. Considérant, d'autre part, que si M. D...soutient, en s'appuyant sur les constatations réalisées à sa demande en juillet 2011 par un architecte expert, que la villa Belerit se trouve dans un état de ruine auquel seule la démolition peut mettre un terme, il résulte des conclusions de l'expertise judiciaire contradictoire réalisée en exécution de l'ordonnance du 20 septembre 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes, que " la structure du bâtiment principal ne présente pas dans son ensemble un état général de ruine et que ce bâtiment peut être restauré dès l'instant où il sera rapidement pourvu d'une couverture efficace et que les entrées d'eau par les fenêtres seront stoppées. (...) La seule partie ruinée et difficilement récupérable est l'annexe en appentis dans le parc dont la toiture est effondrée " ; qu'ainsi, l'état de ruine allégué par le requérant n'est pas établi ; que, par ailleurs, la circonstance que la restauration de la villa serait onéreuse est sans incidence sur la légalité de l'avis de l'architecte des Bâtiments de France ; que, par suite, c'est à bon droit et sans commettre d'erreur d'appréciation que l'architecte des Bâtiments de France, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait émis son avis sans visiter l'intérieur de la villa, a émis un avis défavorable à la démolition de la villa Belerit et qu'en conséquence, le maire de Landerneau a refusé, par la décision contestée, de délivrer un permis de démolir à M. D...;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. D... ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Landerneau, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par M. D... ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... le versement de la somme demandée par la commune de Landerneau au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Landerneau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à la commune de Landerneau et à la ministre de la culture et de la communication.
Délibéré après l'audience du 11 mai 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Piltant, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er juin 2015.
Le rapporteur,
Ch. PILTANTLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
Ch. GOY
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N°14NT00923 2
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