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29/05/2015 | FRANCE | N°14NT01194

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 29 mai 2015, 14NT01194


Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2014, présentée pour la SARL Pizza Prim', dont le siège se situe 28 avenue d'Orléans à Saint Denis de l'Hôtel (45550), représentée par son gérant, par Me Lavisse, avocat au barreau d'Orléans ; la SARL Pizza Prim' demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1302781 du 27 mars 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 5 août 2013 lui réclamant une contribution spéciale de 16 800 euros ;

2°)

d'annuler la décision du 5 août 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Office franç...

Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2014, présentée pour la SARL Pizza Prim', dont le siège se situe 28 avenue d'Orléans à Saint Denis de l'Hôtel (45550), représentée par son gérant, par Me Lavisse, avocat au barreau d'Orléans ; la SARL Pizza Prim' demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1302781 du 27 mars 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 5 août 2013 lui réclamant une contribution spéciale de 16 800 euros ;

2°) d'annuler la décision du 5 août 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement à son profit d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est insuffisamment motivée ;

- l'ensemble de la procédure de contrôle est viciée du fait de l'absence de réquisitions valides et préalables du procureur de la République ;

- le juge judiciaire ayant annulé l'intégralité de la procédure par une décision définitive, les procès-verbaux sont nuls et ne peuvent servir de fondement légal à la décision de l'OFII ;

- M. A...n'ayant jamais travaillé pour le compte de la pizzéria, la décision contestée repose sur des faits matériellement inexacts et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2014, présenté pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par son directeur général, par Me Schegin, avocat au barreau de Paris ; l'OFII conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 800 euros soit mise à la charge de la SARL Pizza Prim' au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la contribution spéciale est matériellement due, dès qu'il y a embauche d'un étranger démuni de titre de travail, l'employeur ayant personnellement pour obligation de vérifier la régularité de la situation de l'étranger préalablement à l'embauche ;

- les irrégularités de procédure pénale ne sauraient remettre en cause la constatation matérielle de l'infraction d'emploi d'étranger démuni d'autorisation de travail, quand bien même la SARL Pizza Prim', en la personne de son gérant, se serait vue relaxée des fins de la poursuite ;

- la décision d'application de la contribution spéciale notifiée à l'employeur le 5 août 2013, qui fait référence à la lettre de la Dirrecte du 26 avril 2012 exposant déjà les faits, et relevant l'identité du travailleur concerné, est suffisamment motivée, dès lors qu'elle rappelle le texte de l'article R. 8253 du code du travail, qui fixe les bases de liquidation des sommes dues, et mentionne l'infraction constatée par le procès-verbal du 23 août 2011 ;

- la décision est intervenue après que le restaurant ait été mis à même de présenter ses observations ;

- la réalité de l'emploi du ressortissant étranger dépourvu d'autorisation de travail est établie, les procès verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire, et M.A..., qui maîtrise la langue française, ayant avoué être embauché depuis trois mois contre rémunération en liquide ;

- l'OFII a justement et régulièrement mis en oeuvre la contribution spéciale de 16 800 euros, en application de l'article L. 8253-1 du code du travail ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2015 :

- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARL Pizza Prim' relève appel du jugement du 27 mars 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 5 août 2013 lui réclamant le versement d'une somme de 16 800 euros, au titre de la contribution spéciale prévue par les articles L. 8253-1 et R. 8253-2 et suivants du code du travail ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. " ; que, eu égard aux exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ces dispositions ne permettent pas à l'administration de se prévaloir, pour établir la contribution spéciale dont s'agit, de pièces ou documents obtenus dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge ;

3. Considérant que des opérations de police du 23 août 2011 ont mis en évidence que la SARL Pizzeria Prim' employait un ressortissant algérien, dépourvu de titre l'autorisant à travailler en France ; que, toutefois, par un jugement du 22 novembre 2012, le tribunal de grande d'instance d'Orléans, statuant en matière correctionnelle, a déclaré nulle la procédure de contrôle de l'établissement dit " Pizzeria du Chatelet " par les services de police et relaxé son gérant des fins de la poursuite, dès lors que la réquisition du procureur de la République ne portait que sur l'établissement voisin " Chatelet alimentation " ; que les procès-verbaux de police établis le 23 août 2011 font partie intégrante de la procédure déclarée irrégulière par le juge pénal ; que cette circonstance faisait, dès lors, obstacle à ce que les faits incriminés, qui résultent de ces procès-verbaux, puissent être regardés comme établis et servent ainsi de fondement à la mise en oeuvre de la contribution spéciale établie par l'article L. 8253-1 du code du travail ; que, par suite, la SARL Pizza Prim' ne pouvait être assujettie au versement d'une telle contribution ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Pizza Prim' est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL Pizza Prim', qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'OFII demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFII le versement à la société requérante de la somme qu'elle demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 27 mars 2014 et la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 5 août 2013 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SARL Pizza Prim' et l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Pizza Prim' et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. Pouget, premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 mai 2015.

Le rapporteur,

J-F. MILLET

Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

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N° 14NT01194 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01194
Date de la décision : 29/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : SCP LAVISSE BOUAMIRENE (LB)

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-05-29;14nt01194 ?
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