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07/05/2015 | FRANCE | N°13NT02500

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 mai 2015, 13NT02500


Vu la requête, enregistrée le 22 août 2013, présentée pour la caisse régionale d'assurances mutuelles agricole Paris Val-de-Loire (Groupama), dont le siège est 161 avenue Vaillant Couturier à Gentilly (94250), par Me Malnoy, avocat au barreau de Paris ; la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricole Paris Val-de-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300380 du 25 juin 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société francilienne de routes et d'équipements (SFRE), de la socié

té francilienne d'espaces verts (SFEV), de la compagnie SMABTP, de la so...

Vu la requête, enregistrée le 22 août 2013, présentée pour la caisse régionale d'assurances mutuelles agricole Paris Val-de-Loire (Groupama), dont le siège est 161 avenue Vaillant Couturier à Gentilly (94250), par Me Malnoy, avocat au barreau de Paris ; la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricole Paris Val-de-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300380 du 25 juin 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société francilienne de routes et d'équipements (SFRE), de la société francilienne d'espaces verts (SFEV), de la compagnie SMABTP, de la société Iris conseil aménagement et de la société QBE à lui rembourser, d'une part, en qualité d'assureur subrogé dans les droits des ayants droits de Mme A..., la somme de 174 000 euros qu'elle a versée à ces derniers en réparation des préjudices résultant du décès de Mme C...A...suite à l'accident dont elle a été victime en relation avec les travaux d'assainissement réalisés sur sa propriété et, d'autre part, en qualité d'assureur subrogé dans les droits la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais, la somme de 6 778,37 euros TTC versée au titre de la réparation de l'ouvrage ;

2°) de condamner solidairement ces mêmes sociétés à lui verser la somme totale de

180 778,37 euros ;

3°) de mettre à la charge solidaire de ces mêmes sociétés la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- elle a qualité pour agir, d'une part en tant que subrogée dans les droits des héritiers de Mme A...puisqu'elle les a indemnisés des conséquences du décès de celle-ci et, d'autre part, dans les droits de la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais qui a dû assumer le coût des travaux de comblement du trou qui est à l'origine de la chute de la victime ;

- le tribunal administratif d'Orléans a omis de se prononcer sur la mise en jeu de la responsabilité des entreprises ayant effectué les travaux au titre de la garantie décennale qu'elle a invoquée dans sa note en délibéré ; le jugement attaqué est donc irrégulier en raison de cette omission ;

- c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans n'a pas retenu de lien de causalité entre la chute de Mme A...dans un trou résultant des travaux publics réalisés sur sa propriété et la survenue de son décès ; en effet, la fracture occasionnée par cette chute a rendu nécessaire une intervention chirurgicale qui est à l'origine de l'infarctus pulmonaire dont l'intéressée est décédée le 20 mai 2009, ainsi qu'en atteste son médecin conseil ; cette attestation d'imputabilité ne pouvait être écartée par le tribunal administratif d'Orléans du seul fait que ce médecin est un salarié ;

- en tant qu'assureur de la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais, elle bénéficie de la subrogation légale à hauteur des sommes qu'elle a dû verser pour son compte ; par convention signée entre la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais et Mme A..., la collectivité publique s'est substituée au propriétaire pour la réalisation des travaux de réhabilitation de l'installation d'assainissement collectif, elle a réalisé les travaux pour le compte de la victime ; cette convention prévoyait également la substitution de la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais au propriétaire en cas de recours du fait d'un sinistre ; cette obligation a été transmise aux ayants droits de MmeA..., qu'elle a indemnisés pour le compte de la communauté de communes à hauteur de la somme de 174 000 euros ; elle est par ailleurs subrogée dans les droits de la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais pour le montant des travaux de reprise de l'ouvrage d'assainissement qui est à l'origine du dommage ;

- s'agissant de travaux exécutés sous la maîtrise d'ouvrage d'une personne publique pour le compte d'une personne privée dans le cadre d'une mission de service public et présentant ainsi le caractère d'un travail public, la juridiction administrative est compétente pour en connaître, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif ;

- les circonstances de l'accident de Mme A...ne sont pas discutées, bien qu'il n'y ait eu aucun témoin direct ; Mme A...a fait une chute dans l'affouillement qui s'est formé au droit des travaux dont la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais était maître d'ouvrage ;

- Mme A...était usager de l'ouvrage d'assainissement qui doit être assimilé à un ouvrage public ; le défaut de réalisation de cet ouvrage, et en particulier le défaut de compactage de la terre explique qu'un trou se soit formé dans lequel Mme A...a chuté ; les différents rapports d'expertise sont sans équivoque sur ce point ; de ce fait, la responsabilité de la société Iris conseil aménagement, maître d'oeuvre, est engagée en raison de ses manquements dans la surveillance de l'exécution des travaux, celle de la société francilienne de routes et d'équipements (SFRE) et de la société francilienne d'espaces verts (SFEV) l'est également en raison de leurs manquements dans le compactage du remblai ;

- la responsabilité de ces sociétés est engagée vis-à-vis de la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais au titre de la garantie décennale de l'ouvrage puisque celui-ci était impropre à sa destination et que l'absence de compactage compromettait sa solidité ; elle a donc droit, en tant que subrogée dans les droits de la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais, au remboursement des travaux de reprise de l'ouvrage à hauteur de 6 777,37 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2013, présenté pour la société francilienne de routes et d'équipements (SFRE), et pour la société francilienne d'espaces verts (SFEV), qui concluent, à titre principal, à la mise hors de cause de la société SFRE et au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que les sommes auxquelles elles pourraient être condamnées soient limitées au tiers des sommes demandées, enfin à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la partie succombante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elles font valoir que :

- la caisse régionale d'assurances mutuelles agricole Paris Val-de-Loire ne justifie pas avoir effectivement versé les sommes dont elle réclame le remboursement aux ayants-droits de MmeA..., de sorte que sa requête n'est pas recevable ;

- la société francilienne de routes et d'équipements (SFRE), en tant qu'entrepreneur groupé avec la société francilienne d'espaces verts au sein d'un groupement conjoint non solidaire, n'a pas participé aux travaux en litige et doit, par conséquent, être mise hors de cause ;

- la requérante n'établit ni les circonstances de la chute de MmeA..., ni que le trou se serait formé en raison des travaux réalisés, ni que le décès de la victime résulterait de cette chute ; ainsi, les rapports d'expertises produits ne démontrent pas en quoi le compactage du remblai serait défectueux ; il n'est pas établi que Mme A...ait chuté dans le trou situé au droit de l'ouvrage d'assainissement ni que cette chute soit à l'origine de son décès ;

- la réception définitive des travaux a mis fin à leurs rapports contractuels avec la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais ;

- en cas de condamnations prononcées à leur encontre, elles sollicitent un partage de responsabilité avec le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrage à hauteur d'un tiers chacun ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 décembre 2013, présenté pour la société Iris conseil aménagement et pour la société QBE qui concluent au rejet de la requête, à être garanties par la société francilienne de routes et d'équipements (SFRE), par la société francilienne d'espaces verts, et par la SMABTP des condamnations éventuellement prononcées à leur encontre et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la partie succombante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elles font valoir que :

- ainsi que l'a justement estimé le tribunal administratif d'Orléans, la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître des actions de la caisse régionale d'assurances mutuelles agricole Paris Val-de-Loire à l'encontre de l'assureur de la société Iris conseil aménagement, la société QBE ;

- la caisse régionale d'assurances mutuelles agricole Paris Val-de-Loire, en produisant de simples quittances subrogatives, ne justifie pas avoir effectivement versé les sommes dont elle réclame le remboursement aux ayants-droits de Mme A...de sorte que, sa qualité de subrogée conventionnelle n'étant pas établie, sa requête n'est pas recevable ; de même, la caisse régionale d'assurances mutuelles agricole Paris Val-de-Loire ne rapporte pas la preuve que l'indemnité d'assurance a été versée aux consorts A...au titre d'un risque garanti par le contrat d'assurance de nature à fonder son action sur la subrogation légale ;

- la requérante n'établit pas que Mme A...ait chuté dans le trou situé au droit de l'ouvrage d'assainissement ; le témoignage du voisin de la victime, qui n'a pas assisté à l'accident, n'est pas probant ; de même, il n'est pas établi que la chute de Mme A...soit à l'origine de son décès ;

- la preuve d'un défaut de compactage du remblai ainsi que du lien de causalité entre ce défaut supposé et l'accident n'est pas rapportée, d'autant que l'accident s'est produit deux ans après la réception des travaux alors que d'autres causes peuvent être à l'origine de l'orifice en litige ; sa responsabilité au titre de la garantie décennale de l'ouvrage ne peut donc être engagée ;

- elle demande à être garantie solidairement des condamnations prononcées à son encontre par la société francilienne de routes et d'équipements (SFRE) et par la SMABTP, son assureur, ainsi que par la société francilienne d'espaces verts (SFEV) ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 juillet 2014, présenté pour la caisse régionale d'assurances mutuelles agricole Paris Val-de-Loire qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que :

- la production des quittances subrogatives est suffisante, au regard de la jurisprudence administrative, pour établir sa qualité de subrogée dans les droits des ayants droits de MmeA... ;

- la victime a effectivement déclaré être tombée dans le trou en cause dans lequel une de ses pantoufles a été retrouvée ; les circonstances de l'accident sont suffisamment établies ;

- la thrombose veineuse dont Mme A...est décédée est une des complications connue de la chirurgie orthopédique qu'elle a subie pour réduire la fracture de son tibia et de son péroné ; elle produit une nouvelle attestation d'un médecin expert auprès de la cour d'appel de Toulouse attestant du lien de causalité entre l'accident et le décès par embolie pulmonaire et défaillance cardiaque ;

- au titre de la subrogation de la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais, la défectuosité du remblai a bien une nature décennale puisque ce remblai est impropre à sa destination ou pas assez solide ;

- au titre de la subrogation des ayants droits de MmeA..., il suffit que soit démontré que l'accident a été causé par l'ouvrage public pour que soit engagée la responsabilité des constructeurs à l'égard de MmeA..., usager de l'ouvrage public ; il appartient aux constructeurs de faire la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage, de la faute de la victime ou de la force majeure, ce qu'ils ne font pas en l'occurrence ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 septembre 2014, présenté pour la société francilienne de routes et d'équipements (SFRE), et pour la société francilienne d'espaces verts (SFEV), qui concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures par les mêmes moyens ;

elles font valoir en outre que l'avis médical sur les causes du décès de Mme A...que la caisse régionale d'assurances mutuelles agricole Paris Val-de-Loire a produit dans son dernier mémoire ne leur est pas opposable puisque le médecin qui l'a rédigé n'a pas été désigné par une juridiction, qu'il n'est pas contradictoire, et que les sources sur lesquelles il se fonde ne sont pas précisées ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 novembre 2014, présenté pour la société Iris conseil aménagement et pour la société QBE qui concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures par les mêmes moyens ;

elles font valoir en outre que :

- l'avis médical du docteur Corman produit pas Groupama n'est pas contradictoire et que ce médecin n'a pas été désigné par une juridiction ; la cause du décès n'est pas établie avec certitude ;

- la preuve d'un vice de construction et du lien de causalité entre ce vice et la chute de Mme A...n'est pas rapportée ;

Vu la lettre en date du 16 mars 2015 informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 mars 2015, présenté pour la caisse régionale d'assurances mutuelles agricole Paris Val-de-Loire qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que :

- les travaux d'assainissement ayant été réalisés dans le cadre d'un marché public pour le compte d'une personne publique, les actions en garantie décennale de ces travaux relèvent de la juridiction administrative ; ces travaux, dont la propriété est revenue aux personnes privées, ont été réalisés dans le cadre de la mission de service public de l'assainissement ;

- les travaux en litige ne faisaient pas partie du service public industriel et commercial dès lors qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une facturation périodique ; la convention conclue entre Mme A...et la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais comporte des clauses exorbitantes du droit commun conférant aux travaux la nature d'ouvrage public ;

- le juge administratif est compétent puisque MmeA..., usager, demandait réparation d'un dommage étranger à la fourniture de la prestation et provient du fonctionnement d'un ouvrage qui ne constitue pas un raccordement particulier au réseau public ;

- l'ouvrage d'assainissement non collectif situé chez MmeA..., affecté au service public industriel et commercial, est un ouvrage public ;

- dans le cas où la cour estimerait qu'elle n'est pas compétente, elle devra renvoyer la question de la compétence au tribunal des conflits et surseoir à statuer sur l'affaire ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 mars 2015, présenté pour la Société mutuelle du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), par Me Beauchêne, avocat au barreau du Val-de-Marne, qui conclut à l'incompétence de la juridiction administrative en ce qui concerne l'action dirigée contre son assurée, la société francilienne de routes et d'équipements, à la mise hors de cause de cette société et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la caisse régionale d'assurances mutuelles agricole Paris Val-de-Loire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir que :

- son intervention est recevable ;

- dans le cas où la cour estimerait qu'elle n'est pas compétente pour statuer sur cette affaire, elle devra renvoyer la question de la compétence au tribunal des conflits ;

- la cour n'est pas compétente pour connaître des actions dirigées contre la société QBE, assureur de la société Iris conseil aménagement, et contre la SMABTP, assureur de la société francilienne de routes et d'équipements ;

- elle s'associe aux conclusions présentées au fond par la société francilienne de routes et d'équipements en ajoutant qu'aucune condamnation solidaire ne pourrait être prononcée à l'encontre de la société francilienne de routes et d'équipements dès lors que cette société n'a réalisé aucun des travaux en litige qui ont été réalisés intégralement par la société francilienne d'espaces verts ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2015 :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;

- et les observations de Me Malnoy, avocat de la caisse régionale d'assurances mutuelles agricole Paris Val-de-Loire, et de Me Steinmetz, avocat des sociétés Iris conseil aménagement et QBE ;

1. Considérant que la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais a décidé en 2005 de procéder à une réhabilitation des installations d'assainissement autonome relevant de son ressort territorial ; qu'à cette fin, elle a conclu avec chaque propriétaire d'installation d'assainissement non collectif qui le souhaitait une convention par laquelle elle devenait maître d'ouvrage durant les travaux qu'elle confiait, par un marché de travaux publics, à un groupement constitué de la société francilienne de routes et équipements (SFRE) et de la société francilienne d'espaces verts (SFEV), sous la maîtrise d'oeuvre de la société Iris conseil aménagement ; que, deux ans après l'achèvement des travaux réceptionnés le 23 janvier 2007, MmeA..., propriétaire concernée par ces travaux âgée de 77 ans, s'est fracturée la jambe lors d'une chute survenue dans son jardin à l'emplacement de son ancienne installation d'assainissement ; qu'après avoir subi au centre hospitalier d'Étampes une intervention chirurgicale, elle a été transférée le 18 mai 2009 dans un service de suite ; qu'elle y est décédée le 20 mai 2009 ; que la caisse régionale d'assurances mutuelles agricole Paris Val-de-Loire, assureur de la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais, a indemnisé les ayants droit de Mme A...de leur préjudice moral à hauteur de 174 000 euros, et son assurée la communauté de communes de Beauce et Gâtinais à raison du coût, s'élevant à 6 778,37 euros, des travaux de reprise de l'ouvrage défectueux ; qu'après avoir saisi le tribunal de grande instance de Paris, qui s'est déclaré partiellement incompétent, la caisse régionale d'assurances mutuelles agricole (CRAMA) Paris Val-de-Loire, agissant en qualité de subrogée tant dans les droits des ayants droit de Mme A...que dans ceux de la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais, a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés Iris conseil aménagement, Francilienne de routes et d'équipements et Francilienne d'espaces verts, ainsi que de la société QBE, assureur de la société Iris conseil aménagement, et de la compagnie SMABTP, assureur de la société francilienne de routes et d'équipements, à lui verser les sommes de 174 000 euros et de 6 778,37 euros qu'elle avait elle-même respectivement versées aux ayants droit de Mme A...et à la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais ; qu'elle relève appel du jugement du 25 juin 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de la CRAMA Paris Val-de-Loire prise en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais :

2. Considérant, en premier lieu, que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage et met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; qu'elle interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement prévue au contrat, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation ; que, par suite, la réception sans réserve, prononcée le 23 janvier 2007, des travaux de réhabilitation des installations d'assainissement autonome que la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais avait confiés, par un marché public, aux sociétés Francilienne de routes et d'équipements (SFRE), Francilienne d'espaces verts (SFEV), et Iris conseil aménagement , a mis fin à la possibilité, tant pour la collectivité maître d'ouvrage que pour l'assureur subrogé dans ses droits, de rechercher la responsabilité contractuelle des entreprises à qui elle avait confié ces travaux ;

3. Considérant, en second lieu, que si selon le rapport de l'expert mandaté par la CRAMA Paris Val-de-Loire, le trou dans lequel Mme A...aurait chuté le 30 avril 2009 serait la conséquence d'un défaut du comblement des anciennes installations d'assainissement réalisé au cours des travaux en cause, ce désordre, à le supposer établi, concerne l'ouvrage d'assainissement autonome de la propriété de MmeA..., qui n'est pas un ouvrage public dès lors que sa propriété est revenue à l'intéressée après la réception de travaux, et n'est au surplus pas de nature à compromettre la solidité de cet ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination ; qu'ainsi, et en tout état de cause, le désordre litigieux n'est pas de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CRAMA Paris Val-de-Loire n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société francilienne de routes et d'équipements (SFRE), de la société francilienne d'espaces verts (SFEV), et de la société Iris conseil aménagement à rembourser les frais de remise en état de l'ouvrage qu'elle avait exposés pour le compte de son assuré la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par la société Iris conseil aménagement et son assureur la société QBE et tendant à être garanties par la société francilienne de routes et d'équipements (SFRE), la société francilienne d'espaces verts et la SMABTP leur assureur des condamnations éventuellement prononcées à leur encontre ne peuvent qu'être rejetés ;

Sur les conclusions de la CRAMA Paris Val-de-Loire prise en sa qualité de subrogée dans les droits des ayants droit de MmeA... :

5. Considérant, en premier lieu, que la société Iris conseil aménagement et la société francilienne de routes et d'équipements (SFRE) sont liées à leurs assureurs respectifs, la société QBE et la compagnie SMABTP, par des contrats de droit privé ; qu'ainsi les conclusions dirigées par la caisse régionale d'assurances mutuelles agricole de Paris Val-de-Loire à l'encontre de ces deux assureurs ne ressortissent pas à la compétence du juge administratif ; qu'elles doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il résulte tant des dispositions des articles L. 2224-8 et

L. 2224-11 du code général des collectivités territoriales que de celles des articles L. 1331-1 et suivant du code de la santé publique que les services publics d'eau et d'assainissement sont financièrement gérés comme des services à caractère industriel et commercial ; que ces services sont chargés de missions obligatoires de service public en matière de contrôle des installations d'assainissement non collectif et, le cas échéant, d'entretien des installations d'assainissement autonome ; que le législateur a par ailleurs autorisé les communes ou leurs groupements à étendre l'objet des services publics à caractère industriel et commercial, dans le respect du principe de liberté du commerce et de l'industrie, et à créer un service facultatif de réhabilitation des installations d'assainissement autonome dont la réalisation, l'entretien et les travaux de réhabilitation incombe en principe aux propriétaires ;

7. Considérant qu'il n'appartient qu'au juge judiciaire de connaître des litiges nés de l'activité d'un service public industriel et commercial, à l'exception de ceux relatifs à celles de ses activités qui, telles que la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique de la compétence du juge administratif ; qu'en particulier, lorsque des dommages ont été causés à un usager d'un service public industriel et commercial à raison d'ouvrages ou de travaux réalisés dans le cadre de ce service, le juge judiciaire est, en raison de la nature juridique des liens existant entre les services publics industriels et commerciaux et leurs usagers, lesquels sont des liens de droit privé, seul compétent pour en connaître et apprécier la responsabilité encourue par les personnes participant à l'exploitation du service, peu important que la cause des dommages réside dans un vice de conception, l'exécution de travaux publics ou l'entretien d'ouvrages publics ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, que la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais, qui s'est vue déléguer la compétence d'assainissement non collectif de 18 communes, a créé un service facultatif de réhabilitation des installations d'assainissement autonome en zone d'assainissement non collectif et a, à l'issue d'un contrôle qui avait révélé que son installation n'était pas conforme, signé le 24 janvier 2004 avec MmeA..., propriétaire d'une habitation dans la commune d'Ascoux, une convention prévoyant que la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais se substituerait au propriétaire de l'habitation pour la réalisation des travaux de mise aux normes de l'ouvrage d'assainissement non collectif situé sur sa propriété ; que cette convention stipulait par ailleurs que la propriété de l'ouvrage serait remise à l'intéressée après la réception des travaux, qui a eu lieu le 23 janvier 2007, et le règlement par elle de la facture correspondant à ces travaux, déduction faite des subventions perçues ; qu'il résulte des rapports des expertises effectuées à la demande des assureurs concernés que Mme A...a fait une chute dans son jardin, le 30 avril 2009, dans un trou résultant probablement du défaut de remblaiement de la tranchée creusée pour réhabiliter son installation d'assainissement ; qu'en vertu de ce qui a été dit ci-dessus, elle avait ainsi la qualité d'usager du service public industriel et commercial d'assainissement ; qu'eu égard aux rapports de droit privé l'unissant à la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais et en l'absence de toute mise en oeuvre en l'espèce de prérogatives de puissance publique, d'un pouvoir de police, de réglementation ou de contrôle, le juge judiciaire était seul compétent pour connaître du litige né de cet accident ; qu'il suit de là qu'il n'appartient qu'aux tribunaux de l'ordre judiciaire de connaître de l'action engagée par la CRAMA Paris Val-de-Loire à l'encontre de la société francilienne de routes et d'équipements (SFRE), de la société francilienne d'espaces verts (SFEV), et de la société la société Iris conseil aménagement en qualité de subrogée dans les droits des ayant-droits de Mme A...;

9. Mais considérant qu'il est constant que le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, saisi par la CRAMA Paris Val-de-Loire, a, par une ordonnance du 23 novembre 2012 qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de la juridiction judiciaire sur le litige ainsi délimité au motif que les travaux en cause, réalisés à la suite d'un marché public, l'auraient été dans le cadre d'une obligation légale de la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais en matière de réalisation d'installation d'assainissement non collectif ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 771-1 du code de justice administrative : " Les difficultés de compétence entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire sont réglées par le Tribunal des conflits conformément aux dispositions de la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits et du décret n° 2015-233 du 27 février 2015. " ; qu'aux termes de l'article 32 du décret du 27 février 2015 entré en vigueur à la date du présent arrêt : " Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que le litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision du tribunal. " ;

11. Considérant qu'il convient, dans ces conditions et par application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et de surseoir sur cette partie du litige jusqu'à la décision de ce tribunal ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête de la CRAMA Paris Val-de-Loire tendant à la condamnation solidaire de la société francilienne de routes et d'équipements (SFRE), de la société francilienne d'espaces verts (SFEV) et de la société Iris conseil aménagement à lui rembourser la somme de 6 778,37 euros TTC versée au titre de la réparation de l'ouvrage en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits la communauté de communes de Beauce et du Gâtinais sont rejetées.

Article 2 : Les appels en garantie formés par la société Iris conseil aménagement et par la société QBE au titre des sommes mentionnées à l'article 1er sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la requête de la CRAMA Paris Val-de-Loire tendant à la condamnation de la société QBE, assureur de la société Iris conseil aménagement, et de la compagnie SMABTP, assureur de la société francilienne de routes et d'équipements (SFRE), sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 4 : Les conclusions de la requête de la CRAMA Paris Val-de-Loire tendant à la condamnation solidaire de la société francilienne de routes et d'équipements (SFRE), de la société francilienne d'espaces verts (SFEV) et de la société Iris conseil aménagement à lui rembourser les sommes versées aux ayants droit de MmeA..., dans les droits desquels elle est subrogée, sont renvoyées au Tribunal des conflits.

Article 5 : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête de la CRAMA Paris

Val-de-Loire et les conclusions des autres parties à l'instance sur lesquelles il n'est pas expressément statué dans le présent arrêt jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour statuer sur le litige tel qu'il est défini à l'article 4.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse régionale d'assurances mutuelles agricole Paris Val-de-Loire, à la société francilienne d'espaces verts, à la société francilienne de routes et d'équipements, à la société Iris conseil aménagement, à la société QBE, à la SMABTP et à la Mutuelle générale.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2015 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller,

Lu en audience publique le 7 mai 2015.

Le rapporteur,

F. LEMOINE

Le président,

I. PERROT

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT02500


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02500
Date de la décision : 07/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-03-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics. Existence de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : JEAMBON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-05-07;13nt02500 ?
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