Vu la requête, enregistrée le 11 février 2014, présentée pour M. B... A..., détenu au centre pénitentiaire de Condé sur Sarthe, par Me Boesel, avocat au barreau de Paris ; M. A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 13-1368, 13-1458 du 12 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 15 mai et 7 juin 2013 du garde des sceaux, ministre de la justice, le maintenant sur le répertoire des détenus particulièrement signalés ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3°) d'ordonner au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder au retrait de son inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- le tribunal n'a pas exercé le moindre contrôle critique sur les motifs des décisions contestées ;
- ces décisions sont insuffisamment motivées tant au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 que de la circulaire du 15 octobre 2012, d'autant qu'il n'a jamais fait l'objet de la moindre procédure disciplinaire ou judiciaire concernant une évasion ou une tentative d'évasion ;
- la décision du 7 juin 2013, qui ne se réfère à aucun avis de la commission nationale des " détenus particulièrement signalés ", et celle du 15 mai 2013, qui n'indique pas pour quelle période elle a été prise et présente un caractère rétroactif, sont entachées d'irrégularités ;
- l'administration a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où il n'est inscrit sur ce fichier que depuis le mois de juillet 2011 alors qu'il est détenu depuis le 8 mai 2006 pour les mêmes chefs d'accusation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 17 décembre 2014 fixant la clôture d'instruction au 15 janvier 2015 à 12 heures, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2015, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- les décisions contestées, qui impliquent uniquement une surveillance renforcée, visent l'article D. 276-1 du code de procédure pénale ainsi que la circulaire du 15 octobre 2012 et se réfèrent au fait que M. A...exerçait un rôle à la tête d'un réseau de criminalité organisée et pourrait bénéficier de moyens logistiques et financiers utiles afin de préparer une tentative d'évasion, et sont parfaitement motivées en droit et en fait ;
- aucun texte, ni aucun principe général du droit, ne prévoyait une obligation de prendre une décision de maintien au répertoire des détenus particulièrement signalés avant la circulaire du 15 octobre 2012, laquelle ne prévoit aucun délai particulier entre la tenue de la commission DPS, la tenue du débat contradictoire et la décision finale ; dans le cadre de cette phase transitoire, la commission nationale DPS a rendu le 16 octobre 2012 un avis favorable au maintien de l'inscription de M. A...au répertoire des DPS, à la suite duquel un débat contradictoire s'est tenu le 22 avril 2013, et la décision est intervenue le 15 mai 2013 pour l'année 2012 ;
- selon les dispositions de l'instruction ministérielle du 1er novembre 2012, prises conformément à celles de l'article D. 276-1 du code de procédure pénale, les personnes détenues susceptibles d'être inscrites au répertoire des DPS sont notamment celles appartenant à la criminalité organisée dont l'évasion pourrait avoir un impact important sur l'ordre public en raison de leur personnalité ; les décisions contestées ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le procureur de la République a rappelé la logistique extérieure dont pouvait bénéficier M. A...du fait de ses liens avec le trafic international de stupéfiants, l'attitude de " caïd " de ce dernier en prison et le fait qu'il avait été trouvé en possession de téléphones portables ;
- pour le surplus il entend se référer à ses écritures de première instance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la circulaire NOR : JUSD1236970C du 15 octobre 2012 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2015 :
- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;
1. Considérant que M. B...A..., qui est né le 20 novembre 1978, a été condamné à une peine de 20 ans de réclusion par la cour d'assises de Paris pour trafic de stupéfiants ; que le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'assises a été rejeté par la Cour de cassation le 19 septembre 2012 ; que l'intéressé, qui a été incarcéré en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe entre le 8 mai 2006 et le 25 avril 2010, a été transféré à la maison d'arrêt du Val d'Oise puis, à compter du mois de juillet 2013, au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe ; qu'il a saisi le tribunal administratif de Caen de deux demandes tendant à l'annulation des décisions des 15 mai et 7 juin 2013 du garde des sceaux, ministre de la justice, le maintenant inscrit au répertoire des détenus particulièrement signalés ; que, par un jugement du 12 décembre 2013, le tribunal administratif a rejeté ses demandes ; que M. A... relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions des 15 mai et 7 juin 2013 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article D. 276-1 du code de procédure pénale : " En vue de la mise en oeuvre des mesures de sécurité adaptées, le ministre de la justice décide de l'inscription et de la radiation des détenus au répertoire des détenus particulièrement signalés dans des conditions déterminées par instruction ministérielle. " ; que la circulaire du 15 octobre 2012 relative au répertoire des détenus particulièrement signalés (DPS), à valeur réglementaire, précise que les détenus particulièrement surveillés font l'objet d'une vigilance accrue des personnels pénitentiaires lors des appels, des opérations de fouille et de contrôle des locaux ainsi que dans leurs relations avec l'extérieur notamment et sont affectés en priorité en maison centrale ou quartier maison centrale ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) imposent des sujétions (...). " ;
3. Considérant que les décisions d'inscription ou de maintien sur le répertoire des détenus particulièrement signalés, qui imposent des sujétions particulières aux détenus concernés, entrent dans le champ d'application de la loi du 11 juillet 1979 et doivent donc être motivées ; qu'en l'espèce, les deux décisions contestées visent l'article D. 276-1 du code de procédure pénale ainsi que la circulaire du 15 octobre 2012 et font état du rôle de M. A...à la tête d'un réseau de criminalité organisée de dimension internationale, des soutiens extérieurs que cette situation pourrait favoriser et des moyens logistiques et financiers importants dont il pourrait bénéficier dans la perspective d'une tentative d'évasion et du trouble grave à l'ordre public qui en résulterait ; que par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, elles sont suffisamment motivées ;
4. Considérant qu'aux termes du point 1.1.2.2 de la circulaire du 15 octobre 2012 : " (...) La commission (DPS) se réunit au moins une fois par année civile. " ; qu'en l'espèce, la commission nationale DPS a été consultée le 16 octobre 2012 sur la liste des détenus particulièrement signalés dont faisait partie M.A... ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 15 mai 2013, qui vise l'avis rendu par cette commission ainsi que les observations de l'intéressé et de son conseil recueillies lors du débat contradictoire auquel ils ont participé, n'a été édictée que pour confirmer, dans le respect de la procédure initiée par la circulaire précitée, le maintien de M. A...sur le répertoire des DPS au titre de l'année 2012 ; qu'elle ne peut ainsi être regardée, contrairement à ce que soutient le requérant, comme ayant un effet rétroactif illégal ; que, par ailleurs, le ministre de la justice a pu légalement décider, le 7 juin 2013, après qu'eurent été recueillies lors du débat contradictoire du 31 janvier 2013 les observations de l'intéressé et de son conseiller, l'inscription de M. A...au répertoire des détenus particulièrement signalés au titre de l'année 2013 en se fondant sur l'avis rendu le 16 octobre 2012 par la commission nationale DPS, dès lors que la seule obligation lui incombant en vertu de l'instruction ministérielle du 15 octobre 2012 était de réunir à nouveau cette commission pour avis avant le 31 décembre 2013 ;
5. Considérant, enfin, qu'aux termes de la circulaire du 15 octobre 2012 déjà citée : " Les critères d'inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés sont liés au risque d'évasion et à l'intensité de l'atteinte à l'ordre public que celle-ci pourrait engendrer ainsi qu'au comportement particulièrement violent en détention de certaines personnes détenues. / Les personnes détenues susceptibles d'être inscrites au répertoire des DPS sont celles :1) appartenant à la criminalité organisée locale, régionale, nationale ou internationale ou aux mouvances terroristes, appartenance établie par la situation pénale ou par un signalement des magistrats, de la police ou de la gendarmerie (...) 4) dont l'évasion pourrait avoir un impact important sur l'ordre public en raison de leur personnalité et / ou des faits pour lesquels elles sont écrouées (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que les décisions contestées ont été prises au motif que M. A...avait entretenu des liens forts avec la criminalité organisée à l'origine d'un trafic de cocaïne entre le Brésil et la France et était à ce titre susceptible d'avoir conservé à l'extérieur des soutiens importants de nature à favoriser une tentative d'évasion ; que l'intéressé qui, compte tenu de la durée de sa peine, n'était libérable qu'en 2022, a d'ailleurs été trouvé en possession de téléphones portables à plusieurs reprises ; que, dans ces conditions, en décidant de le maintenir inscrit au répertoire des détenus particulièrement signalés, et alors même qu'il n'était pas inscrit sur ce fichier avant 2011, le garde des sceaux, ministre de la justice n'a pas entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Caen, qui a statué conformément à son office, a rejeté ses demandes ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder au retrait de son inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A...de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2015, où siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. Lemoine, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 avril 2015.
Le rapporteur,
V. GÉLARDLe président,
I. PERROT
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT00327