La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/04/2015 | FRANCE | N°14NT01821

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 17 avril 2015, 14NT01821


Vu la requête, enregistrée le 8 juillet 2014, présentée pour Mme C...B..., demeurant..., par Me Ngamakita avocat au barreau de Tours ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401080 du 19 juin 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2013 du préfet d'Indre-et-Loire portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3

) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporai...

Vu la requête, enregistrée le 8 juillet 2014, présentée pour Mme C...B..., demeurant..., par Me Ngamakita avocat au barreau de Tours ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401080 du 19 juin 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2013 du préfet d'Indre-et-Loire portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ou un titre de séjour à titre exceptionnel et humanitaire ; à défaut, de réexaminer son dossier dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, au besoin sous astreinte de 1 000€ par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet qui s'est cru lié par l'appréciation portée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides relative à l'absence de risques de traitements inhumains ou dégradants pesant sur elle en cas de retour en Arménie ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors :

qu'elle mène une vie familiale avec son enfant et le père de ce dernier;

que le refus de titre de séjour porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant né le 28 décembre 1993 ;

qu'eu égard à l'origine azérie de son compagnon, la poursuite de la vie familiale est impossible en Arménie où elle serait exposée à des risques de traitements inhumains ou dégradants ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2014, présenté par le préfet d'Indre-et-Loire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :

- la décision contestée est suffisamment motivée ;

- la requérante ne peut utilement arguer d'un mariage religieux en Ukraine ; la réalité du concubinage allégué n'est pas établie ; sa présence en France est très récente ;

- dans les circonstances de l'espèce, la séparation du père et de la mère ne méconnaîtrait pas l'intérêt supérieur de l'enfant né postérieurement à la décision contestée ;

- les menaces alléguées en cas de retour en Arménie sont dénuées de toute réalité ;

Vu les mémoires, enregistrés les 16 décembre 2014 et 25 février 2015, présentés pour Mme B..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens qu'elle développe ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 4 août 2014 admettant Mme B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de New-York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2015 :

- le rapport de M. François, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme B..., ressortissante arménienne entrée irrégulièrement en France le 6 décembre 2012 à l'âge de 27 ans, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 mai 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 avril 2014 ; que par un arrêté du 14 octobre 2013, le préfet d'Indre-et-Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi . que Mme B... relève appel du jugement du 19 juin 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal a omis de répondre au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que le préfet se serait cru lié par l'appréciation portée par l'OFPRA sur l'absence de risques de traitements inhumains ou dégradants encourus par la requérante en cas de retour en Arménie ; que, par suite, il y a lieu, d'une part, d'annuler ce jugement en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions dirigées contre la décision fixant l'Arménie comme pays de renvoi et de statuer par voie d'évocation sur les conclusions en cause, d'autre part, de se prononcer en vertu de l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions de Mme B... dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ;

Sur le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " et qu'en vertu de l'article 8 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ;

4. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée que Mme B... renouvelle en appel, sans apporter aucune précision nouvelle, doit être écarté par adoption des mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges ;

5. Considérant en deuxième lieu, que si Mme B...a contracté à Kiev le 8 septembre 2008 un mariage religieux avec M.A..., ce dernier est entré en France dès janvier 2009, alors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la requérante n'y est elle-même entrée qu'en décembre 2012 ; qu'ainsi, la communauté de vie entre les intéressés, à la supposer établie, était limitée à quelques mois à la date de la décision contestée ; que si la requérante fait valoir que M. A...est muni d'un titre de séjour régulier l'autorisant à demeurer en France, il ressort des pièces du dossier qu'elle-même n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Arménie, où résident notamment ses parents et sa soeur ; que, dans ces conditions, et compte tenu de la brièveté du séjour en France de MmeB..., le refus de titre de séjour contesté et l'obligation de quitter le territoire qui en découle n'ont pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris et n'ont dès lors méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant, en dernier lieu, que Mme B...ne saurait utilement invoquer l'article 3 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant, en vertu duquel dans toutes les décisions qui concernent les enfants l'intérêt de l'enfant doit être une considération primordiale, dès lors que son enfant est né deux mois après la décision contestée et qu'au surplus rien ne s'oppose à ce qu'il reparte avec elle ;

Sur la décision fixant l'Arménie comme pays de destination :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à des peines ou traitements inhumains et dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

8. Considérant, en premier lieu, que si le préfet se réfère dans son arrêté à la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant la demande d'asile introduite par la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait cru lié par les appréciations portées par l'OFPRA dans cette décision ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit commise sur ce point par le préfet d'Indre-et-Loire doit être écarté ;

9. Considérant en second lieu que l'OFPRA et la Cour nationale du droit d'asile ont successivement relevé le manque de valeur probante des déclarations de MmeB... ; que celle-ci, qui se borne dans la présente instance à invoquer l'origine azérie de son compagnon et les risques qui en découleraient pour elle en cas de retour dans son pays d'origine en raison de l'hostilité existant entre arméniens et azéris, et qui ne se prévaut d'aucun élément nouveau dont elle aurait fait part au préfet à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour, n'établit pas la réalité d'un risque personnel pesant sur elle en Arménie ; que, dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision décidant de son éloignement à destination de ce pays méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée d'une part à demander l'annulation de la décision du préfet d'Indre-et-Loire fixant l'Arménie comme pays de destination et d'autre part à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 19 juin 2014 du tribunal administratif d'Orléans est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du préfet d'Indre-et-Loire fixant l'Arménie comme pays de destination.

Article 2 : Les conclusions de la demande de première instance tendant à l'annulation de la décision du préfet d'Indre-et-Loire fixant l'Arménie comme pays de destination et le surplus des conclusions de la requête d'appel de Mme B... sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire

Délibéré après l'audience du 24 mars 2015, où siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 avril 2015.

Le rapporteur,

E. FRANÇOISLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 14NT01821


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01821
Date de la décision : 17/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : NGAMAKITA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-17;14nt01821 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award