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17/04/2015 | FRANCE | N°14NT01590

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 17 avril 2015, 14NT01590


Vu la requête, enregistrée le 13 juin 2014, présentée pour Mme C...A..., demeurant..., par Me Le Grand, avocat ;

Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205309 du 9 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du 13 mai 2011 de l'autorité consulaire au Congo refusant la délivrance d'un visa de long séjour à Mme B...;

2°)

d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de l...

Vu la requête, enregistrée le 13 juin 2014, présentée pour Mme C...A..., demeurant..., par Me Le Grand, avocat ;

Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205309 du 9 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du 13 mai 2011 de l'autorité consulaire au Congo refusant la délivrance d'un visa de long séjour à Mme B...;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son avocat une somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, les premiers juges ayant omis de statuer sur le moyen tiré du risque de détournement du visa qu'elle a expressément contesté en première instance ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la démarche de sa mère, qui réside au Congo avec son mari et six de ses enfants, n'a aucun but migratoire, que l'erreur concernant la date à laquelle sa mère a quitté le territoire français en 2003 est due à l'ancienneté de ce séjour, qu'elle était de bonne foi en affirmant que sa mère avait respecté les conditions de son séjour et quitté le territoire français avant l'expiration de sa dernière autorisation provisoire de séjour, qu'elle n'a pas caché délibérément les motifs de la venue de sa mère en 2002, d'autant que le motif du refus de visa était fondé sur l'insuffisance de ressources et non sur le risque de détournement, que si, lors de son séjour en France, sa mère a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade, son état de santé le justifiait, que sa mère, autorisée à prolonger son séjour jusqu'au 28 avril 2004, est rentrée au Congo le 23 janvier 2004 comme le montre son passeport, et qu'en conséquence, l'arrêté de reconduite à la frontière du 8 juillet 2004 était fondé sur des faits erronés, et que, si elle a bien écrit au préfet le 17 juin 2004 pour obtenir un duplicata de la décision du 28 avril 2004, le courrier du 12 juillet 2004 adressé au préfet a été écrit par son concubin ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation concernant les ressources de sa mère dès lors que ses parents sont propriétaires de leur maison, qu'ils perçoivent des loyers et des revenus de leur commerce, ce dont ils attestent avec leur carte de vendeur et l'attestation du chef de secteur agricole du 30 mai 2012, que sa mère ne dispose ni d'avis d'imposition ni de bulletins de paie qui, au Congo, sont réservés aux fonctionnaires, qu'elle a produit un chèque de voyage de 1 500 euros émis le 5 mai 2011 qui couvrait largement ses frais de séjour en France et ceux de son retour, et qu'elle a produit son billet d'avion et son assurance ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation concernant ses propres ressources dès lors que qu'elle travaille et perçoit un revenu mensuel de 1 700 euros, ainsi que 888,15 euros d'allocations familiales, que son revenu fiscal de référence s'élevait à 21 096 euros en 2010 et 19 873 euros en 2011, que son concubin, qui partage les charges de son foyer, dispose d'un revenu mensuel de 1 400 euros, que si elle a eu trois enfants de son premier mariage et trois de son second mariage, elle a déclaré trois enfants à charge en 2010 et son concubin deux, qu'elle n'est pas séparée de son concubin comme en attestent l'attestation de la CAF et la facture EDF, et que leurs ressources sont suffisantes pour prendre en charge les frais de séjour de MmeB... ;

- la décision contestée porte atteinte à son droit à mener une vie familiale normale et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué et la décision contestée ;

Vu la mise en demeure adressée le 7 octobre 2014 au ministre de l'intérieur, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2014, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- le risque de détournement de l'objet du visa est manifeste au vu du faisceau d'indices précis et concordants dont dispose l'administration et la décision contestée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que, contrairement à ce que soutient la requérante, Mme B...s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français à l'expiration des autorisations provisoires de séjour valables jusqu'au 28 avril 2004, que le cachet d'entrée au Congo du 23 janvier 2004, qui ne figurait pas sur les copies de cette page du passeport produites devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et le tribunal administratif, est un faux, que le courrier du 12 juillet 2004 adressé à l'autorité préfectorale indique clairement que Mme B...se trouvait toujours sur le territoire sans intention de rentrer dans son pays, que le contrat d'assurance ne couvre que 45 jours pour un séjour annoncé de 60 jours, que Mme B...ne justifie pas de sa situation au Congo, et notamment de ce que six de ses enfants y vivent, en produisant la copie d'un livret de famille dépourvu de date de délivrance et où tous les actes ont été rédigés et signés le même jour par la même personne, qu'elle ne justifie ni de son activité ni de ses revenus en produisant une " carte de vendeur " établie le 18 mai 2012 pour les besoins de la cause, que la circonstance que son mari vit au Congo n'est pas de nature à écarter le risque de détournement de l'objet du visa puisque MmeB..., dont la situation familiale et socioprofessionnelle est similaire en 2002 et 2011, s'est déjà maintenue illégalement sur le territoire de 2002 à 2004 ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé eu égard au type de visa de court séjour sollicité et au fait que Mme A...peut rendre visite à ses deux parents au Congo ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2015 le rapport de Mme Piltant, premier conseiller ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., ressortissante congolaise née le 16 septembre 1946, a sollicité la délivrance d'un visa de court séjour pour rendre visite à sa fille, Mme A..., ressortissante française ; que le refus de visa opposé le 13 mai 2011 par l'ambassade de France en République du Congo a été confirmé par une décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que la requête en référé suspension introduite par Mme A... pour Mme B...a été rejetée par une ordonnance du 6 juillet 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes ; que Mme A... relève appel du jugement du 9 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la commission ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, pour écarter le moyen soulevé par Mme A... et tiré de l'absence de risque de détournement de l'objet du visa, le tribunal administratif de Nantes s'est borné à répondre que Mme A... ne contestait pas le motif tiré de l'existence de ce risque et que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision en ne se fondant que sur ce motif ; qu'il ressort toutefois du mémoire du 27 février 2014 que Mme A... avait expressément contesté ce motif en première instance ; que, par suite, le jugement attaqué est insuffisamment motivé et doit être annulé ; qu'il y a lieu, pour la cour, de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision des autorités consulaires :

3. Considérant qu'aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier " ; qu'il résulte de ces dispositions que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France se substitue à celle qui a été prise par les autorités consulaires ; que, par suite, les conclusions de la requérante tendant à l'annulation de la décision des autorités consulaires françaises au Congo du 13 mai 2011 sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, les décisions de refus de visa d'entrée en France, prises par les autorités diplomatiques ou consulaires, ne sont pas motivées sauf dans les cas où le visa est refusé à un étranger appartenant à l'une des catégories suivantes et sous réserve de considérations tenant à la sûreté de l'Etat : (... ) 2° Conjoints, enfants de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendants de ressortissants français et partenaires liés à un ressortissant français par un pacte civil de solidarité " ; qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) " ;

5. Considérant que Mme A... n'établit ni même n'allègue avoir sollicité auprès de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France la communication des motifs de la décision implicite qu'elle conteste ; que, par suite, elle n'est pas fondée à se prévaloir de l'absence de motivation de cette décision pour en demander l'annulation ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des écritures du ministre que la commission s'est fondée, pour confirmer implicitement le refus du visa sollicité par MmeB..., sur le risque manifeste de détournement de l'objet du visa ;

7. Considérant que si Mme A... soutient que MmeB..., qui a fait l'objet d'une invitation à quitter le territoire le 28 avril 2004 et d'un arrêté de reconduite à la frontière le 8 juillet 2004, ne s'est pas maintenue en séjour irrégulier sur le territoire français à l'expiration des autorisations provisoires de séjour dont elle a bénéficié jusqu'au 28 avril 2004, il ressort des pièces du dossier que le cachet d'entrée de Mme B...au Congo du 23 janvier 2004, qui n'apparaissait pas sur les copies du passeport produites devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, est dépourvu de valeur probante, et que le courrier du 12 juillet 2014 par lequel Mme A...a demandé au préfet de police de Paris de reporter l'invitation de Mme B...à quitter le territoire mentionne expressément la présence en France de Mme B...et l'impossibilité de financer son voyage de retour au Congo ; que, dans ces conditions, la commission, qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour accorder ou refuser un visa et peut se fonder sur toute considération d'intérêt général, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant, enfin, qu'eu égard au motif pour lequel le visa a été sollicité, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise dès lors que Mme A... n'établit pas être dans l'impossibilité de rendre visite à Mme B...au Congo ; que par suite la décision en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale que la requérante tient des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de Mme A... doit être rejetée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de réexaminer la demande dans le délai de huit jours sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par Mme A... au profit de son avocat à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 9 avril 2014 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort président,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

- Mme Piltant, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 avril 2015.

Le rapporteur,

Ch. PILTANTLe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01590
Date de la décision : 17/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Christine PILTANT
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : LE GRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-17;14nt01590 ?
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