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17/04/2015 | FRANCE | N°14NT01120

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 17 avril 2015, 14NT01120


Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2014, présentée pour Mme D...A..., épouseB..., demeurant..., agissant en qualité de représentant légal de son enfant mineur OumarB...et pour I..., Kessoet J...B..., demeurant en Guinéeet domiciliés chez Mme D...B..., par Me Pollono, avocat ;

MmeB..., I..., Kessoet J... B...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107891 du 27 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'ent

rée en France du 19 mai 2011 rejetant le recours formé contre les quatre déc...

Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2014, présentée pour Mme D...A..., épouseB..., demeurant..., agissant en qualité de représentant légal de son enfant mineur OumarB...et pour I..., Kessoet J...B..., demeurant en Guinéeet domiciliés chez Mme D...B..., par Me Pollono, avocat ;

MmeB..., I..., Kessoet J... B...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107891 du 27 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 19 mai 2011 rejetant le recours formé contre les quatre décisions du consul général de France à Conakry (Guinée) du 23 novembre 2010 refusant de délivrer à I...B..., KessoB..., J... B...et OumarB...les visas long séjour qu'ils sollicitaient ;

2°) d'annuler cette décision du 19 mai 2011;

3°) d'ordonner au ministre de l'intérieur, à titre principal de délivrer un visa long séjour à I...B..., KessoB..., J... B...et OumarB..., dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de leur demande de visa, dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2000 euros à leur conseil, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991;

ils soutiennent que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée, notamment en droit ;

- le lien de filiation avec ses quatre enfants est établi par les pièces produites ; le ministre n'apporte pas la preuve de la fraude qu'il allègue ; un problème de numérotation est insuffisant pour justifier un refus de visa ; en l'espèce, l'incohérence de numérotation des jugements supplétifs de 2011 est due à une erreur matérielle attestée par le président de la section civile et administrative du tribunal de première instance de Kaloum ; elle peut se prévaloir des jugements supplétifs établis le 23 mars 2012 dés lors que ceux ci constituent des éléments de preuve de faits antérieurs ;

- la possession d'état est établie par ses déclarations concordantes depuis son arrivée en France, le fait qu'elle contribue à l'entretien de ses enfants par l'envoi d'argent ainsi que par les attestations produites montrant qu'elle contacte régulièrement ses enfants et qu'elle souffre d'être séparée d'eux ;

- que même si I... était majeure au moment de la demande de visa, elle n'a jamais été séparée de ses frères et soeurs et ne dispose pas des moyens de vivre sans les ressources envoyées par sa mère ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2004, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la décision attaquée est suffisamment motivée en droit dès lors qu'il n'existe pas de disposition applicable à la délivrance de visas aux membres de famille de réfugiés statutaires dans le code de l'entrée et de séjour des étrangers en France et que seuls les articles L. 313-11 et L. 314-11 servent de fondement à l'instruction des demandes de visa ;

- les actes d'état civil produits à l'appui des demandes de visa comportent des anomalies qui établissent qu'il s'agissait de documents frauduleux ; ce point n'est pas contesté par la requérante ;

- il ressort d'un rapport d'une mission d'enquête effectuée par l'OFPRA en Guinée que les documents de justice, de police ou encore relatifs à l'état civil ou à l'identité des personnes sont, en Guinée, susceptibles d'être achetés ;

- les jugements supplétifs visent soit à rectifier des actes de naissance erronés soit à déclarer tardivement une naissance soit à reconstituer une naissance dont le registre a disparu ou a été détérioré ; les jugements supplétifs établis en 2011 confirment le caractère apocryphe des actes d'état civils produits auparavant et comportent quant à eux une numérotation incohérente et une anomalie quant au demandeur, M. B...se trouvant en prison ;

- les jugements supplétifs établis le 23 mars 2012 corroborent le caractère frauduleux des précédents documents, qui ont été établis sur le fondement de simples déclarations ; ils ne permettent donc pas d'établir le lien familial allégué ; ils ont par ailleurs à nouveau été rendus à la requête de M.B..., qui est en prison, et ont été légalisés par un sceau qui ne correspond pas au sceau officiel ;

- la requérante ne présente, pour établir la possession d'état, que des éléments déclaratifs, ce qui ne suffit pas ;

- I... était âgée de 20 ans à la date de la demande de visa et aucune circonstance particulière n'est en l'espèce susceptible de justifier une exception au principe selon lequel le regroupement familial ne s'applique pas aux enfants majeurs ;

Vu la décision du 3 mars 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a accordé à Mme D...A..., épouse B...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2015 :

- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller ;

- et les observations de Me Pollono, avocat de MmeB... ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 27 mars 2015, présentée pour Mme B...par Me Pollono ;

1. Considérant que Mme D...A..., épouseB..., de nationalité guinéenne, a obtenu le statut de réfugié en France par décision du 24 septembre 2008 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que I...B..., KessoB..., J... B...et OumarB..., qu'elle présente comme ses enfants, ont sollicité du consul général de France à Conakry la délivrance de visas d'entrée et de long séjour en France sur le fondement de la procédure dite de " famille rejoignante " d'un réfugié ; que ces demandes ont été rejetées par décisions du 30 novembre 2010, confirmées par la commission des recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France le 19 mai 2011 ; que Mme D...B..., agissant en qualité de représentant d'OumarB..., ainsi que I...B..., KessoB...et J... B...relèvent appel du jugement du 27 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 19 mai 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant,en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, les décisions de refus de visa d'entrée en France, prises par les autorités diplomatiques ou consulaires, ne sont pas motivées sauf dans les cas où le visa est refusé à un étranger appartenant à l'une des catégories suivantes et sous réserve de considérations tenant à la sûreté de l'Etat : (...) 7° Personnes mentionnées aux 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 8° de l'article L. 314-11. " ; qu'aux termes de l'article L. 314-11 : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention (...) " ; et qu'aux termes de l'article 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : " La motivation exigée par la présente loi doit (...) comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

3. Considérant que la décision du 19 mai 2011 indique que les actes d'états civils présentés à l'appui des demandes de visas présentent des anomalies et discordances qui ne permettent pas d'établir leur authenticité, ni par suite l'identité des demandeurs et leur lien familial avec Mme D...B...; que cette motivation, qui permettait aux demandeurs de comprendre et de discuter les motifs de la décision de refus qui leur était opposée, doit être regardée comme suffisante ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, par suite, être écarté ;

4. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (en Guinée) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;

5. Considérant que, dans le cadre de la procédure de regroupement familial applicable à un réfugié statutaire, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère probant des actes d'état civil produits ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les extraits d'actes de naissance produits à l'appui des demandes de visa comportent des erreurs et ne respectent pas la législation guinéenne en la matière ; que les jugements supplétifs établis en 2011 présentent une numérotation incohérente et ont été rendus à la demande de M. F...B..., le père des quatre enfants, alors pourtant que Mme B...indique n'avoir plus aucun contact avec lui depuis son arrestation en 2008 et que le ministre soutient, sans être contesté, qu'il serait en prison ;

7. Considérant, par ailleurs, que si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle il a été prise, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision critiquée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant quelle se prononce ; qu'ainsi, les requérants peuvent utilement se prévaloir des jugements supplétifs établis le 23 mars 2012 ; que cependant ces jugements supplétifs, qui ne font pas référence aux précédents jugements supplétifs de 2011 alors qu'ils sont supposés en corriger les erreurs, ont également été rendus à la demande de M. F...B... ; que si une attestation de la tante des enfants indique que les deux séries de jugements supplétifs auraient été rendus à sa demande et non à celle du père des enfants, dont le nom aurait seulement été utilisé pour faire ladite demande, cette attestation n'est pas suffisante dès lors que les jugements eux-mêmes ne comportent aucun élément de nature à corroborer ces dires ; que ces jugements supplétifs sont par suite également dénués de caractère probant suffisant pour établir les liens de filiation entre Mme D...B...et ses quatre enfants ; qu'enfin, les attestations produites par les requérants, si elles sont nombreuses, ne suffisent pas, à elles seules, dès lors qu'elles ne sont corroborées par aucun autre document, à établir l'existence d'une possession d'état ; que par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'erreur d'appréciation doit être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...B...et I..., Kesso, J... et I... B...ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête n'implique aucune mesure d'exécution ; que dès lors, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...B..., épouseA..., de M. BintouB..., de M. KessoB...et de Mme Marie IvoneB...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A..., épouseB..., à M. BintouB..., à M. KessoB..., à Mme Marie IvoneB...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller

Lu en audience publique, le 17 avril 2015.

Le rapporteur,

S. RIMEU

Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

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N° 14NT01120 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01120
Date de la décision : 17/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : SELARL BOUILLON POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-17;14nt01120 ?
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