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17/04/2015 | FRANCE | N°14NT00249

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 17 avril 2015, 14NT00249


Vu la requête, enregistrée le 3 février 2014, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Leconte, avocat au barreau de Nantes ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1208082 du 22 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 avril 2012 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé autorisant son licenciement pour faute grave ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titr

e de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 13 euros ...

Vu la requête, enregistrée le 3 février 2014, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Leconte, avocat au barreau de Nantes ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1208082 du 22 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 avril 2012 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé autorisant son licenciement pour faute grave ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 13 euros au titre du droit de plaidoirie ;

il soutient que :

- les premiers juges ont omis de prendre en compte l'intégralité des pièces transmises ou n'ont pas précisé les raisons pour lesquelles ils les avaient écartées ; le jugement attaqué est donc entaché d'irrégularité sur ce point ;

- le délai prévu par l'article R. 2421-14 du code du travail entre la mise à pied et la convocation du comité d'entreprise n'a pas été respecté et a été dépassé de manière excessive ;

- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;

- les faits ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; il convient également de prendre en compte le contexte conflictuel régnant dans l'entreprise ainsi que le fait que celle-ci emploie majoritairement des salariés qui, comme lui, sont handicapés;

- le licenciement autorisé présente un lien avec l'exercice de ses fonctions représentatives ;

- il existe un motif d'intérêt général justifiant son maintien dans l'entreprise ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2014, présenté pour la société Earta, par Me Landais, avocat au barreau de Laval, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B...à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que les moyens invoqués par M. B...ne sont pas fondés ;

Vu la mise en demeure adressée le 18 novembre 2014 au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2015 :

- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;

- et les observations de Me Lecomte, avocat de M. B...et de MeC..., substituant Me Landais, avocat de la société Earta.

1. Considérant que M. B... relève appel du jugement du 22 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 avril 2012 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé autorisant son licenciement pour faute grave ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Earta a demandé, le 14 octobre 2011, à l'inspecteur du travail de la Loire-Atlantique, l'autorisation de licencier pour faute grave M.B..., agent de production, exerçant les fonctions de délégué du personnel titulaire, de représentant du personnel au comité d'entreprise ainsi que de délégué syndical ; que, par décision du 21 novembre 2011, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de licenciement demandée ; que, par décision du 6 avril 2012, prise sur recours hiérarchique, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé la société Earta à licencier M. B...pour faute grave ;

4. Considérant que, pour autoriser le licenciement de M.B..., le ministre s'est fondé sur ce que M. B...a employé, en public, à l'encontre de son chef d'équipe, le 23 septembre 2011, un terme grossier " empreint d'homophobie ", alors que " ce dernier l'avait invité à se mettre au travail ", et que l'intéressé " avait déjà été sanctionné quelques mois auparavant pour avoir insulté ce même chef d'équipe "; que, toutefois, ce propos tenu le 23 septembre 2011, ainsi que le qualificatif de " fainéant " utilisé précédemment, en mai 2011, auquel le ministre fait référence dans sa décision, dont il n'est pas contesté qu'ils étaient dépourvus de violence ou de menace, s'inscrivent dans le cadre d'un climat conflictuel ancien au sein de l'entreprise qui emploie des salariés qui, comme l'intéressé, sont des travailleurs handicapés, victimes notamment d'un traumatisme crânien ; que, dans les circonstances de l'espèce, ces faits ne sont pas comme constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M.B...;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 avril 2012 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé autorisant son licenciement pour faute grave ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la société Earta, le versement de la somme de 1 500 euros que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que le droit de plaidoirie n'étant pas au nombre des dépens limitativement énumérés par l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions du requérant tendant à ce qu'une somme de 13 euros soit mise à ce titre à la charge de la société Earta ne peuvent qu'être rejetées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Earta demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 22 novembre 2013 du tribunal administratif de Nantes ainsi que la décision du 6 avril 2012 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé autorisant le licenciement de M. B... pour faute grave sont annulés.

Article 2 : La société Earta versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Earta tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Earta.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Buffet, premier conseiller,

- M. Pouget, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 avril 2015.

Le rapporteur,

C. BUFFET Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00249
Date de la décision : 17/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : LECONTE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-17;14nt00249 ?
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