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03/04/2015 | FRANCE | N°14NT01766

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 03 avril 2015, 14NT01766


Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2014, présentée, pour M. D...B...et Mme C...B..., demeurant..., par Me Lantero, avocat ;

M. et Mme B...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202228 du 6 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 1er mars 2012 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours contre la décision des autorités consulaires française à Fès (Maroc) du 26 octobre 2011 refusant de délivrer u

n visa d'entrée et de long séjour à l'enfant mineure A...E... ;

2°) d'annule...

Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2014, présentée, pour M. D...B...et Mme C...B..., demeurant..., par Me Lantero, avocat ;

M. et Mme B...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202228 du 6 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 1er mars 2012 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours contre la décision des autorités consulaires française à Fès (Maroc) du 26 octobre 2011 refusant de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à l'enfant mineure A...E... ;

2°) d'annuler cette décision du 1er mars 2012;

3°) d'ordonner à l'Etat de délivrer un visa long séjour à A...E..., dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- le tribunal administratif n'a pas statué sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée ;

- dés lors que A...est un membre de la famille à la charge des requérants en application de la Kafala, la décision de refus de visa devait être motivée en application de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il ne ressort pas de la décision attaquée que la commission était régulièrement composée le 29 février 2012 lors qu'elle a statué sur leur recours ;

- le jugement du tribunal, qui considère que l'intérêt supérieur de l'enfant ne se présume pas sur la foi d'une kafala est entaché d'erreur de fait et d'erreur de droit ; il ne ressort ni des textes internationaux ni des textes marocains qu'il existe une différence de protection entre une kafala homologuée et une kafala ordonnée ; le jugement du tribunal de 1ère instance de Berkane du 13 juillet 2011 ne s'est pas borné à homologuer une kafala traditionnelle, comme en témoigne le fait qu'il les autorise à voyager hors du territoire national avec l'enfant placé sous leur kafala ; par un jugement du 7 août 2012, le TGI de Clermont-Ferrand leur a accordé, avec l'accord formel et renouvelé du père, délégation de l'autorité parentale surA... ; enfin par un jugement du 31 mai 2013, le tribunal de Berkane a rejeté la demande de résiliation judiciaire de la Kafala présentée par le père deA... ; ils présentent toutes les garanties propres à accueillir A...alors que sa grand mère n'est plus en mesure d'assurer sa garde et que le père est incapable d'exercer son autorité parentale, voire même est susceptible de nuire à son enfant ;

- le refus de visa méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2014, présenté, par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

le ministre soutient que :

- A...n'appartient à aucune des catégories énumérées par l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sorte que la décision de refus de visa n'avait pas à être motivée ;

- le tribunal a explicitement écarté le moyen tiré du défaut de motivation ;

- le moyen tiré de la composition de la commission de recours est nouveau en appel et donc irrecevable ; en tout état de cause, le procès verbal fourni atteste que le quorum était réuni lors de la séance du 29 février 2012 au cours de laquelle a été examiné le recours des requérants ;

- les requérants ne justifient pas d'une kafala judiciaire, qui nécessite l'intervention d'un juge des tutelles et respecte plusieurs étapes strictement encadrées ; l'homologation de la kafala adoulaire prononcée par le juge marocain le 13 juillet 2011 n'entraîne aucun effet juridique ;

- A...n'est ni orpheline ni abandonnée par son père et il ressort de la rencontre entre celui-ci et le consul général de France à Fès que le père de A...est attaché à sa fille et souhaite qu'elle demeure au Maroc à ses côtés ;

- la décision attaquée ne méconnaît ni l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme puisque les époux B...vivent en famille en France et que A...vit au Maroc auprès de son père et de ses grands parents ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 mars 2015, présenté, pour M. et MmeB..., par Me Lantero ; M. et Mme B...concluent aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2015, le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller ;

1. Considérant que M. et MmeB..., de nationalité française, ont sollicité pour leur nièce A...E..., née le 6 août 2005, de nationalité marocaine, la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en France sur le fondement d'un acte dit de " Kafala " leur confiant la garde de cet enfant ; que ce visa a été refusé par une décision des autorités consulaires française à Fès du 26 octobre 2011 ; que le recours introduit contre cette décision devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision du 1er mars 2012 ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 mai 2014 rejetant leurs conclusions à fin d'annulation de cette décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 1er mars 2012 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que si la décision litigieuse du 1er mars 2012 n'est pas motivée, il ressort des écritures du ministre de l'intérieur que le refus de visa opposée à la demande formée par M. et Mme B...pour leur nièce A...est fondé sur le fait que l'intérêt supérieur de l'enfant serait de demeurer au Maroc auprès de son père ;

3. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

4. Considérant que l'acte dit de " kafala ", dressé devant notaire, par lequel la jeune A...a été confiée à ses oncle et tante, M. et MmeB..., a fait l'objet, le 13 juillet 2011, d'une homologation par le tribunal de première instance de Berkane ; que les actes dits de " kafala adoulaire ", au Maroc, ne concernent pas les orphelins ou les enfants de parents se trouvant dans l'incapacité d'exercer l'autorité parentale ; que leurs effets sur le transfert de l'autorité parentale sont variables ; que le juge se borne à homologuer les actes dressés devant notaire ; que, dès lors, l'intérêt supérieur de l'enfant à vivre auprès de la personne à qui il a été confié par une telle " kafala " ne peut être présumé et doit être établi au cas par cas ; qu'il appartient au juge administratif d'apprécier, au vu de l'ensemble des pièces du dossier, si le refus opposé à une demande de visa de long séjour pour le mineur est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'exigence définie par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que A...a toujours vécu au Maroc auprès de sa mère, chez ses grand parents maternels ; qu'après le décès de sa mère, le 25 mars 2011, son père a donné son accord pour l'acte de Kafala confiant A...à M. et MmeB... ; que cet accord a été renouvelé à deux reprises, lors de l'homologation par le tribunal de première instance de Berkane, qui autorise également A...à voyager hors du Maroc avec M. et MmeB..., et lors de l'instance engagée devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, qui a conduit ce dernier, à reconnaître, par un jugement du 7 août 2012, une délégation d'autorité parentale à M. et Mme B...concernantA... ; que si le père de A...a ensuite changé d'avis et sollicité du juge marocain l'annulation de l'acte de Kafala, il ressort du jugement rendu par le tribunal de première instance de Berkane le 30 mai 2013, que cette demande a été rejetée au motif que le père de A...serait " incapable de subvenir aux besoins quotidiens de son enfant " et que " le tribunal est convaincu qu'il est dans l'intérêt de l'enfant de vivre avec ses tuteurs " ; que, par ailleurs, il n'est pas contesté que M. et Mme B...justifient de conditions d'accueil et de ressources suffisantes pour recueillir la jeuneA... ; que par suite, en estimant que l'intérêt supérieur de l'enfant était de demeurer au Maroc, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision du 1er mars 2012 d'une erreur d'appréciation ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. et Mme B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 6 mai 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 1er mars 2012 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction:

7. Considérant que, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de l'intéressée, le présent arrêt implique nécessairement qu'un visa d'entrée et de long séjour en France soit délivré à l'enfant A...E..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme B...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 6 mai 2014 et la décision du 1er mars 2012 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre le refus opposé à la demande de visa long séjour de l'enfant A...E...sont annulés.

Article 2 : Sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de l'intéressée, il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France à l'enfant A...E... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. et Nme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B..., à Mme C...B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 avril 2015.

Le rapporteur,

S. RIMEU

Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01766
Date de la décision : 03/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : SELARL JUDISCONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-03;14nt01766 ?
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