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27/02/2015 | FRANCE | N°13NT02126

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 27 février 2015, 13NT02126


Vu la requête, enregistrée le 22 juillet 2013, présentée pour M. A..., demeurant..., par Me Blanquet, avocat ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100610 du 21 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Questembert à lui verser une somme de 47 285 euros, portant intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis de fait de l'illégalité du plan local d'urbanisme et de deux certificats d'urbanisme délivrés par le maire de la commune pour la parcelle cadastrée secti

on ZB 58 ;

2°) de mettre à la charge de commune de Questembert une inde...

Vu la requête, enregistrée le 22 juillet 2013, présentée pour M. A..., demeurant..., par Me Blanquet, avocat ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100610 du 21 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Questembert à lui verser une somme de 47 285 euros, portant intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis de fait de l'illégalité du plan local d'urbanisme et de deux certificats d'urbanisme délivrés par le maire de la commune pour la parcelle cadastrée section ZB 58 ;

2°) de mettre à la charge de commune de Questembert une indemnisation totale d'un montant de 49 683,44 euros portant intérêt au taux légal à compter du dépôt de sa demande administrative préalable ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Questembert au profit de son avocat les sommes de 2 000 euros pour la procédure de première instance et 2 000 euros pour la procédure d'appel au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le classement de la parcelle cadastrée ZB 58 en zone urbaine est illégal dès lors qu'elle

jouxte une exploitation agricole ayant fait l'objet d'une déclaration au titre des installations classées et cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

- l'illégalité des certificats d'urbanisme du 8 février 2006 et du 11 août 2006 résultant de l'absence d'indication du caractère non constructible de sa parcelle en application des dispositions de l'article L. 111-3 du code rural constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les motifs de refus formulés par la commune dans le certificat d'urbanisme du 11 août 2006 n'étaient pas de nature à fonder un refus de permis de construire dès lors qu'il n'existait aucune difficulté ou obstacle à la réalisation d'un assainissement individuel, étant donné l'avis favorable donné par le syndicat intercommunal d'assainissement et d'eau potable de la région de Questembert sous réserve du dépôt d'un complément d'étude de sol, et que l'existence d'un chemin d'exploitation large de six mètres, suffisant pour desservir le projet, ne justifiait pas la délivrance d'un certificat d'urbanisme négatif, et qu'en conséquence, le maire était tenu d'indiquer que la parcelle était inconstructible en raison de la proximité immédiate d'une exploitation agricole ;

- le lien de causalité est établi entre le comportement fautif de la commune et le préjudice qu'il a subi du fait de la perte de valeur vénale de la parcelle qu'il a acquise au prix du terrain constructible ;

- le préjudice résultant de la perte de valeur vénale s'élève à 27 478 euros, soit la différence entre le prix d'acquisition de 28 000 euros et la valeur actuelle du terrain estimée à 522 euros ;

- le préjudice lié aux frais d'acquisition du terrain s'élève à 4 347 euros ;

- les préjudices liés aux frais d'études et de bornage du terrain s'élèvent respectivement à 1 064,44 euros et 180 euros, soit un total de 1 244, 44 euros ;

- le préjudice lié à l'immobilisation de son capital s'élève à 6 614 euros ;

- le préjudice moral et de jouissance doit être apprécié à 10 000 euros à titre provisionnel dès lors qu'il est ruiné, sans emploi, loge chez des connaissances et ne bénéficie que des allocations de solidarité spécifique, se trouvant privé de son épargne et des rendements de son épargne ;

Vu le jugement attaqué et la décision contestée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2013, présenté pour la commune de Questembert, représentée par son maire, par Me Lahalle, avocat, qui conclut au rejet de la requête, et à ce que M. A... lui verse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le moyen tiré de l'illégalité du classement de la parcelle en cause en zone Uba du plan d'occupation des sols puis Ubd du plan local d'urbanisme n'est pas fondé et par suite, ne constitue pas une faute de nature à engager la responsabilité de la commune dès lors que ni les dispositions du règlement sanitaire départemental, ni les annexes aux arrêtés du 7 février 2005 fixant les règles techniques applicables aux élevages, ni l'article L. 111-3 du code rural ne figurent parmi les règles s'imposant aux auteurs d'un plan local d'urbanisme ;

- le certificat d'urbanisme informatif du 8 février 2006 n'est pas illégal et par suite, ne constitue pas une faute de nature à engager la responsabilité de la commune dès lors que les dispositions de l'article L. 111-3 du code rural ne figurent pas au nombre des mentions prévues par l'article A. 126-1 du code de l'urbanisme et devant figurer dans un certificat d'urbanisme, que l'autorité administrative n'est pas tenue de mentionner dans un certificat d'urbanisme l'ensemble des limitations administratives au droit de propriété applicables à un terrain et que le certificat d'urbanisme du 8 février 2006 était une simple demande d'information, en vertu des dispositions du 1 de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme ;

- le certificat d'urbanisme négatif du 11 août 2006 n'est pas illégal et par suite, ne constitue pas une faute de nature à engager la responsabilité de la commune dès lors qu'il mentionne expressément que l'opération projetée n'est pas réalisable en raison notamment de l'absence de voie d'accès suffisante et de réseau d'assainissement individuel, que le maire n'est pas tenu de mentionner l'ensemble des limitations administratives au droit de propriété ou des servitudes susceptibles de restreindre la constructibilité d'un terrain qui serait constructible, que contrairement à ce que soutient le requérant, la parcelle en cause ne présente aucun accès à la voie publique, et le chemin d'exploitation, dont il n'est pas propriétaire, ayant disparu sur le terrain, qu'en conséquence, le projet méconnaissait les dispositions de l'article UB 3 du règlement du plan d'occupation des sols, que les pièces du dossier ne permettaient pas à la commune d'apprécier la capacité du sol à supporter un dispositif d'assainissement autonome, que le requérant ne saurait se prévaloir de l'avis du SIAEP de la région de Questembert, postérieur au certificat d'urbanisme, et qu'en tout état de cause, l'arrêté du 11 août 2006, qui n'a jamais été contesté et qui ne pouvait qu'être négatif, le cas échéant par substitution de motifs, ne saurait engager la responsabilité de la commune ;

- la faute imputée à la commune, à la supposer établie, ne peut entrainer l'indemnisation du requérant en l'absence de lien de causalité avec les préjudices invoqués dès lors qu'à la date de l'acquisition de la parcelle ZB 58, M. A... ne disposait d'aucun certificat d'urbanisme positif ni d'aucune autorisation d'urbanisme mais uniquement du certificat d'urbanisme de simple information du 8 février 2006 non mentionné dans l'acte de vente, et du certificat d'urbanisme négatif du 11 août 2006 mentionné dans l'acte, qu'il pouvait assortir l'acquisition de la parcelle d'une condition suspensive relative à l'obtention d'un permis de construire, que l'imprudence du requérant est la cause du préjudice dont il sollicite la réparation, qu'en outre, les deux certificats d'urbanisme délivrés en 2006 mentionnent l'éventualité d'une modification du zonage en raison de l'élaboration d'un nouveau document d'urbanisme ;

- à titre subsidiaire, le préjudice relatif à la perte de valeur vénale du terrain n'est pas certain dès lors que le requérant dispose d'un recours en nullité devant le juge judiciaire ;

- le préjudice relatif aux frais d'acquisition du terrain ne peut pas être indemnisé dès lors que le requérant reste propriétaire d'un terrain valorisable dont l'achat engendrait nécessairement des frais ;

- le préjudice relatif aux frais d'étude ne peut pas être indemnisé dès lors que le bornage du terrain n'est pas la conséquence directe des certificats d'urbanisme dont l'illégalité est invoquée, que la division foncière, qui produit encore ses effets, ne peut pas être regardée comme engagée en pure perte, que la facture d'étude de sol est antérieure à l'acquisition du terrain et ne mentionne pas la date de réalisation de l'étude, et qu'en tout état de cause, une étude de filière d'assainissement est dépourvue de lien direct avec la délivrance d'un certificat d'urbanisme ;

- le préjudice relatif à l'immobilisation du capital ne peut pas être indemnisé dès lors que les périodes d'immobilisation du capital correspondant à chaque dépense ne sont pas détaillées et que le taux de rendement ne correspond pas à la réalité ;

- le préjudice moral ne peut pas être indemnisé dès lors que la situation actuelle du requérant ne résulte pas de l'acquisition du terrain mais exclusivement de sa perte d'emploi ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 31 juillet 2014, présenté pour M. A..., qui tend aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

il soutient en outre que :

- les dispositions de l'article L. 111-3 du code rural doivent être précisées dans les certificats d'urbanisme, qu'ils soient informatifs ou opérationnels ;

- les certificats d'urbanisme des 8 février et 11 août 2006 sont irréguliers dès lors que le certificat du 8 février 2006, qui ne fait pas référence à l'article L. 111-3 du code rural, est incomplet, et que celui du 11 août 2006 indique, par une mention surabondante qui l'a induit en erreur, qu'aucune servitude d'utilité publique n'affecte le terrain, que le caractère privé de l'accès à la parcelle en cause ne pouvait faire obstacle à sa desserte, jugée suffisante dans le certificat du 8 février 2006, dans le certificat d'urbanisme positif délivré en 2008, dans la décision de non opposition à la déclaration préalable du 20 octobre 2008 et dans le certificat négatif du 27 novembre 2009, que le motif relatif à l'assainissement ne pouvait fonder le certificat négatif du 11 août 2011, le service ayant émis un avis favorable sur le projet le 10 août 2006, ce que confirme la délivrance du certificat positif de 2008, et qu'en revanche, le maire devait l'informer de ce que la proximité d'une exploitation agricole rendait le projet impossible, les dispositions de l'article L. 111-3 du code rural étant impératives et faisant obstacle en toutes hypothèse à la construction d'une maison d'habitation ;

- le lien de causalité est établi dès lors qu'il avait connaissance des deux certificats d'urbanisme, mais ignorait l'absence de constructibilité du terrain dès lors que le classement en zone urbaine et l'absence de servitude confirmait la constructibilité, qu'il n'était pas tenu d'assortir son acquisition d'une condition suspensive, qu'il n'est pas un professionnel, que la parcelle n'était pas classée en zone naturelle et que la commune ne saurait lui proposer une action judiciaire, dont l "aboutissement est incertain, pour échapper à sa responsabilité ;

- le rendement de 3 % proposé pour l'immobilisation du capital n'est pas surévalué ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 janvier 2015, présenté pour la commune de Questembert qui conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens ;

Vu la décision du 27 mai 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu l'arrêté du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les élevages de bovins, de volailles et/ou de gibier à plumes et de porcs soumis à autorisation au titre du livre V du code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2015 :

- le rapport de Mme Piltant, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Guého, avocat de M. A... et de Me Lahalle, avocat de la commune de Questembert ;

1. Considérant que, par jugement du 21 mai 2013, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête de M. A... tendant à la condamnation de la commune de Questembert (Morbihan) à lui verser la somme de 47 285 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité du classement en zone constructible du terrain cadastré section ZB n° 58, dont il est propriétaire au lieu-dit Lesnoyal, et des certificats d'urbanisme des 8 février et 11 août 2006 délivrés par le maire de Questembert pour ce terrain ; que M. A... relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Questembert :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par acte authentique du 10 novembre 2006, M. A... a acquis, au prix de 28 000 euros, une parcelle de terrain cadastrée section ZB n° 58, d'une contenance de 1 740 m², située au lieu-dit Lesnoyal à Questembert et classée en zone UBa au plan d'occupation des sols (POS) ; que le certificat d'urbanisme, délivré le 8 février 2006 pour ce terrain par le maire de Questembert sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme dans sa version alors en vigueur, mentionne le classement en zone Uba au POS, le caractère suffisant de la desserte par la voie publique, la nécessité de réaliser un dispositif d'assainissement autonome conformément à la législation et aux prescriptions en vigueur et l'éventualité qu'une demande d'occupation ou d'autorisation du sol fasse l'objet d'un sursis à statuer, le document d'urbanisme applicable sur la commune étant en cours de révision ; que le certificat d'urbanisme négatif, délivré le 11 août 2006 pour le même terrain sur le fondement du deuxième alinéa du même article dans sa version alors en vigueur, mentionne le classement en zone UBa au POS, l'absence de desserte du terrain par la voie publique, la nécessité de réaliser un dispositif d'assainissement autonome conformément à la législation et aux prescriptions en vigueur, l'éventualité qu'une demande d'occupation ou d'autorisation du sol fasse l'objet d'un sursis à statuer et indique que le terrain ne peut pas être utilisé pour la construction d'une maison d'habitation en l'absence d'une voie publique de desserte, le terrain étant accessible par un chemin d'exploitation, et en l'absence d'une étude de sol visant à estimer la perméabilité du sol et son aptitude à recevoir un dispositif d'assainissement autonome par épandage souterrain ; que ce certificat d'urbanisme négatif était annexé à l'acte de vente ; que le maire a délivré le 7 novembre 2008 à M. A... un certificat de décision de non opposition à une déclaration préalable pour la division du terrain en deux lots mentionnant que les travaux pouvaient être entrepris à compter du 20 novembre 2008, puis, le 16 décembre 2008, un certificat d'urbanisme pré-opérationnel positif, sur le fondement du b de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, mentionnant que l'opération de division du terrain en cause en deux lots pour la construction d'habitations était réalisable, à condition que le dispositif d'assainissement autonome retenu soit conforme aux dispositions législatives et réglementaires, et sous réserve d'un possible sursis à statuer ; qu'enfin le maire de Questembert a délivré à M. A... le 27 novembre 2009 un certificat d'urbanisme négatif au motif qu'étant situé à proximité de bâtiments agricoles générateurs de nuisances, le terrain était inconstructible par application des dispositions des articles L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes (...) " ; que ces dispositions ne sont pas au nombre des règles dont le respect s'impose aux auteurs d'un plan local d'urbanisme ; que, par suite, M. A... ne saurait utilement se prévaloir de ces dispositions à l'encontre du classement de la parcelle cadastrée ZB 58 en secteur constructible dans le plan d'occupation des sols puis dans le plan local d'urbanisme de la commune de Questembert approuvé le 12 juillet 2006 ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date des deux certificats d'urbanisme en cause : " Le certificat d'urbanisme indique les dispositions d'urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété et le régime des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsque la demande précise l'opération projetée, en indiquant notamment la destination des bâtiments projetés et leur superficie de plancher hors oeuvre, le certificat d'urbanisme précise si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération. Lorsque toute demande d'autorisation pourrait, du seul fait de la localisation du terrain, être refusée en fonction des dispositions d'urbanisme et, notamment, des règles générales d'urbanisme, la réponse à la demande de certificat d'urbanisme est négative. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date des certificats contestés : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. " ;

5. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime, conjuguées avec les règles d'implantation des bâtiments d'élevage fixées par l'arrêté ministériel du 7 février 2005 susvisé, sont au nombre des limitations administratives au droit de propriété dont l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme a prévu qu'elles devaient être indiquées dans un certificat d'urbanisme ;

6. Considérant qu'il est constant que, compte tenu de l'implantation de bâtiments d'élevage sur des parcelles voisines, la parcelle cadastrée ZB 58 est soumise à la règle de réciprocité fixée par l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime ; que, dès lors, le certificat d'urbanisme délivré le 8 février 2006 sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, devait indiquer que les dispositions précitées de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime trouvaient à s'appliquer à la parcelle ZB 58 ; que, dans ces conditions, en s'abstenant de faire figurer cette mention dans ce certificat d'urbanisme, le maire de Questembert a délivré un certificat d'urbanisme incomplet ; que, ce faisant, il a commis une faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, le certificat d'urbanisme du 11 août 2006 a déclaré le terrain inconstructible pour l'opération projetée de construction d'une maison d'habitation, au double motif de l'absence de voie publique de desserte, le terrain étant accessible par un chemin d'exploitation, et de l'absence d'étude de sol visant à estimer la perméabilité du sol et son aptitude à recevoir un dispositif d'assainissement autonome par épandage souterrain conforme à la réglementation, les services techniques communaux chargés du contrôle de l'assainissement non collectif n'ayant pas été en mesure d'établir que l'opération est réalisable ; qu'aux termes de l'article UB3 du règlement du plan local d'urbanisme du 12 juillet 2006 : " (...) Accès : Pour être constructible, un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée : soit directement soit par l'intermédiaire d'un droit de passage acquis sur fonds voisin (...) " ; que, d'une part, il résulte de l'instruction que le terrain est accessible par un chemin privé ; que, par suite, et nonobstant les circonstances qu'il s'agit d'un chemin d'exploitation dont M. A... n'est pas propriétaire, et que ce chemin ne serait plus matérialisé sur le terrain, le premier motif tiré de l'absence de voie publique de desserte n'est pas fondé ; que, d'autre part, en réponse à la demande de mise en place d'un dispositif d'assainissement non collectif sur la parcelle en cause, le syndicat intercommunal d'assainissement et d'eau potable de la région de Questembert a émis le 10 août 2006, soit, contrairement à ce que fait valoir la commune, antérieurement à la date du certificat d'urbanisme en litige, un avis favorable assorti de réserves relatives à la nécessité de réaliser un complément d'étude de sol lors du dépôt du permis de construire ; que, par suite, le second motif tiré de l'absence d'étude de sol visant à estimer la perméabilité du terrain et son aptitude à recevoir un dispositif d'assainissement autonome n'est pas fondé ; qu'en conséquence le maire de Questembert ne pouvait, pour délivrer le certificat d'urbanisme en litige, se fonder sur aucun des deux motifs précités ; qu'il suit de là qu'en ne mentionnant pas la règle de réciprocité s'imposant au terrain en cause en application des dispositions combinées de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et de l'arrêté ministériel du 7 février 2005, le maire a commis une faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune de Questembert ; que, par suite, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a écarté la responsabilité de la commune de Questembert en raison de l'illégalité fautive du certificat d'urbanisme délivré le 11 août 2006 ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le caractère incomplet des certificats d'urbanisme délivrés les 8 février et 11 août 2006 est susceptible d'engager la responsabilité de la commune de Questembert à l'égard de M. A... ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A... a fait l'acquisition de la parcelle cadastrée ZB 58 sur la base exclusive du certificat d'urbanisme négatif délivré le 11 août 2006, l'acte notarié du 10 novembre 2006 se référant à ce seul certificat, dont il retranscrit l'intégralité du contenu ; que, dans ces conditions, le caractère incomplet du certificat d'urbanisme délivré le 8 février 2006 ne peut être regardé comme présentant un lien de causalité direct avec les préjudices, liés au caractère inconstructible de la parcelle en cause, dont l'intéressé demande réparation ;

10. Considérant, en revanche, que la commune de Questembert, qui, ainsi qu'il a été dit, a délivré le 11 août 2006 un certificat d'urbanisme incomplet, ne peut, pour se soustraire à la responsabilité encourue par elle à raison de la délivrance de ce denier acte, invoquer les fautes qu'aurait, selon elle, commises M. A... en ne faisant pas dépendre l'acquisition du terrain en cause d'une condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire, dès lors que M. A... a acquis la parcelle en cause au vu de ce certificat d'urbanisme ;

11. Considérant que la circonstance que M. A... pourrait éventuellement exercer une action en nullité devant le juge judiciaire, pour erreur substantielle sur les qualités de l'objet de la vente, n'est, en tout état de cause, pas exclusive d'une action en responsabilité dirigée contre la commune devant la juridiction administrative, en raison de la faute consistant à avoir délivré des certificats d'urbanisme erronés ;

12. Considérant, toutefois, qu'en acquérant un terrain au vu d'un certificat d'urbanisme négatif, M. A... a concouru à la réalisation du préjudice qu'il a subi ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en limitant la part de responsabilité incombant à la commune à la moitié du préjudice effectivement subi par M. A... ;

En ce qui concerne les préjudices :

13. Considérant qu'eu égard aux conditions dans lesquelles est intervenu l'achat du terrain par M. A..., le préjudice correspondant à la différence entre la valeur réelle de cette propriété et les coûts exposés pour son acquisition en vue d'y construire, y compris les frais d'acquisition et les frais financiers y afférents, doit être regardé comme directement lié à l'illégalité fautive commise par la commune de Questembert ;

14. Considérant, en premier lieu, que l'acte de vente authentique du terrain du 10 novembre 2006 stipule un prix de 28 000 euros et que M. A... produit une attestation notariale non contestée par la commune, d'où il ressort que la valeur vénale du terrain non constructible peut être justement appréciée à 522 euros ; que, par suite, le préjudice relatif à la perte de valeur vénale de ce bien doit être évalué à 27 478 euros ;

15. Considérant, en deuxième lieu, que les frais d'acquisition exposés tels qu'ils ressortent du décompte du notaire du 6 juin 2007, s'élèvent à 4 347 euros ; qu'il convient cependant de déduire de cette somme les frais qui auraient dû normalement être exposés pour l'acquisition d'un terrain non constructible ; que M. A... ne justifiant pas de ce montant, ce chef de préjudice ne peut pas faire l'objet d'une indemnisation ;

16. Considérant, en troisième lieu, que M. A... soutient qu'ayant acquis le terrain sans recourir à l'emprunt, il a supporté un préjudice constitué du coût de l'immobilisation de son capital à hauteur de 33 069,44 euros depuis le 10 novembre 2006 ; que, toutefois, seul le capital correspondant à l'achat du terrain a été immobilisé depuis cette date, M. A... ne justifiant pas, ainsi qu'il a été dit au point 15, du montant des frais qu'il aurait exposés pour l'achat d'un terrain non constructible, ni de la date à laquelle ont été payés les frais de bornage du terrain ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, au vu de l'instruction, en fixant à 5 500 euros l'indemnité due par la commune à M. A... ;

17. Considérant, en quatrième lieu, que les frais de bornage du terrain sont sans lien direct avec les certificats d'urbanisme en cause ; que, par suite, M. A... ne peut prétendre à l'indemnisation de ce chef de préjudice ;

18. Considérant, en cinquième lieu, qu'il y a lieu de condamner la commune à indemniser M. A... des frais d'étude de sol de 180 euros engagés en vue de la demande du certificat d'urbanisme du 11 août 2006 ;

19. Considérant, en sixième et dernier lieu, que le préjudice moral allégué par M. A... n'étant pas établi, ce chef de préjudice ne peut pas faire l'objet d'une indemnisation ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions d'appel en tant qu'elles excèdent celles de première instance, qu'il y a lieu, compte tenu du partage de responsabilité mentionné au point 12 de condamner la commune de Questembert à verser à M. A... la somme globale de 16 669 euros en réparation des préjudices subis ;

Sur les intérêts :

21. Considérant que M. A... a droit aux intérêts de la somme de 16 669 euros à compter du 31 mars 2010, date de réception de sa demande préalable par la commune de Questembert ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

22. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme sollicitée par la commune de Questembert au titre de ces dispositions ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application des mêmes dispositions, sous réserve que Me Blanquet, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de la commune de Questembert le versement à Me Blanquet de la somme de 2 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 mai 2013 est annulé.

Article 2 : La commune de Questembert est condamnée à verser la somme de 16 669 (seize mille six cent soixante neuf) euros à M. A.... Cette somme portera intérêts à compter du 31 mars 2010.

Article 3 : La commune de Questembert versera à M. A... la somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Blanquet renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... et les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la commune de Questembert sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Questembert.

Délibéré après l'audience du 6 février 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Piltant, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 février 2015.

Le rapporteur,

Ch. PILTANTLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

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N° 13NT02126 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02126
Date de la décision : 27/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Christine PILTANT
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : SCPA GARNIER LOZAC'HMEUR BOIS DOHOLLOU SOUET ARION ARDISSON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-02-27;13nt02126 ?
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