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19/02/2015 | FRANCE | N°14NT01492

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 19 février 2015, 14NT01492


Vu, enregistrée le 19 mai 2014, la décision n° 365837 du 30 avril 2014 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour Mme E..., a annulé l'arrêt n° 11NT01508 du 7 décembre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, à la demande du centre d'action sociale de Quimperlé, annulé le jugement n° 09-5736 du 31 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes avait annulé la décision du 18 septembre 2009 du président de cet établissement prononçant le licenciement de Mme E... pour faute grave, et a renvoyé l'affaire

devant la même cour ;

Vu la requête, enregistrée le 31 mai 2011...

Vu, enregistrée le 19 mai 2014, la décision n° 365837 du 30 avril 2014 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour Mme E..., a annulé l'arrêt n° 11NT01508 du 7 décembre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, à la demande du centre d'action sociale de Quimperlé, annulé le jugement n° 09-5736 du 31 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes avait annulé la décision du 18 septembre 2009 du président de cet établissement prononçant le licenciement de Mme E... pour faute grave, et a renvoyé l'affaire devant la même cour ;

Vu la requête, enregistrée le 31 mai 2011, présentée pour le centre communal d'action sociale (CCAS) de Quimperlé, dont le siège est place Saint-Michel, BP 131 à Quimperlé Cedex (29391), par Me Sibillotte, avocat au barreau de Saint Brieuc ; le CCAS de Quimperlé demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-5736 du 31 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 18 septembre 2009 de son président prononçant le licenciement pour faute grave de Mme B...E... ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme E... le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le tribunal administratif s'est mépris en estimant que la sanction prononcée était excessive alors que le fait de modifier une posologie constituait à lui seul une faute de nature à justifier le licenciement de Mme E... ;

- l'intéressée a été informée de la possibilité d'avoir communication de son dossier ;

- l'ensemble des faits reprochés à Mme E... est établi et justifie un licenciement pour faute professionnelle sans que le choix de cette sanction soit entaché d'erreur d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2011, présenté pour Mme E..., par Me Berthault, avocat au barreau de Rennes, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du CCAS de Quimperlé la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la modification de la posologie, qui constitue le grief principal, a été faite dans l'intérêt de la patiente et conformément à l'ordonnance du médecin ;

- les autres griefs relèvent d'un conflit de personnes ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er septembre 2014, présenté pour Mme E... qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens et porte à 3 200 euros la somme demandée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient en outre que :

- la lettre du 2 septembre 2009 par laquelle elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement ne fait pas référence à l'entretien prévu par l'article 42 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- la décision de licenciement est insuffisamment motivée ;

- elle est intervenue avant la transmission de son rapport par le chef de service le 12 janvier 2010 ;

- les faits reprochés ne peuvent être qualifiés de fautifs ; en ce qui concerne le grief tiré de la modification de la posologie d'un médicament, il convient de tenir compte des circonstances particulières et notamment du fait que le comprimé n'aurait pas dû se trouver dans la case du soir du semainier ; elle a agi en toute transparence ; par ailleurs, les autres griefs reposent sur les indications d'une seule et même personne ; s'agissant du temps passé pour une de ses interventions, le retard de 6 minutes a été corrigé ;

- la sanction litigieuse est disproportionnée ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 janvier 2015, présenté pour le centre communal d'action sociale de Quimperlé, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et porte à 3 000 euros la somme demandée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il fait valoir en outre que :

- la procédure de licenciement est régulière ; Mme E... a été informée de la procédure

et convoquée à un entretien préalable conformément aux dispositions de l'article 42 du décret du 15 février 1988 ;

- Mme E... n'avait pas compétence, en qualité d'aide à domicile, pour modifier le traitement médicamenteux prescrit par le médecin traitant ; la circonstance que l'infirmière qui a constitué le pilulier soit une remplaçante est sans incidence sur la gravité de la faute commise ;

- il est également reproché à Mme E... une absence injustifiée le 24 juin 2009, d'avoir fait signer à une bénéficiaire un temps d'intervention supérieur au temps réellement effectué et, enfin, un manque de bienveillance à l'égard des personnes aidées ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 janvier 2015, présenté pour Mme E..., qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures et demande en outre la condamnation du centre communal d'action sociale de Quimperlé à lui verser une indemnité de 6 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la procédure juridictionnelle abusive conduite par l'établissement ;

elle soutient en outre que :

- il ne peut lui être reproché d'avoir modifié la posologie du traitement puisqu'en supprimant le comprimé du soir, mis par erreur dans le semainier préparé par l'infirmière, elle s'est, en réalité, conformée à la prescription médicale ;

- elle est fondée à demander l'indemnisation des préjudices subis du fait de la procédure abusive menée par le centre communal d'action sociale de Quimperlé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;

- les observations de Me C..., substituant Me Sibillotte, avocat du centre communal d'action sociale de Quimperlé ;

- et les observations de MeA..., substituant Me Bertault, avocat de Mme E... ;

1. Considérant que le centre communal d'action sociale (CCAS) de Quimperlé relève appel du jugement du 31 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 18 septembre 2009 de son président infligeant à Mme E..., aide à domicile auxiliaire, la sanction disciplinaire du licenciement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 36-1 du décret du 15 février 1988 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents non titulaires sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. / La décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que, le 24 juin 2009, Mme E... ne s'est pas présentée chez la personne auprès de qui elle devait intervenir ; qu'il n'est pas davantage contesté que l'intéressée, qui est rémunérée sur la base des heures effectuées, a, le 18 août 2009, présenté à la signature d'une personne âgée un temps d'intervention de 18 minutes supérieur au temps réel passé chez elle ; qu'enfin il est constant que, le soir du 14 août 2009, Mme E... a, de sa propre initiative, ainsi qu'elle l'a noté sur le cahier de transmission, supprimé un des trois comprimés d'antalgique qui devaient être administrés à une bénéficiaire, personne âgée dépendante, selon le pilulier préparé par l'infirmière chargée de son suivi médical, au motif que l'intéressée était atteinte d'une somnolence inhabituelle ; que Mme E... a, par cette initiative, prise sans l'accord du médecin traitant ou de l'infirmière chargée du suivi de la personne concernée, et alors même qu'aucune conséquence préjudiciable n'est à déplorer pour cette dernière, outrepassé ses fonctions d'aide à domicile ; que l'ensemble de ces faits suffisaient, à eux seuls, à caractériser une faute de nature à justifier une sanction ;

4. Considérant qu'eu égard à la gravité des fautes énoncées au point 3, en particulier de la faute que représente pour une aide à domicile, quelle que soit sa motivation, le fait de modifier de sa propre initiative une prescription concernant une personne âgée dépendante, et sans qu'il soit besoin de relever les autres défauts de comportement reprochés par l'établissement à l'intéressée, le président du CCAS de Quimperlé n'a pas en l'espèce, pris une sanction disproportionnée en prononçant le licenciement de l'intéressée ; que c'est, par suite, à tort que le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur le motif tiré du caractère disproportionné de la sanction infligée à Mme E... pour annuler la décision contestée du 18 septembre 2009 ;

5. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme E..., tant en première instance qu'en appel ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 37 du décret du 15 février 1988 : " (...) / L'agent non titulaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. / L'autorité doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier. " ; qu'aux termes de l'article 42 du même décret : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La décision de licenciement est notifiée à l'intéressé par une lettre recommandée avec accusé de réception. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement (...). " ;

7. Considérant, en premier lieu, que l'absence de mention, dans la lettre du 2 septembre 2009 convoquant Mme E... à un entretien préalable à son licenciement devant se tenir le 15 septembre suivant, que cet entretien était celui prescrit par les dispositions de l'article 42 du décret susvisé du 15 février 1988, ne peut qu'être sans incidence sur la régularité de la procédure de licenciement ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que cette même lettre indiquait également à Mme E... la possibilité qu'elle avait de consulter son dossier personnel, en application des dispositions précitées de l'article 37 du décret du 15 février 1988 et qu'il n'est pas contesté que l'intéressée a effectivement exercé ce droit ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le CCAS de Quimperlé n'établirait pas avoir invité l'intéressée à consulter son dossier individuel ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en troisième lieu, que si Mme E... a entendu soulever le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de licenciement du fait que son dossier personnel était incomplet lorsqu'elle l'a consulté, elle n'établit pas cette irrégularité en se bornant à affirmer que le CCAS lui a transmis avec retard certaines pièces de ce dossier dont elle avait demandé copie ; que le moyen doit être écarté ;

10. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que la lettre du 18 décembre 2009 prononçant le licenciement de Mme E... comporte l'exposé détaillé des griefs reprochés et est ainsi suffisamment motivée ; que la circonstance que l'exposé des faits reprochés dans la cette décision soit identique à celui figurant dans la lettre du 2 septembre 2009 portant convocation à l'entretien préalable au licenciement est sans incidence sur la régularité de cette motivation ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Rennes et ses conclusions devant la cour ne peuvent qu'être rejetées ; que, par voie de conséquence, et en tout état de cause, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du CCAS de Quimperlé, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... le versement au CCAS de Quimperlé de la somme demandée au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 09-5736 du 31 mars 2011 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Rennes et les conclusions présentées par elle devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du centre communal d'action sociale de Quimperlé tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre communal d'action sociale de Quimperlé et à Mme B...E....

Délibéré après l'audience du 29 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 février 2015.

Le rapporteur,

F. SPECHT Le président,

I. PERROT

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01492 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01492
Date de la décision : 19/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : ABC ASSOCIATION BERTHAULT COSNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-02-19;14nt01492 ?
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