Vu, I), sous le n° 13NT01537, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, respectivement enregistrés les 4 décembre 2013 et 17 juillet 2014, présentés pour M. B... C..., demeurant..., par Me A... puis par Me Schroeder, avocats au barreau deA... ; M. C... demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n°1202554 du 26 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant le centre hospitalier de Chartres à lui verser la somme de 20 425,53 euros au titre des préjudices patrimoniaux résultant pour lui de l'infection nosocomiale contractée lors de l'intervention chirurgicale pratiquée dans cet établissement le 28 novembre 2006 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Chartres à lui verser la somme totale de 419 194,83 euros au titre des préjudices patrimoniaux comprenant la perte de revenus actuels, la perte de revenus futurs et l'incidence professionnelle ainsi que les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 26 avril 2012, date de sa demande indemnitaire préalable, ces intérêts étant eux mêmes capitalisés à compter du 27 avril 2013 ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Chartres la somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- par son premier jugement du 11 avril 2013, le tribunal administratif d'Orléans a statué définitivement sur le principe de responsabilité du centre hospitalier de Chartres du fait de l'infection nosocomiale qu'il a contractée dans cet établissement à l'occasion de la ligamentoplastie subie le 28 novembre 2006 ; par ce même jugement, le tribunal administratif d'Orléans a statué définitivement sur le lien de causalité et sur les sommes mises à la charge du centre hospitalier de Chartres au titre de l'indemnisation des frais d'assistance par tierce personne et de ses préjudices personnels mais pas sur le surplus de ses préjudices patrimoniaux ;
- le jugement attaqué du 26 septembre 2013 n'est pas suffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la pension d'invalidité qui lui est versée n'aurait pas dû être déduite de la somme correspondant à la perte de revenus annuelle, qui s'élève à 16 649,88 euros ;
- la perte de ses revenus futurs doit être calculée sur la base d'une perte annuelle de 9 528,56 euros et compte tenu d'un indice de capitalisation de 26,504, soit un préjudice total de 252 544,95 euros ;
- l'incidence professionnelle qu'il subit, compte tenu d'une pénibilité accrue de son travail et des pertes de revenus et de pensions afférentes, doit être évaluée à 150 000 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 décembre 2014, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir, par Me Hervé, avocat au barreau de Nantes, qui conclut :
1°) à ce que la somme de 18 134,19 euros que le jugement du 11 avril 2013 a condamné le centre hospitalier de Chartres à lui verser au titre des dépenses de santé exposées pour le compte de son assuré soit ramenée à 18 083,19 euros ;
2°) à ce que la somme de 33 179,30 euros que le jugement du 26 septembre 2013 a condamné le centre hospitalier de Chartres à lui verser au titre des arrérages échus de la pension d'invalidité versée à son assuré soit portée à 33 637,53 euros ;
3°) à la condamnation du centre hospitalier de Chartres à lui verser la somme de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
4°) et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de cet établissement public au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle fait valoir que :
- c'est à juste titre que le tribunal administratif d'Orléans a retenu le principe de responsabilité du centre hospitalier de Chartres du fait de l'infection nosocomiale que M. C... a contractée dans cet établissement à l'occasion de l'intervention subie le 28 novembre 2006 ;
- la somme que le jugement du 11 avril 2013 a condamné le centre hospitalier de Chartres à lui verser au titre des dépenses de santé exposées pour le compte de son assuré n'est pas contestée par le centre hospitalier et doit être confirmée à hauteur de 18 083,19 euros ;
- de même, la somme que le jugement du 26 septembre 2013 a condamné le centre hospitalier de Chartres à lui verser au titre des indemnités journalières doit être confirmée, celle au titre des arrérages échus de la pension d'invalidité versée à son assuré doit être confirmée à hauteur de 33 637,53 euros et non de 33 179,30 euros ; en effet, la réduction de la quotité de travail de M. C... ne résulte pas de son état antérieur ou de convenances personnelles, mais des complications inhérentes à l'infection nosocomiale ; le médecin conseil atteste que la pension d'invalidité attribuée à M. C... est bien imputable à cette infection nosocomiale et compense son incapacité à reprendre le travail ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2014, présenté pour le centre hospitalier de Chartres par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui conclut :
1°) au rejet de la requête de M. C... et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir ;
2°) à l'annulation du jugement du 26 septembre 2013 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il l'a condamné à verser à M. C... une somme de 20 425,53 euros, et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir une somme de 58 473,44 euros au titre des arrérages échus de la pension d'invalidité ainsi que les échéances à venir de cette pension ;
il fait valoir que :
- seule l'indemnisation du préjudice professionnel de M. C... est en débat ;
- le recours de la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir ne saurait s'exercer que sur les postes relatifs à la perte de revenus professionnels et à l'incidence professionnelle, déterminés au préalable, avant de tenir compte de leur compensation éventuelle par des prestations sociales ; or, le jugement du tribunal administratif d'Orléans doit être réformé en tant qu'il n'a pas retenu cette méthode définie par le Conseil d'État ;
- l'arrêt de travail imputable à l'infection nosocomiale a débuté le 1er avril 2007 et a pris fin le 1er février 2008, date à partir de laquelle M. C... a repris une activité à temps partiel ; sa perte de revenus actuel pour cette période s'élève donc à 17 400 euros ;
- le déficit fonctionnel permanent de 5 % dont reste atteint M. C... ne saurait justifier une limitation de son activité de 50 % ou une incapacité de travail ou de gain réduite des deux tiers ; ainsi, le passage de M. C... à un travail à temps partiel, la perte de ses gains professionnels futurs ainsi que l'incidence professionnelle ne sont pas imputables à l'infection nosocomiale ;
- la perte de revenus professionnels actuels et l'incidence professionnelle ne sauraient excéder la somme totale de 21 400 euros, de sorte que la créance de la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir absorbe intégralement les sommes pouvant éventuellement être versées à M. C... ; il en va de même pour la perte de gains futurs ; pour le reste, il s'en rapporte à ses écritures déposées pour la requête enregistrée sous le numéro 13NT03211 ;
Vu, II), sous le n° 13NT03211, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, respectivement enregistrés les 25 novembre 2013 et 6 janvier 2014, présentés pour le centre hospitalier de Chartres, dont le siège est BP 30407 à Chartres Cedex (28018), par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui demande à la cour :
1°) de réformer les jugements n° 1202554 des 11 avril 2013 et 26 septembre 2013 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il l'a condamné à indemniser M. C..., des préjudices résultant pour lui de l'infection nosocomiale contractée lors de l'intervention du 28 novembre 2006, et la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir au titre des préjudices professionnels, des pertes de revenus et de la rente d'invalidité ;
2°) de rejeter les conclusions de M. C... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir relatives à ces chefs de préjudices ;
il soutient que :
- il est recevable à contester en appel tant le jugement avant dire droit du 11 avril 2013 que le jugement du 26 septembre 2013 ;
- les jugements attaqués ne sont pas suffisamment motivés ;
- l'ensemble des préjudices de M. C... ne sont pas directement et exclusivement imputables à l'infection nosocomiale, notamment en ce qui concerne le passage de M. C... à un travail à temps partiel, la perte nette de revenus, la perte de gains professionnels futurs ainsi que l'incidence professionnelle ;
- M. C..., atteint d'une IPP de 5 %, n'a pas été privé de la possibilité d'exercer définitivement toute activité professionnelle puisqu'il n'a pas perdu son emploi et ne peut prétendre qu'à une indemnisation forfaitaire de l'incidence professionnelle de son handicap et non, comme l'a estimé le tribunal administratif, à la compensation intégrale de ses pertes de revenus ; le passage à mi-temps, décidé à l'issue d'une seule visite du médecin du travail, n'avait qu'une portée limitée dans le temps et aurait dû être réévalué ; rien ne s'oppose à ce que M. C... reprenne une activité à temps plein après quelque temps et sur des travaux adaptés à son état de santé ; ainsi la perte de revenus liée au mi-temps ne saurait être admise que pour une période limitée de 6 mois, en aucun cas pour la période allant du 1er avril 2007 au 26 septembre 2013, ni pour une période allant jusqu'à la retraite, et l'indemnité due à ce titre ne peut excéder 588 euros ;
- à titre subsidiaire, une expertise aux fins d'évaluer la capacité de M. C... à reprendre un travail à temps plein doit être ordonnée ;
- les sommes qu'il a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie au titre des indemnités journalières ne doivent pas, pour les mêmes motifs, excéder une période allant du 1er avril 2007 au 15 février 2008 ou, en tout état de cause, au-delà de six mois après cette période, dès lors que le passage à mi-temps ne résulte pas de manière directe et certaine de la faute du centre hospitalier de Chartres ; en outre la caisse primaire d'assurance maladie doit justifier des sommes versées ;
- l'IPP limitée à 5 % ne saurait justifier l'allocation d'une pension d'invalidité ; la créance de la caisse doit s'imputer sur le poste destiné à réparer le préjudice professionnel dans la limite de la somme fixée à ce titre ; il ne peut ainsi être condamné à indemniser la caisse au-delà du montant des sommes destinées à compenser le préjudice professionnel de la victime ;
- il ne conteste pas la somme de 4 000 euros accordée au titre de l'incidence professionnelle ;
- le handicap dont souffre M. C... n'est pas imputable à l'infection nosocomiale mais à son accident ; à tout le moins, la part imputable à l'infection nosocomiale doit être limitée à 25 % ;
- à titre subsidiaire, la perte de revenus de M. C... n'est pas de 60 575,44 euros comme l'a retenu le tribunal administratif, mais de 39 430,91 euros, somme plus que compensée par le versement des indemnités journalières de 25 294,14 euros et de la pension d'invalidité de 33 637,53 euros ; de ce fait, M. C... n'a subi aucune perte de revenus ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 février 2014, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir par Me Hervé, avocat au barreau de Nantes, qui conclut :
1°) au rejet de la requête présentée par le centre hospitalier de Chartres ;
2°) à ce que la somme de 18 134,19 euros que le tribunal a par son jugement du 11 avril 2013 condamné le centre hospitalier de Chartres à lui verser au titre des dépenses de santé exposées pour le compte de son assuré soit ramenée à 18 083,19 euros ;
3°) à ce que la somme de 33 179,30 euros que le jugement du 26 septembre 2013 a condamné le centre hospitalier de Chartres à lui verser au titre des arrérages échus de la pension d'invalidité versée à son assuré soit portée à 33 637,53 euros ;
4°) à la condamnation du centre hospitalier de Chartres à lui verser la somme de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
5°) et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de cet établissement public au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle invoque les mêmes moyens que dans l'instance n° 13NT01537 visée ci-dessus ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2014, présenté pour M. C..., par Me Schroeder, avocat au barreau deA..., qui conclut :
1°) au rejet de la requête du centre hospitalier de Chartres ;
2°) à la réformation du jugement n°1202554 du 26 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant le centre hospitalier de Chartres à lui verser la somme totale de 20 425,53 euros au titre des préjudices professionnels et pertes de revenus qu'il a subis du fait de l'infection nosocomiale contractée dans cet établissement ;
3°) à la condamnation du centre hospitalier de Chartres à lui verser la somme totale de 419 194,83 euros au titre des préjudices patrimoniaux comprenant la perte de revenus actuels, la perte de revenus futurs et l'incidence professionnelle restant à être indemnisés du fait des conséquence de cette infection nosocomiale, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2012, date de sa demande indemnitaire préalable, ces intérêts étant eux mêmes capitalisés à compter du 27 avril 2013 ;
4°) à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Chartres la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il fait valoir les mêmes moyens que dans l'instance n° 13NT01537 visée ci-dessus ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2015 :
- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de Me Schroeder, avocat de M. C... ;
1. Considérant que les requêtes n° 13NT01537 et n° 13NT03211, respectivement présentées par M. C... et par le centre hospitalier de Chartres, sont dirigées contre les mêmes jugements, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que M. C..., alors âgé de 40 ans, a été victime le 11 septembre 2006 d'une chute à son domicile qui lui a occasionné une lésion du ménisque associée à une rupture du ligament croisé justifiant que soit pratiquée sur lui une ligamentoplasie et une suture méniscale interne sous arthroscopie le 28 novembre 2006 ; que, dans les suites de cette intervention, M. C... a, à partir de la mi-décembre, ressenti d'importantes douleurs au genou et des épisodes de fièvre nécessitant plusieurs examens au centre hospitalier, suivis de deux reprises chirurgicales les 26 janvier 2007 et 13 mars 2007 ; que les prélèvements bactériologiques effectués au cours de cette seconde reprise ont mis en évidence la présence de pus autour de la vis d'ancrage fémoral et de deux streptocoques d'origine nosocomiale jugulés par un traitement antibiotique prescrit jusqu'au 15 avril 2007 ; que M. C..., après avoir refusé la proposition d'indemnisation de l'assureur de centre hospitalier de Chartres, a saisi le 26 janvier 2011 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) du Centre qui, sur les conclusions du rapport des docteurs Foult et Bernard qu'elle avait désignés en qualité d'experts, a estimé, dans son avis du 11 octobre 2011, que l'état de santé de M. C... était consolidé au 29 juin 2009 et que le dommage subi par l'intéressé trouvait son origine directe et exclusive dans l'infection d'origine nosocomiale contractée lors de l'intervention du 28 novembre 2006, et a attribué à l'établissement hospitalier la charge de l'indemnisation des dommages constatés par les experts ; que, l'assureur du centre hospitalier de Chartres ayant refusé d'indemniser l'ensemble des préjudices retenus par la commission, M. C... a présenté une réclamation préalable auprès du centre hospitalier puis a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à la condamnation de cet établissement à lui verser la somme globale de 480 234,01 euros en réparation des préjudices résultant de l'infection nosocomiale en cause qu'il estimait avoir subis ;
3. Considérant que, par un premier jugement du 11 avril 2013 le tribunal administratif d'Orléans, après avoir retenu la responsabilité du centre hospitalier de Chartres dans l'infection nosocomiale dont M. C... avait été victime, a, d'une part, condamné le centre hospitalier de Chartres à verser à celui-ci la somme de 17 828,66 euros en réparation des préjudices liés aux frais divers, aux frais d'assistance par tierce personne, et aux préjudices extrapatrimoniaux et, d'autre part, condamné le centre hospitalier de Chartres à verser à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir la somme de 18 134,19 euros en réparation des dépenses de santé exposées pour le compte de son assuré, a rejeté le surplus des conclusions des parties relatives à ces chefs de préjudices et, enfin, a ordonné un supplément d'instruction afin d'obtenir la production des documents permettant d'évaluer les préjudices relatifs aux pertes de revenus et à l'incidence professionnelle ; que, par un second jugement du 26 septembre 2013, le tribunal administratif d'Orléans a condamné le centre hospitalier de Chartres à verser, d'une part, à M. C... la somme de 20 425,53 euros au titre des pertes de gains professionnels actuelles et futures et, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir la somme de 58 473,44 euros au titre des indemnités journalières et des arrérages de pension d'invalidité versés au requérant ainsi que, au fur et à mesure de leur échéance, les mensualités à échoir à compter du 26 septembre 2013 de la pension d'invalidité versée à M. C... ;
4. Considérant que, par la voie de l'appel principal, M. C... demande la réformation du jugement du 26 septembre 2013 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande d'indemnisation des préjudices professionnels et des pertes de revenus ; que, par la voie de l'appel principal également, le centre hospitalier de Chartres demande l'annulation des deux jugements des 11 avril et 26 septembre 2013 du tribunal administratif d'Orléans en ce qu'il y a été condamné à indemniser M. C... et la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir des préjudices professionnels, des pertes de revenus et de la rente d'invalidité et au rejet des conclusions présentées à ce titre par M. C... et par la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir ; que la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir conclut à ce que les sommes de 18 134,19 euros et de 33 179,30 euros mises à la charge de l'établissement hospitalier soient, respectivement, pour l'une ramenée à 18 083,19 euros et pour l'autre portée à 33 637,53 euros et à ce soit également mise à la charge de cet établissement la somme de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
Sur la recevabilité des conclusions du centre hospitalier de Chartres :
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-6 du code de justice administrative : " Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 811-2, le délai d'appel contre un jugement avant-dire-droit, qu'il tranche ou non une question au principal, court jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige. " ; que le premier jugement du 11 avril 2013 du tribunal administratif d'Orléans, qui n'a statué que sur une partie des conclusions dont le tribunal était saisi et qui a ordonné, pour le surplus, une mesure d'instruction, constitue un jugement avant-dire-droit au sens de ces dispositions ; que, dès lors, le centre hospitalier de Chartres est recevable à contester dans la présente instance les deux jugements du 11 avril 2013 et 26 septembre 2013 du tribunal administratif d'Orléans dont aucun, contrairement à ce que soutient M. C..., n'est devenu définitif ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Chartres :
6. Considérant que, par le jugement attaqué du 11 avril 2013, le tribunal administratif d'Orléans, en se fondant sur les conclusions du rapport d'expertise déposé le 26 janvier 2011 devant la CRCI du Centre, a estimé que l'infection contractée par M. C... à la suite de l'intervention chirurgicale du 28 novembre 2006 avait un caractère nosocomial et a déclaré le centre hospitalier de Chartres responsable des conséquences dommageables de cette infection en application des dispositions du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; que cet établissement ne conteste plus en appel le principe de sa responsabilité ;
Sur l'évaluation des préjudices :
7. Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 portant financement de la sécurité sociale, le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste du préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste du préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;
S'agissant des pertes de gains professionnels actuels :
8. Considérant qu'il est constant que, si M. C... a été placé en arrêt de travail du 11 septembre 2006 au 10 février 2008, l'arrêt de travail directement et exclusivement imputable à l'infection nosocomiale contractée lors de l'intervention du 28 novembre 2006 n'a commencé à courir qu'à compter du 1er avril 2007, la période d'arrêt antérieure étant imputable à l'accident initial dont a été victime l'intéressé et à l'interruption d'activité résultant de la prise en charge de cet accident ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise amiable ordonnée par la CRCI du Centre, que l'intéressé a ensuite repris une activité professionnelle à mi-temps, d'abord dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique du 11 février 2008 au 31 mars 2009, puis, dans le cadre d'un avenant à son contrat de travail, à partir du 1er avril 2009 ; qu'au cours de cette période d'interruption totale et partielle d'activité imputable à l'infection nosocomiale en litige comprise entre le 1er avril 2007 et le 29 juin 2009, date de consolidation de son état, M. C..., qui pouvait espérer compte tenu d'un revenu mensuel moyen de 1 575 euros, percevoir des revenus de son travail à hauteur de 42 200,51 euros, n'a perçu que 19 261,68 euros et a ainsi subi une perte de gains professionnels de 22 938,83 euros ; que, toutefois, au cours de la même période, la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir établit avoir versé à l'intéressé les sommes de 23 508,77 euros au titre des indemnités journalières et de 1 805,16 euros au titre d'une pension d'invalidité accordée à compter du 1er avril 2009 ; que, contrairement à ce que soutient M. C..., le montant de cette pension, calculée en fonction de son salaire et ayant pour objet exclusif de réparer les pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle, devait être pris en compte pour évaluer la perte de gains nette subie par lui ; qu'il résulte des montants énoncés ci-dessus que M. C... n'a subi, avant sa consolidation, aucune perte de revenus professionnels devant être indemnisée ;
S'agissant des pertes de gains professionnels futurs :
9. Considérant, d'une part, que le centre hospitalier de Chartres fait valoir que le choix d'un travail à mi-temps résulte de la seule convenance personnelle de M. C..., et que l'entreprise qui l'emploie, d'un effectif de moins de dix salariés, serait en capacité de lui procurer, à temps plein, des tâches en position verticale, comme la réalisation d'enduit ou de pose de placoplâtre, auxquelles il est désormais cantonné ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'avenant au contrat de travail de M. C..., entré en vigueur le 1er avril 2009, précise que le passage à temps partiel de l'intéressé est directement lié à son état de santé, que le requérant a été déclaré invalide de première catégorie à compter de cette date et a bénéficié, en conséquence, d'une pension d'invalidité au taux de 30 %, et que l'expert commis par la CRCI du Centre a retenu que le patient ne semblait pas en mesure d'exercer son activité professionnelle à plein temps compte tenu notamment d'une nette accentuation de la pénibilité de son emploi, de ses difficultés à s'accroupir et d'un appui sur la jambe infectée défaillant ; que si, par ailleurs, le centre hospitalier de Chartres fait encore valoir que l'aptitude au travail de M. C... ne pouvait être fixée de manière définitive à l'issue de la consolidation de son état de santé, l'attestation de la médecine du travail établie le 21 mars 2011, soit près de deux ans après la consolidation, précise que l'aptitude au travail de l'intéressé est limitée à un temps partiel et sous réserve d'éviter les travaux à genou et sur échelle ; que, dans ces conditions, la perte de gains professionnels futurs résulte de manière déterminante du déficit fonctionnel dont reste atteint M. C... du fait de l'infection nosocomiale qu'il a contractée au centre hospitalier de Chartres ; que si le centre hospitalier de Chartres fait enfin valoir que l'invalidité de catégorie 1 retenue par la caisse primaire d'assurance maladie, dès lors qu'elle suppose une incapacité réduisant la capacité de travail ou de gain d'au moins deux-tiers, est sans proportion avec le déficit fonctionnel permanent de 5 % constaté par les experts et que la réparation qui lui incombe doit être limitée à 25 % du préjudice, les conditions d'évaluation de l'état d'invalidité prévues par l'article L. 341-3 du code de la sécurité sociale ne se fondent toutefois pas exclusivement sur la capacité fonctionnelle de travail restante de l'assuré mais sur l'ensemble des conséquences de l'incapacité au regard de la situation professionnelle de l'assuré et ne sauraient être utilement invoquées pour réduire le droit de celui-ci à obtenir la réparation intégrale du dommage dont l'hôpital est responsable ;
10. Considérant que M. C..., compte tenu des bulletins de salaires et des avis d'impositions versés au dossier, pouvait espérer percevoir de son travail des revenus à hauteur de 18 905 euros par an ; qu'il n'a obtenu en moyenne sur les années 2009 à 2013 que 15 756,13 euros de son travail et a subi ainsi une perte de gains professionnels annuelle de 3 148,87 euros ; que cependant, au cours de la même période, la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir a versé à M. C... une pension d'invalidité d'un montant annuel moyen de 7 452,66 euros ; qu'ainsi la perte de gains professionnels futurs, après consolidation, invoquée par M. C..., n'est pas établie ; que par suite, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges n'auraient que partiellement fait droit à sa demande présentée à ce titre ;
Sur l'incidence professionnelle :
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la pénibilité de l'emploi de M. C... s'est nettement accrue du fait de la gêne fonctionnelle dont il est atteint dans l'exercice d'une profession physiquement exigeante ; que M. C... fait valoir, sans être contredit sur ce point, qu'il est contraint d'effectuer des tâches pour lesquelles il n'a pas été formé ; qu'il est constant que les chances d'évolution professionnelle de l'intéressé sont désormais plus limitées et que la reprise d'une activité à temps plein dans la profession de maçon paraît, selon l'expert, peu probable ; que, alors même que les incidences en matière de pension de retraite ne présentent qu'un caractère éventuel, les conséquences importantes pour M. C... de l'infection nosocomiale dont il a été victime justifient que l'indemnité due au titre de l'incidence professionnelle soit portée à 10 000 euros ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir :
12. Considérant, en premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 8, que l'ensemble des pertes de gains professionnels subies par M. C... au cours de la période d'interruption totale et partielle d'activité comprise entre le 1er avril 2007 et le 29 juin 2009 étant imputables à l'infection nosocomiale en litige, la réparation en incombe intégralement au centre hospitalier de Chartres ; qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, il y a donc lieu d'accorder à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir le versement par l'établissement hospitalier de la somme de 22 938,83 euros qu'elle a versée à M. C... au titre des indemnités journalières et de la pension d'invalidité pour la même période ;
13. Considérant, en deuxième lieu, que la perte de gains professionnels futurs résultant du déficit fonctionnel dont reste atteint M. C... du fait de l'infection nosocomiale qu'il a contractée au centre hospitalier de Chartres s'élevant à 3 148,87 euros par an, il y a lieu de limiter à ce montant l'indemnité que le centre hospitalier de Chartres doit être condamné à rembourser annuellement à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir ; qu'au titre de la période allant du 1er juillet 2009 à la date du présent arrêt, la somme que le centre hospitalier devra verser à la caisse en remboursement de la pension versée à M. C... du fait de son invalidité s'élève ainsi à 17 728,58 euros ; que, pour l'avenir, et ainsi que le fait valoir le centre hospitalier de Chartres, il ne résulte pas de l'instruction que M. C... serait inapte définitivement à tout exercice d'une profession à temps plein susceptible de lui procurer des revenus au moins équivalents à ceux qu'il percevait avant l'infection en litige ; que dans ces conditions, la perte de gains professionnels futurs de l'intéressé n'est pas totalement certaine ; que, par ailleurs, la pension d'invalidité a été concédée à titre temporaire et est susceptible d'être suspendue en tout ou partie en raison de l'évolution du salaire ou des gains de l'intéressé, à l'issue de chaque visite médicale trimestrielle ; que par suite, il y a lieu d'accorder à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir, à compter de la présente décision et pour le temps où la pension d'invalidité sera effectivement versée à M. C... ainsi que sur justificatifs du versement de cette pension, le remboursement d'une somme annuelle de 3 148,87 euros, payable à trimestre échu et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ;
14. Considérant, en troisième lieu, que la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir demande que la somme de 18 134,19 euros que le tribunal administratif d'Orléans a condamné le centre hospitalier de Chartres à lui verser au titre des dépenses de santé exposées pour le compte de son assuré soit ramenée à 18 083,19 euros ; que rien ne fait obstacle à ce qu'il soit fait droit à cette demande ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à demander que l'indemnité de 4 000 euros que le centre hospitalier de Chartres a été condamné à lui verser au titre de l'incidence professionnelle soit portée à 10 000 euros ; que le centre hospitalier de Chartres est quant à lui fondé, d'une part à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans l'a condamné à verser à M. C... les sommes de 1 610,04 euros et de 14 815,49 euros au titre de ses pertes de revenus actuels et futurs dès lors qu'elles ont été compensées par les sommes versées par la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir et, d'autre part, à demander que la somme de 58 473,44 euros que le tribunal administratif d'Orléans l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir au titre de la perte des gains professionnel actuels de M. C... soit ramenée à 22 938,83 euros et que le remboursement de la pension d'invalidité que cette caisse versera à M. C... soit limité à un montant annuel de 3 148,87 euros revalorisé annuellement, sous réserve du versement effectif de cette pension ; que la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir est par ailleurs fondée à obtenir que la somme de 18 134,19 euros que le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 11 avril 2013 a condamné le centre hospitalier de Chartres à lui verser au titre des dépenses de santé exposées pour le compte de son assuré soit ramenée à 18 083,19 euros ; qu'il y a lieu, par suite, de réformer, dans la mesure de ce qui vient d'être rappelé, les jugements attaqués du tribunal administratif d'Orléans, lesquels sont par ailleurs suffisamment motivés ;
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :
16. Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir peut prétendre au versement de la somme de 1 028 euros qu'elle demande au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Chartres, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que M. C... et la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 20 425,53 euros que le centre hospitalier de Chartres a été condamné à verser à M. C... par le tribunal administratif d'Orléans est ramenée à 10 000 euros.
Article 2 : La somme que le centre hospitalier de Chartres a été condamné par le tribunal administratif d'Orléans à verser à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir est ramenée à 40 667,41 euros.
Article 3 : La somme annuelle que le centre hospitalier de Chartres est condamné pour l'avenir à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir au titre de la pension d'invalidité servie à M. C... est limitée à 3 148,87 euros. Cette somme sera versée par le centre hospitalier de Chartres, à compter du présent arrêt et pour le temps où la pension d'invalidité sera effectivement servie à M. C..., sur justificatifs du versement de cette pension, à trimestre échu, et sera revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.
Article 4 : La somme de 18 134,19 euros que le tribunal administratif d'Orléans a condamné le centre hospitalier de Chartres à verser à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir au titre des dépenses de santé est ramenée à 18 083,19 euros.
Article 5 : Le centre hospitalier de Chartres versera à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir la somme de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Article 6 : Les jugements n° 1202554 du tribunal administratif d'Orléans des 11 avril et 26 septembre 2013 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Le surplus des conclusions des requêtes présentées par M. C... et par le centre hospitalier de Chartres, ainsi que le surplus des conclusions présentées en appel par eux et par la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir sont rejetés.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au centre hospitalier de Chartres et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 15 janvier 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. Lemoine, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 février 2015.
Le rapporteur,
F. LEMOINELe président,
I. PERROT
Le greffier,
A. MAUGENDRE
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 13NT01537, 13NT03211