La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/12/2014 | FRANCE | N°12NT03267

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 31 décembre 2014, 12NT03267


Vu, enregistrée le 14 décembre 2012, l'ordonnance du 12 décembre 2012 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Nantes le jugement des conclusions des consorts B...tendant à l'annulation du jugement nos 07-1972, 10-4418 du 1er mars 2012 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saint-Brieuc à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis des suites de l'intervention pratiquée le 9 juin 2005 sur le jeuneF... dans cet

tablissement ;

Vu la requête, enregistrée, le 27 avril 201...

Vu, enregistrée le 14 décembre 2012, l'ordonnance du 12 décembre 2012 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Nantes le jugement des conclusions des consorts B...tendant à l'annulation du jugement nos 07-1972, 10-4418 du 1er mars 2012 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saint-Brieuc à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis des suites de l'intervention pratiquée le 9 juin 2005 sur le jeuneF... dans cet établissement ;

Vu la requête, enregistrée, le 27 avril 2012, présentée pour M. F... B..., M. E... B...et Mme D... B..., demeurant..., par Me Arion, avocat au barreau de Rennes ; les consorts B... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement précité en tant qu'il a rejeté leurs conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Brieuc à verser :

- à F...B...la somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral et de surseoir à statuer sur son préjudice corporel, tant en ses formes patrimoniales qu'extrapatrimoniales, dans l'attente de la mise en oeuvre de la garantie corporelle du conducteur souscrite auprès de la Crama ;

- à M. et Mme B..., la somme de 2 072,53 euros en réparation de leur préjudice matériel ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- les premiers juges, qui ont reconnu la responsabilité du centre hospitalier, ne pouvaient rejeter leurs prétentions indemnitaires en invoquant l'existence d'une garantie corporelle de la victime par son assureur dont la mise en oeuvre n'avait pas été prouvée ; en outre le tribunal a ajouté au moyen soulevé par le centre hospitalier qui se fondait uniquement sur la loi du 5 juillet 1985 et la possible indemnisation par l'assureur tiers ;

- il ne leur incombait pas de faire la démonstration qu'ils n'avaient pas été déjà indemnisés de leurs préjudices et cette fin de non-recevoir ne pouvait être accueillie alors qu'elle n'avait pas été également opposée à la caisse primaire d'assurance maladie ;

- l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 excluait tout droit à indemnisation ;

- ni le centre hospitalier ni son assureur ne peuvent se prévaloir du contrat de droit privé qui lie les consorts B...à leur assureur car les deux indemnisations sont indépendantes l'une de l'autre ; en outre la garantie corporelle du conducteur ne concerne que le jeuneF... et non les préjudices dont ses parents demandent l'indemnisation en leur nom propre ;

- il est demandé de surseoir à statuer sur l'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux d'F... B...dans l'attente des suites de la mise en oeuvre de la garantie corporelle due par son assureur ;

- ils justifient avoir effectué des déplacements pour accompagner leur fils à des rendez-vous médicaux ou pour lui rendre visite à l'hôpital ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le courrier, enregistré au greffe du Conseil d'Etat le 3 août 2012, présenté pour les consorts B...par Me Pinet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2012, présenté pour le centre hospitalier de Saint-Brieuc par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- c'est à juste titre que le président de la cour a transmis la requête au Conseil d'Etat car les consorts B...ne sauraient échapper à la cristallisation du débat contentieux en saisissant le juge administratif d'une nouvelle demande aux termes de laquelle ils modifieraient leurs conclusions et augmenteraient leurs prétentions alors que leur demande initiale était inférieure à 10 000 euros ;

- la requête des consorts B...est irrecevable au regard des dispositions de l'article

R. 821-3 du code de justice administrative ;

- si le préjudice doit être intégralement réparé, la victime ne saurait être indemnisée au-delà du préjudice qu'elle a effectivement subi ; en vertu de la loi du 5 juillet 1985 la victime est obligatoirement indemnisée de l'ensemble de son préjudice corporel ; il appartient à l'assureur qui a procédé à cette indemnisation de se retourner contre l'établissement hospitalier s'il estime qu'il a commis une faute ; il appartient donc au requérant d'établir le bien fondé de sa créance en indiquant le montant et la nature exacte de l'indemnisation dont il a bénéficié au titre de la loi précitée, preuve que n'ont pas apportée les consortsB... ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 décembre 2012, présenté pour les consorts B...ainsi que pour Groupama Loire Bretagne en sa qualité de subrogé dans les droits d'F...B..., lesquels font valoir que :

- les documents justifiant la nature et de l'étendue de l'indemnisation par l'assureur de la victime au titre de la garantie corporelle sont désormais fournis ;

- reste en litige l'indemnisation des chefs de préjudice non encore indemnisés et résultant de l'accident médical ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 mars 2013, présenté pour le centre hospitalier de Saint-Brieuc qui conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens et soutient en outre que :

- les conclusions des intéressés sont irrecevables en tant qu'elles excèdent celles présentées dans leur première demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rennes sous le n° 07-1972 ;

- la transaction conclue le 16 juillet 2012 entre M. F... B... et la société d'assurances Groupama, produite le 24 décembre 2012, démontre que l'intéressé a été indemnisé de son préjudice corporel qui inclut son pretium doloris, son préjudice esthétique et son déficit fonctionnel permanent ; ces indemnités réparent plus qu'intégralement les conséquences dommageables de l'intervention litigieuse ; la victime n'a donc plus d'intérêt à agir, son préjudice étant intégralement réparé ; les conclusions des requérants tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur la réparation du préjudice corporel de M. F... B...seront donc rejetées ;

- M. et Mme B... n'apportent aucune preuve des frais exposés pour rendre visite à leur fils ;

Vu les courriers, enregistrés les 18 novembre et 11 décembre 2013, présentés sans l'assistance d'un conseil par la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor qui indique ne pas vouloir intervenir en appel et précise seulement que les soins recensés dans l'état des débours exposés par elle que le tribunal administratif de Rennes a condamné le centre hospitalier de Saint-Brieuc à lui rembourser étaient en lien direct et exclusif avec la faute médicale survenue le 9 juin 2005 ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 juin 2014, présenté pour M. F... B..., M. E... B... et Mme D... B..., ainsi que pour la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Bretagne pays de la Loire dite Groupama Bretagne Pays de la Loire, qui concluent à ce que l'intervention de la Crama soit admise, à ce que le centre hospitalier de Saint-Brieuc soit condamné à verser à cet organisme la somme de 28 000 euros à titre de dommages et intérêts, à verser à M. F... B... la somme de 56 420 euros en réparation des préjudices non couverts par son assureur, à verser à M. et Mme B... la somme de 2 500 euros en compensation de leur préjudice d'affection, moral et d'accompagnement ainsi que la somme de 2 072,53 euros en compensation de leur préjudice matériel constitué des frais de déplacements, et à ce que la somme de 2 000 euros chacun soit mise à la charge du centre hospitalier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- c'est sur la base du rapport provisoire du docteur Helloco du 29 octobre 2005 qu'ils ont présenté une réclamation préalable au centre hospitalier et saisi le tribunal administratif le 15 mai 2007 ; que leurs préjudices ont été précisés après le dépôt du rapport de l'expert par une nouvelle réclamation du 8 septembre 2008 puis une demande du 18 mars 2009, de sorte que le débat ne s'était cristallisé qu'en ce qui concerne M. et Mme B... et non leur fils ;

- la responsabilité du centre hospitalier a été admise ;

- aux termes de la transaction conclue avec son assureur le déficit fonctionnel temporaire subi par F...B...avant sa consolidation, son préjudice d'agrément et l'incidence professionnelle de l'accident médical n'ont pas été indemnisés ; en outre, l'indemnisation du préjudice d'ordre moral ou psychologique découlant de l'annonce puis de la prise de conscience de l'existence de l'accident médical fautif peut être évaluée à 1 000 euros ; F...n'a pu reprendre les activités sportives et de loisirs habituelles aux jeunes de son âge ; ses activités professionnelles sont plus pénibles et limitées en raison de son handicap ;

- l'assureur est pour sa part fondé à demander en tant que subrogé dans les droits de son assuré le versement par le centre hospitalier de la fraction de sa garantie qui se rapporte à l'accident médical ;

- M. et Mme B... ont subi un préjudice d'accompagnement résultant notamment de la prise de conscience de la diminution des capacités de leur enfant ;

- leurs frais de déplacements sont justifiés par le commémoratif dressé par l'expert ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 octobre 2014, présenté pour le centre hospitalier de Saint-Brieuc, qui conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

il soutient en outre que :

- la demande introduite au nom d'F..., mineur, par ses parents était seule recevable et de nature à lier le contentieux et à cristalliser leurs demandes ;

- le juge n'est pas lié par la transaction conclue entre M. F... B... et son assureur ;

- l'indemnisation perçue de l'assureur inclut le déficit fonctionnel temporaire d'un mois et demi ;F... B... n'apporte pas la preuve de son préjudice d'agrément, ni de la prétendue incidence professionnelle de l'accident médical, alors que sa scolarité n'a pas été perturbée ;

- l'intéressé n'apporte ni la preuve du préjudice allégué ni du lien de causalité qui existerait entre ses demandes et le fait reproché à l'hôpital ;

- les conclusions de M. et Mme B... en tant qu'elles portent sur une somme excédant 2 072,53 euros sont irrecevables ; les intéressés n'apportent pas la preuve des dépenses dont ils sollicitent le remboursement ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 décembre 2014, présenté pour les consortsB..., qui concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens ;

ils soutiennent en outre que :

- seule l'incapacité permanente partielle a déjà été indemnisée ;

- l'affirmation du CH selon laquelle le déficit fonctionnel temporaire partiel ne serait que d'un mois et demi procède soit d'une erreur matérielle, soit d'une mauvaise compréhension du rapport de l'expert ;

- contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, il n'a pas bénéficié d'une simple greffe cutanée mais d'une greffe pour reprise du nerf sciatique poplité externe ;

- le remboursement des frais de déplacements est justifié par le jeune âge d'F... B...au moment de l'accident ;

- les justificatifs produits justifient du préjudice d'agrément qu'ils invoquent ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2014 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., substituant Me Arion, avocat des consortsB... ;

1. Considérant que le jeuneF... B..., alors âgé de 15 ans, a été victime le 8 juin 2005 d'un accident alors qu'il circulait à scooter ; qu'il a été transféré au centre hospitalier de Saint-Brieuc pour y subir une première intervention tendant à la réduction par ostéosynthèse de la fracture ouverte qu'il présentait à la jambe droite ; qu'en raison de l'apparition d'un syndrome des loges une seconde intervention a été pratiquée en urgence le 9 juin, au cours de laquelle le chirurgien a sectionné deux branches motrices du nerf sciatique poplité externe ; qu'F... B...a conservé des séquelles de cet accident médical ; que M. et Mme B..., agissant en leur qualité de représentants légaux de leur fils alors mineur, ont saisi le 15 mai 2007 le tribunal administratif de Rennes d'une demande d'expertise en référé ainsi que d'une demande au fond tendant à l'allocation d'une somme provisoire de 7 500 euros ; que l'expert judiciaire désigné a estimé au terme de son rapport daté du 2 janvier 2008 que l'état de santé du jeune homme était consolidé au 30 novembre 2007 ; que M. et Mme B... et leur fils devenu majeur ont adressé une réclamation préalable au centre hospitalier de Saint-Brieuc le 8 septembre 2008 puis ont présenté le 27 octobre 2010 auprès du tribunal administratif de Rennes de nouvelles conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier à verser la somme de 102 166 euros au jeune homme et celle de 2 072,53 euros aux parents en remboursement de leurs frais de déplacement ainsi que 5 000 euros au titre de divers frais ; que, par un jugement du 1er mars 2012, le tribunal administratif a joint les deux procédures et, après avoir constaté l'existence d'une faute médicale engageant la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Brieuc, a condamné cet établissement à verser la somme de 18 374,79 euros à la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor en remboursement de ses débours ; qu'il a en revanche rejeté les conclusions indemnitaires des consorts B...au motif qu'ils n'établissaient pas ne pas avoir déjà été indemnisés par l'assureur du scooter de leur fils, la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Bretagne Pays de la Loire dite Groupama Bretagne Pays de la Loire, des préjudices qu'ils invoquaient ; que les intéressés ont fait appel de ce jugement ; que leur requête a été transmise le 24 mai 2012 au Conseil d'Etat qui, par une ordonnance du 12 décembre 2012, l'a attribuée à la cour ; que, dans le cours de cette instance, qui est désormais enregistrée sous le n° 12NT03267, les intéressés ont conclu une transaction avec leur assureur qui a indemnisé une partie de leurs préjudices ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier :

2. Considérant que le centre hospitalier de Saint-Brieuc, qui ne conteste plus le principe de sa responsabilité, soutient que les conclusions présentées en appel par les consortsB..., comme d'ailleurs celles qu'ils avaient présentées en première instance, sont irrecevables en tant qu'elles excèdent les conclusions chiffrées dans leur demande enregistrée au greffe du tribunal administratif le 15 mai 2007 sous le n° 07-1972 ; qu'il est toutefois constant que les nouvelles conclusions présentées par les intéressés et enregistrées au greffe du tribunal administratif de Rennes le 27 octobre 2010 sous le numéro 10-418 ont été présentées dans les suites du dépôt de son rapport par l'expert qui avait été désigné par le juge des référés du tribunal administratif en vue, notamment, d'évaluer les préjudices subis ; que les demandeurs étaient, par suite, recevables à augmenter leurs prétentions en fonction des évaluations proposées par l'expert et à détailler les chefs de préjudices dont ils sollicitaient l'indemnisation ; que la circonstance que ces conclusions ont été enregistrées comme une nouvelle demande par le greffe du tribunal administratif est sans incidence sur leur recevabilité ; qu'il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Saint-Brieuc ne peut qu'être rejetée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant que si les requérants persistent à soutenir qu'en leur opposant l'indemnisation éventuelle de leurs préjudices par leur propre assureur le tribunal se serait saisi d'office d'un moyen qui n'avait pas été soulevé par le centre hospitalier dès lors que celui-ci n'aurait mentionné qu'une possible indemnisation de la victime par l'assureur du tiers responsable sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, il résulte toutefois des écritures de première instance que le centre hospitalier a en réalité fait référence à toute hypothèse de garantie corporelle couvrant ce type d'accident ; que, dans ces conditions, en rejetant les demandes indemnitaires des consorts B...au motif qu'ils n'avaient pas démontré ne pas avoir été déjà indemnisés des mêmes préjudices par leur assureur, les premiers juges n'ont pas irrégulièrement statué sur un moyen qui n'était pas d'ordre public et dont ils n'auraient pas été saisis ;

Sur le droit à réparation des consorts B...et de leur assureur :

4. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit les consortsB..., et plus particulièrement le jeuneF... B... devenu majeur, ont conclu le 16 juillet 2012 avec la société d'assurances Groupama une transaction qui a été produite à l'instance le 24 décembre 2012 ; que le centre hospitalier de Saint-Brieuc soutient que cette transaction démontre que l'intéressé a été indemnisé du préjudice corporel dont il a été victime incluant son pretium doloris, son préjudice esthétique et son déficit fonctionnel permanent et que le jeune homme, dont le préjudice a ainsi été intégralement réparé, n'a plus d'intérêt à agir ; qu'il est cependant constant que, dans le dernier état de leurs écritures, les requérants sollicitent l'indemnisation des seuls préjudices n'ayant pas été indemnisés dans le cadre de cette transaction ; qu'ils sont désormais en droit d'être indemnisés dans cette mesure ; que, pour ce qui la concerne, la société Groupama, qui par l'effet de cette transaction se trouve subrogée dans les droits de son assuré, le jeune F...B..., pour la partie des préjudices qu'elle a indemnisés, est recevable à demander la condamnation du centre hospitalier à lui rembourser les sommes versées en tant qu'elles sont imputables à la faute commise par l'hôpital ;

Sur les préjudices d'F...B... :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux permanents :

5. Considérant que les consorts B...soutiennent que les activités professionnelles d'F... sont plus pénibles et limitées en raison de son handicap ; que ce préjudice est distinct de la perte de revenus futurs et inclut la dévalorisation sur le marché du travail, l'augmentation de la fatigabilité au travail et la perte de chance de promotion ; que si F...B...a commencé à travailler le 22 août 2011 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée en qualité d'économiste assistant à la conception des projets et assistant et aide aux responsables de travaux et perçoit une rémunération brute mensuelle de l'ordre de 2 000 euros, il produit plusieurs attestations de son employeur confirmant qu'il ne pourra en raison de son handicap assurer les fonctions de responsable de travaux pouvant lui offrir une rémunération allant jusqu'à 3 500 euros bruts par mois ; que par suite, et compte tenu de son jeune âge et de l'impact de l'accident sur ses perspectives de promotion professionnelle, M. F... B...est fondé à solliciter au titre de l'incidence professionnelle une somme de 20 000 euros ;

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport établi par le docteur Lecerf, expert judiciaire, que le jeune F...a présenté une incapacité temporaire totale du 8 juin au 13 septembre 2005 puis du 11 au 17 juillet 2007 ainsi qu'une incapacité temporaire partielle du 14 septembre 2005 au 10 juillet 2007 et du 18 juillet 2007 au 29 août 2007 ; qu'une fracture ouverte de la jambe présentant une évolution normale justifie une incapacité temporaire totale de 3 mois et une incapacité temporaire partielle de 3 mois ; que la complication dont a été victime M. F... B... à raison de la faute du centre hospitalier de Saint-Brieuc est par conséquent responsable d'un allongement de son incapacité temporaire totale de 10 jours et de son incapacité temporaire partielle de 21 mois ; que, par suite,

M. F... B... est fondé à demander la condamnation du centre hospitalier de Saint-Brieuc à lui verser la somme de 5 420 euros, calculée sur la base de 500 euros par mois au titre de l'incapacité temporaire totale et de 250 euros par mois au titre de l'incapacité temporaire partielle ;

S'agissant du préjudice d'agrément :

7. Considérant qu'F... B... soutient qu'il n'a pu reprendre les activités sportives et de loisirs habituelles aux jeunes de son âge ; qu'il produit une attestation de sa compagne indiquant qu'il faisait des randonnées, du sport tel que du vélo, du tennis, de la course à pied, du bowling, du patinage sur glace et qu'il allait en discothèque, ainsi qu'une attestation d'un de ses amis confirmant qu'ils pratiquaient ensemble diverses activités sportives tels que le footing, le vélo et le tennis ; qu'il est constant que le jeune homme ne pourra s'adonner aux activités de loisirs courantes pour un jeune homme de son âge nécessitant une station debout prolongée et une mobilité normale, ainsi que l'a reconnu l'expert judiciaire ; que, par suite, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de lui accorder la somme de 5 000 euros en réparation de ce préjudice d'agrément ;

S'agissant du préjudice moral :

8. Considérant qu'F... B...soutient qu'il a subi un préjudice d'ordre moral ou psychologique découlant de l'annonce puis de la prise de conscience de l'accident médical dont il a été victime ; que l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent à laquelle l'assureur de la victime a procédé ne prend pas en compte ce chef de préjudice ; qu'il y a lieu par suite de faire droit à cette demande en allouant à ce titre à M. F... B...la somme de 1 000 euros qu'il demande ;

Sur les préjudices des parents de M. F... B... :

9. Considérant que si M. E... B... et Mme D... B... sollicitent pour un montant de 2 072,53 euros le remboursement des frais de déplacements exposés pour accompagner leur fils à des rendez-vous médicaux ou pour lui rendre visite à l'hôpital, ils produisent 15 prescriptions médicales de transport qui, justifiant des déplacements en 2005, 2006 et 2007 calculés sur la base d'une distance de 236 kilomètres pour un trajet aller/retour entre Plélo, leur commune de résidence, et la ville de Rennes où se situe le centre hospitalier universitaire dans lequel leur fils a été suivi, représentent une somme totale de 1 812,94 euros qu'il y a seule lieu de leur allouer ;

10. Considérant que M. et Mme B... invoquent un préjudice " d'affection moral et d'accompagnement " d'ordre psychologique résultant notamment de la prise de conscience de la diminution des capacités de leur enfant et des souffrances qu'il a endurées ; qu'au titre de ce préjudice moral dont la réalité n'est pas contestée il y a lieu d'allouer la somme de 2 000 euros à chacun d'eux ;

Sur les préjudices de la société Groupama :

11. Considérant, en premier lieu, que la Crama dite Groupama a versé une somme de 12 000 euros à M. F... B...en réparation des souffrances qu'il a endurées entre la date de l'accident et celle de sa consolidation, lesquelles ont été fixées à 5 sur une échelle de 7 ; que selon l'expert judiciaire, la part de ce préjudice imputable à l'accident médical peut être évaluée à 3 sur une échelle de 7 ; que, dans ces conditions, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Saint-Brieuc à verser à la société Groupama la somme de 5 000 euros qu'elle demande ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que l'assureur a versé une somme de 29 000 euros à M. F... B...en réparation du déficit fonctionnel de 20 % dont il reste atteint ; que selon l'expert judiciaire la part de ce préjudice imputable au centre hospitalier peut être évaluée à 14 % ; que, dans ces conditions, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Saint-Brieuc à verser à la société Groupama la somme de 20 000 euros qu'elle demande ;

13. Considérant, enfin, que la société Groupama a versé une somme de 5 000 euros à M. F... B... en réparation d'un préjudice esthétique permanent évalué à 3 sur une échelle de 7 ; que selon l'expert judiciaire, la part de ce préjudice imputable au centre hospitalier peut être évaluée à 2 sur la même échelle ; que, dans ces conditions, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Saint-Brieuc à verser à la société Groupama la somme de 3 000 euros qu'elle demande ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts B... et la société Groupama sont fondés, dans la mesure précisée ci-dessus, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs conclusions indemnitaires ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Brieuc le versement aux consorts B...et à la Crama dite Groupama de la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 07-1972, 10-4418 du tribunal administratif en date du 1er mars 2012 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Saint-Brieuc est condamné à verser à M. F... B...la somme de 31 420 euros, à M. E... B... et à Mme D... B... la somme de 5 812,94 euros et à la Crama Bretagne Pays de la Loire dite Groupama la somme de 28 000 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts B...et des conclusions de la Crama Bretagne Pays de la Loire dite Groupama est rejeté.

Article 4 : Le centre hospitalier de Saint-Brieuc versera aux consorts B...et de la Crama Bretagne Pays de la Loire dite Groupama la somme totale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à M. E... B..., à Mme D...B..., à la Crama Bretagne Pays de la Loire dite Groupama, au centre hospitalier de Saint-Brieuc et à la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2014, où siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 décembre 2014.

Le rapporteur,

V. GÉLARDLe président,

I. PERROT

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 12NT03267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT03267
Date de la décision : 31/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-31;12nt03267 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award