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30/12/2014 | FRANCE | N°14NT00964

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 30 décembre 2014, 14NT00964


Vu le recours, enregistré le 11 avril 2014, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200338 du 12 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B..., sa décision du 23 novembre 2011 ajournant à deux ans sa demande de réintégration dans la nationalité française ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes ;

il soutient que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il a pu sans commettre

d'erreur manifeste d'appréciation ajourner la demande de l'intéressé pour absence de r...

Vu le recours, enregistré le 11 avril 2014, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200338 du 12 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B..., sa décision du 23 novembre 2011 ajournant à deux ans sa demande de réintégration dans la nationalité française ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes ;

il soutient que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il a pu sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation ajourner la demande de l'intéressé pour absence de ressources autonomes, M. B... n'ayant pour ressources que l'allocation pour adulte handicapé ; la circonstance que le postulant justifie d'un taux important de handicap l'empêchant de travailler étant inopérante ;

Vu le jugement attaqué;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2014, présenté pour M. A... B..., demeurant..., par Me Fron avocat au barreau de Nantes ;

M. B... conclut au rejet du recours, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et matériel, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de le réintégrer sans délai dans la nationalité française et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

il soutient que :

- son handicap présente un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 % et un taux de capacité de travail inférieur à 5 % ; il bénéficie désormais de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ;

- il est parfaitement intégré à la communauté nationale ; son père a combattu dans une unité française pendant la seconde guerre mondiale et cumulé 23 années de service au sein du ministère français de la défense ;

- les huit années de procédure découlant de l'attitude de l'administration lui ont causé un préjudice moral et matériel certain ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 octobre 2014, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut aux mêmes fins que son recours ;

il ajoute que les circonstances que le postulant perçoive désormais l'allocation de solidarité aux personnes âgées, soit intégré à la communauté française et que son père ait combattu dans l'armée française sont sans influence sur la légalité de la décision contestée ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 9 mai 2014, admettant M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2014 :

- le rapport de M. François, premier conseiller ;

1. Considérant que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 12 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 23 novembre 2011 ajournant à deux ans la demande de réintégration dans la nationalité française de M. B... ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 24-1 du code civil : "La réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise, pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation." ; qu'aux termes de l'article 48 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 susvisé : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le niveau et l'origine des ressources de l'intéressé en tant qu'élément de son insertion dans la société française ;

3. Considérant que pour ajourner à deux ans la demande de réintégration dans la nationalité française de M. B..., ressortissant algérien, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé, ne disposant pas de revenus personnels, ne subvient à ses besoins qu'à l'aide de prestations sociales ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les ressources de M. B..., né en 1953 et entré en France en 2002, n'étaient constituées, à la date de la décision contestée, que de l'allocation pour adulte handicapé ; que, dans ces conditions, et alors même que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Loire lui a reconnu le 17 décembre 2009 un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 % et un taux de capacité de travail inférieur à 5 %, le ministre, qui n'a pas opposé au requérant son absence d'activité professionnelle a pu, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation, ajourner à deux ans la demande de réintégration dans la nationalité française de l'intéressé ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 23 novembre 2011 du ministre chargé des naturalisations ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Nantes par M. B... ;

6. Considérant qu'eu égard au motif qui fonde la décision contestée, le postulant ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il est parfaitement intégré à la communauté nationale, de ce qu'il a obtenu postérieurement à cette décision le bénéfice de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ni de ce que son père a combattu dans l'armée française et travaillé au ministère de la défense ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 23 novembre 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

8. Considérant que les conclusions indemnitaires de M. B..., soulevées pour la première fois en appel, et alors qu'en tout état de cause, il résulte de ce qui vient d'être dit que le ministre de l'intérieur n'a commis aucune illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat, sont irrecevables ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt annulant le jugement du tribunal administratif de Nantes, fait revivre par voie de conséquence la décision contestée ; que, par suite, il n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il suit de là que les conclusions à fin d'injonction de M. B... doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée à ce titre par M. B... ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 février 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions présentées devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 décembre 2014.

Le rapporteur,

E. FRANÇOIS Le président,

A. PÉREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00964


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00964
Date de la décision : 30/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : FRON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-30;14nt00964 ?
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