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29/12/2014 | FRANCE | N°14NT01066

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 29 décembre 2014, 14NT01066


Vu le recours, enregistré le 22 avril 2014, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200575 du 20 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 12 août 2011 par laquelle le ministre a rejeté la demande de naturalisation présentée par M. B... et la décision du 23 novembre 2011 de rejet de son recours gracieux ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes ;

il soutient que :

- la requêt

e de M. B... en première instance est irrecevable dès lors que le requérant a été placé sou...

Vu le recours, enregistré le 22 avril 2014, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200575 du 20 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 12 août 2011 par laquelle le ministre a rejeté la demande de naturalisation présentée par M. B... et la décision du 23 novembre 2011 de rejet de son recours gracieux ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes ;

il soutient que :

- la requête de M. B... en première instance est irrecevable dès lors que le requérant a été placé sous tutelle et que sa demande devant le tribunal administratif de Nantes a été présentée par l'intéressé lui-même, contrairement aux dispositions de l'article 475 du code civil, ou par une personne non identifiée ou non habilitée à ester en justice en son nom ;

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que, pour estimer que les décisions contestées étaient entachées d'erreur manifeste d'appréciation et que la demande n'avait pas fait l'objet d'un examen suffisant, les premiers juges ont accueilli des moyens qui ne figuraient pas dans la demande et qui ne sont pas d'ordre public ;

- les décisions contestées ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a pas été reproché au requérant son absence d'activité professionnelle mais uniquement une absence de ressources propres lui permettant de subvenir à l'ensemble de ses besoins et le fait qu'il ne subvient à ses besoins, pour l'essentiel, qu'à l'aide de prestations sociales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2014, présenté pour M. A... B..., demeurant ... par Me Pollono, avocat, qui conclut au rejet du recours, à ce qu'il soit enjoint au ministre de réexaminer sa demande de naturalisation dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1971 ;

il fait valoir que :

- sa requête en première instance était recevable dès lors que le ministre ne démontre pas qu'il se serait vu restreindre son champ d'action par le juge des tutelles conformément aux dispositions de l'article 473 du code civil, et qu'il pouvait agir seul ;

- le jugement attaqué est régulier dès lors que le ministre a entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation et de discrimination en ne faisant pas un examen concret et sérieux de sa demande ;

- les décisions du ministre sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il présente un handicap évalué à 80 % avec une incapacité totale de travail, qu'il ne perçoit que l'allocation adulte handicapé, ce qui justifie son absence de ressources, que son état de santé l'empêche de travailler et qu'en rejetant sa demande en raison de cet état de santé, le ministre a entaché ses décisions de discrimination ;

Vu la décision du 1er octobre 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a accordé M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 19 novembre 2014, présenté par le ministre de l'intérieur qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;

il fait valoir en outre que le requérant ne peut utilement invoquer les dispositions des articles 508 et suivants du code civil dans le champ d'application desquelles il n'entre pas et que, faute d'avoir été régularisée en cours d'instance, sa requête devant le tribunal administratif de Nantes était irrecevable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2014 :

- le rapport de Mme Piltant, premier conseiller ;

1. Considérant que, par décision du 12 août 2011, confirmée le 23 novembre 2011, le ministre de l'intérieur a rejeté la demande de naturalisation présentée par M. B..., ressortissant marocain, placé sous tutelle par jugement du tribunal d'instance de Nantua du 26 juin 2007 ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 20 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé ces décisions ;

Sur la légalité des décisions en litige :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. " ; qu'aux termes de l'article 49 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le niveau et l'origine des ressources de l'intéressé en tant qu'élément de son insertion dans la société française ;

3. Considérant que pour rejeter la demande d'acquisition dans la nationalité française de M. B..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé n'avait pas de revenus personnels et ne subvenait pour l'essentiel à ses besoins qu'à l'aide de prestations sociales ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les ressources de M. B..., ressortissant marocain né le 16 avril 1990 et entré en France en 1994, n'étaient constituées que, pour un montant mensuel de 924,70 euros, de l'allocation adulte handicapé et de l'allocation de logement ; que, dans ces conditions, et alors même qu'il n'est pas contesté que M. B... ne peut pas travailler en raison d'un handicap, le ministre, qui n'a pas opposé au requérant son absence d'activité professionnelle, a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, rejeter la demande de naturalisation de M. B... pour le motif précité ; que le ministre est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 12 août et 23 novembre 2011 refusant la naturalisation de M. B... ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant elle et devant le tribunal administratif de Nantes par M. B... ;

6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'examen de la situation de M. B... n'aurait pas fait l'objet d'un examen concret et sérieux de sa demande ;

7. Considérant que l'accès à la nationalité française ne constitue pas un droit pour l'étranger qui la sollicite ; que le refus d'accorder la naturalisation à un étranger au motif de son absence d'autonomie matérielle ne saurait, dès lors, constituer, contrairement à ce que soutient M. B..., une atteinte au principe de non discrimination ou au principe d'égalité ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni sur la fin de non recevoir opposée par le ministre, que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions du 12 août et 23 novembre 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, annulant le jugement du tribunal administratif de Nantes, fait revivre, par voie de conséquence, les décisions en litige ; que, par suite, il n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il suit de là que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1971 :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 février 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que ses conclusions devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... B... et à son tuteur.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Piltant, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 décembre 2014.

Le rapporteur,

Ch. PILTANT Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

Ch. GOY

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01066
Date de la décision : 29/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Christine PILTANT
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : SELARL BOUILLON POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-29;14nt01066 ?
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