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29/12/2014 | FRANCE | N°14NT01060

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 29 décembre 2014, 14NT01060


Vu, I, sous le n° 14NT01060, le recours, enregistré le 22 avril 2014, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200580 du 20 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 12 août 2011 par laquelle le ministre a rejeté la demande de naturalisation présentée par M. A... et la décision du 23 novembre 2011 de rejet de son recours gracieux, et lui a enjoint de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de trois mois à compter de la date de notificatio

n du jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le...

Vu, I, sous le n° 14NT01060, le recours, enregistré le 22 avril 2014, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200580 du 20 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 12 août 2011 par laquelle le ministre a rejeté la demande de naturalisation présentée par M. A... et la décision du 23 novembre 2011 de rejet de son recours gracieux, et lui a enjoint de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de trois mois à compter de la date de notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes ;

il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas motivé ;

- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen, non inopérant, tiré de ce que les enfants du requérant vivaient au domicile de leurs parents à la date des infractions qu'ils ont commises ;

- les décisions contestées ne sont entachées ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le requérant ne conteste pas que trois de ses enfants ont fait l'objet de procédures judiciaires et qu'en hébergeant ces trois enfants majeurs, il a témoigné un soutien implicite à leurs agissements répréhensibles ;

- les décisions contestées peuvent également être fondées, par substitution de motif, sur ce que le requérant ne peut pas être regardé comme ayant exercé de manière effective son autorité parentale sur ses trois fils ;

- à titre subsidiaire, les décisions contestées peuvent également être fondées, par substitution de motif, sur le défaut d'intégration dans la communauté française, le requérant maitrisant mal la langue française malgré la durée de son séjour en France, ne participant pas à la vie locale et ne justifiant sa demande de naturalisation que par son séjour définitif en France ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2014, présenté pour M. B... A..., demeurant ... par Me Pollono, avocat, qui conclut au rejet du recours, à ce qu'il soit enjoint au ministre de réexaminer sa demande de naturalisation dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1971 ;

il fait valoir que :

- le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué n'est pas fondé ;

- les décisions contestées sont entachées d'erreur de fait dès lors qu'il est établi qu'Abdelaziz ne résidait pas au domicile du requérant lors de la commission des faits, qu'Ahmed, à supposer qu'il soit connu des services de police, n'a jamais fait l'objet de condamnations pénales, qu'Abdallah ne vivait pas au domicile de ses parents à la date de la demande de naturalisation et que les faits reprochés à Ahmed et Abdelaziz, commis en 2005 et 2006, étaient antérieurs de près de cinq ans à sa demande de naturalisation ;

- les décisions contestées sont entachées d'erreur de droit dès lors qu'à la date des faits qui sont reprochés à ses fils, ceux-ci étaient majeurs, qu'en vertu de l'article 371-1 du code civil, il n'exerçait plus aucune autorité parentale et ne saurait en conséquence être tenu pour responsable des faits commis par des tiers, fussent-ils ses enfants ;

- les décisions contestées sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a pas été poursuivi pour complicité pour les faits reprochés à ses enfants, comme il aurait pu l'être en vertu de l'article 121-7 du code pénal, que le défaut d'intégration tiré de ce qu'il ne lit ni n'écrit le français n'est pas fondé, qu'il a toujours travaillé sur le territoire français jusqu'en 2009, que le ministre, sur qui pèse la charge de la preuve, ne précise pas comment a été évalué son niveau de français, et qu'en conséquence, la demande de substitution de motif ne peut qu'être rejetée ;

Vu, II, sous le n° 14NT01067, le recours, enregistré le 22 avril 2014, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande à la cour, par les mêmes moyens que ceux exposés dans le recours n° 14NT01060 :

1°) d'annuler le jugement n° 1200581 du 20 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 12 août 2011 par laquelle le ministre a rejeté la demande de naturalisation présentée par Mme A... et la décision du 23 novembre 2011 de rejet de son recours gracieux, et lui a enjoint de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de trois mois à compter de la date de notification du jugement;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes ;

il soutient en outre qu'à titre subsidiaire, les décisions contestées peuvent également être fondées, par substitution de motif, sur le défaut d'intégration dans la communauté française, la requérante maitrisant mal la langue française malgré la durée de son séjour en France, et ne justifiant sa demande de naturalisation que par son séjour définitif en France, attestant ainsi d'un défaut d'intégration dans la communauté française ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2014, présenté pour Mme C... épouse A..., demeurant ... par Me Pollono, avocat, qui conclut, par les mêmes moyens que ceux exposés en défense dans le recours n° 14NT01060, au rejet du recours, à ce qu'il soit enjoint au ministre de réexaminer sa demande de naturalisation dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1971 ;

elle fait valoir en outre que le motif tiré du défaut d'intégration en ce qu'elle maitrise médiocrement la langue française n'est pas fondé, que l'enquête de police précise qu'elle comprend correctement le français, que le fait qu'elle n'aurait pris des cours de français qu'à partir de 2008 n'est pas établi, que le ministre, sur qui pèse la charge de la preuve, ne précise pas comment a été évalué son niveau de français, que résidant régulièrement sur le territoire français, elle a fait sienne les valeurs de la République et qu'en conséquence, la demande de substitution de motif ne peut qu'être rejetée ;

Vu les décisions du 1er octobre 2014 par lesquelles le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a accordé à M. A... et à Mme A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2014 :

- le rapport de Mme Piltant, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que les recours nos 14NT01060 et 14NT01067 présentés respectivement par M. A... et Mme A... présentent à juger des questions identiques ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que, par deux décisions du 12 août 2011, confirmées par deux décisions du 23 novembre 2011, le ministre de l'intérieur a rejeté les demandes de naturalisation présentées par M. et Mme A..., ressortissants marocains ; que le ministre de l'intérieur relève appel des jugements du 20 février 2014 par lesquels le tribunal administratif de Nantes a annulé ces décisions ;

Sur la légalité des décisions contestées :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 49 du décret susvisé du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

4. Considérant que, pour rejeter, par les décisions du 12 août et 23 novembre 2011, les demandes d'acquisition de la nationalité française présentées par M. et Mme A..., le ministre chargé des naturalisations s'est fondé sur ce que trois de leurs enfants avaient eu des comportements délictueux, Abdellah, né le 4 juin 1979, étant connu pour fraude ou fausse déclaration en vue d'obtenir des prestations de chômage, plusieurs accidents corporels ou matériels de la circulation routière et diverses infractions au code de la route, Abdelaziz, né le 7 juin 1983, étant connu pour usage et trafic de stupéfiants et conduite de véhicule sans permis, et Ahmed, né le 6 avril 1981, étant connu pour infractions graves au code de la route, et qu'en les hébergeant à leur domicile, en subvenant à leurs besoins matériels et en tolérant leurs agissements répréhensibles, M. et Mme A... leur avaient apporté un soutien actif relevant un non-respect des lois et règlements régissant la vie en société ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, s'agissant d'Abdellah, la procédure pour fraude et fausse déclaration date de mars à août 2005 et que l'accident corporel date de 2000 ; que, s'il ne résidait pas au domicile de ses parents à la date de la demande de naturalisation déposée par M. et Mme A..., le 25 octobre 2010, le ministre soutient, sans être contredit, qu'il y résidait à la date des faits répréhensibles ; que, s'agissant d'Abdelaziz, les faits d'usage de stupéfiants et défaut de permis de conduire ont fait l'objet d'un procès-verbal en 2009, les faits de trafic et détention illicite de stupéfiants pour trafic ont été commis le 3 février 2006, les faits de cession illicite de stupéfiants pour trafic et acquisition illicite de stupéfiants pour trafic datent de septembre 2005 à mars 2006 et les faits d'usage de stupéfiants datent de novembre 2005 ; que les demandes de naturalisation mentionnent qu'Abdelaziz résidait chez ses parents et qu'en produisant un contrat de mission temporaire à Annemasse du 30 juillet au 7 août 2007 ainsi que des attestations de tiers ayant hébergé occasionnellement Adelaziz au cours des années 2004, 2005 et 2006, M. et Mme A... ne démontrent pas que leur fils ne résidait pas habituellement au domicile de ses parents ; que, s'agissant d'Ahmed, le non respect du code de la route date du 2 février 2007 et la non apposition du certificat d'assurance date du 19 janvier 2006 ; que la circonstance qu'il n'a pas fait l'objet de condamnation pénale est sans incidence dès lors que les infractions ne sont pas contestées ; qu'il ressort des demandes de naturalisation qu'Ahmed résidait au domicile de ses parents ; qu'ainsi, eu égard au caractère récent, au nombre et à la gravité des faits commis par les enfants majeurs de M. et Mme A..., dont la réalité n'est pas contestée et qui sont survenus alors que les enfants résidaient au domicile de leurs parents et bénéficiaient de l'aide de ceux-ci, le ministre n'a pas entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation en rejetant, pour le motif précité, les demandes de naturalisation de M. et Mme A..., alors même que ceux-ci n'ont pas été poursuivis pour complicité ; que, par suite, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les décisions du 12 août et 23 novembre 2011, le tribunal administratif de Nantes a estimé qu'il ne pouvait pas fonder ses décisions sur les faits commis par les enfants de M. et Mme A... ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé devant elle et devant le tribunal administratif de Nantes par M. et Mme A... ;

7. Considérant que les circonstances que M. et Mme A... résident régulièrement sur le territoire français, respectivement depuis 1972 et 1994, que deux de leurs enfants sont français et que leurs intérêts financiers et légaux sont concentrés en France sont sans incidence sur la légalité des décisions en litige eu égard au motif sur lesquels elles se fondent ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité des jugements attaqués, que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions du 12 août et 3 novembre 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui annule les jugements attaqués, fait revivre, par voie de conséquence, les décisions en litige ; que, par suite, il n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il suit de là que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. et Mme A... ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1971 :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le M. et Mme A... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Nantes du 20 février 2014 sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que leurs conclusions devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à Mme C... épouseA....

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Piltant, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 décembre 2014.

Le rapporteur,

Ch. PILTANT Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

Ch. GOY

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Nos 14NT01060, 14NT01067 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01060
Date de la décision : 29/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Christine PILTANT
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : SELARL BOUILLON POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-29;14nt01060 ?
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