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29/12/2014 | FRANCE | N°13NT03444

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 29 décembre 2014, 13NT03444


Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2013, présentée pour M. A... C..., demeurant..., par Me Cavelier, avocat ; M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301480 du 19 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mai 2013 du préfet du Calvados refusant de lui accorder un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté du 6 mai 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un

titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à in...

Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2013, présentée pour M. A... C..., demeurant..., par Me Cavelier, avocat ; M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301480 du 19 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mai 2013 du préfet du Calvados refusant de lui accorder un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté du 6 mai 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

il soutient que :

- la décision portant refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est arrivé en France en mars 2010, à l'âge de 17 ans, pour fuir les menaces de mort de son oncle ; il a été scolarisé en France puis a trouvé du travail comme préparateur de commande en avril 2013 ; il vit depuis décembre 2012 avec Mme B..., de nationalité française, et ils se sont mariés en juin 2013 ; ses parents étant décédés quand il était encore enfant, il n'a plus aucune attache familiale en Guinée ;

- pour les mêmes motifs, cette décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est, entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il n'a pas été entendu avant l'adoption de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour, il n'a pas été informé de ce qu'il pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en cas de rejet de cette demande ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;

Vu le jugement attaqué et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2014, présenté par le préfet du Calvados qui conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures et aux pièces de première instance ;

il soutient en outre que M. C... n'établit pas être personnellement et directement menacé en cas de retour dans son pays d'origine ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 10 février 2014, admettant M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au titre de cette instance et désignant Me Cavelier pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2014, le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller ;

1. Considérant que M. C..., de nationalité guinéenne, est entré en France à l'âge de 17 ans, le 15 mars 2010 ; que le 19 juillet 2012, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-14 et L. 131-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par arrêté du 6 mai 2013, le préfet de Calvados a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé la Guinée comme pays de destination ; qu'il relève appel du jugement du 19 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 6 mai 2013 ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 6 mai 2013 :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1o de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. " ;

3. Considérant que M. C... fait valoir qu'il a bénéficié d'un contrat jeune majeur à son arrivée en France, qu'il a poursuivi sa scolarité en Français-langues étrangères (FLE) puis en seconde professionnelle, qu'il a été recruté en avril 2013 par la société Hammelin pour travailler en qualité de préparateur de commande et enfin, qu'il vit depuis 2012 avec Mme B..., de nationalité française, qu'il a épousé le 22 juin 2013 ; que cependant ces éléments ne sont pas suffisants pour établir l'existence de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

5. Considérant que M. C... justifie qu'il vit depuis décembre 2012 avec Mme B..., de nationalité française, qu'ils se sont mariés en juin 2013, qu'il participe à l'éducation de la fille de Mme B..., née d'une précédente union, et qu'il est dépourvu d'attache familiale en Guinée du fait du décès de ses parents quand il était enfant ; qu'il justifie également, ainsi qu'il a été mentionné au considérant 3, avoir suivi des études en France et avoir travaillé, en intérim, puis pour la société Hammelin ; que cependant, en dépit de ces éléments, il ressort des pièces du dossier que M. C... n'est arrivé en France que le 15 mars 2010 et qu'à la date de la décision attaquée, son mariage avec Mme B... n'avait pas été célébré et ils ne vivaient ensemble que depuis quelques mois ; qu'ainsi, eu égard notamment au caractère très récent de cette relation, le refus de séjour opposé à M. C... n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ; que, pour les mêmes motifs, le préfet du Calvados n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de l'intéressé ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

6. Considérant d'une part, qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne par l' arrêt Mukarubega du 5 novembre 2014 (C-166/13), le droit d'être entendu dans toute procédure ne s'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d'une décision de retour lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision, que cette décision de retour soit consécutive ou non à un refus de titre de séjour ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le droit d'être entendu de M. C... a été satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour litigieux ; que, dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à faire valoir que l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été adressée méconnaît son droit d'être entendu, protégé par le droit de l'Union en tant que partie intégrante des droits de la défense ;

8. Considérant d'autre part, que pour les mêmes motifs que ceux évoqués au considérant 5, l'obligation de quitter le territoire ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Calvados du 6 mai 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête n'implique aucune mesure d'exécution ; que dés lors, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. C... ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la parte perdante, la somme que Me Cavalier, avocat de M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 décembre 2014.

Le rapporteur,

S. RIMEU Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

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N° 13NT03444


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT03444
Date de la décision : 29/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : CAVELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-29;13nt03444 ?
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