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29/12/2014 | FRANCE | N°13NT03362

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 29 décembre 2014, 13NT03362


Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2013, présentée pour la société Ferme Eolienne de Maisons, dont le siège est situé 20 avenue de la Paix à Strasbourg (67 000), par Me Guiheux, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201288 du 15 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 février 2012 par lequel le préfet de la région Centre a refusé de lui délivrer un permis de construire pour l'implantation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Maisons ;
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Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2013, présentée pour la société Ferme Eolienne de Maisons, dont le siège est situé 20 avenue de la Paix à Strasbourg (67 000), par Me Guiheux, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201288 du 15 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 février 2012 par lequel le préfet de la région Centre a refusé de lui délivrer un permis de construire pour l'implantation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Maisons ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la région Centre du 6 février 2012 ;

3°) d'ordonner au préfet de la région Centre de statuer à nouveau sur sa demande de permis de construire, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le jugement, qui n'énonce pas les raisons de fait et de droit qui ont conduit à considérer que l'arrêté du 9 février 2009 ne constituait pas une base légale de la décision du ministre de la défense du 3 février 2011, n'est pas suffisamment motivé ;

- l'avis du ministre de la défense du 3 février 2011 méconnait l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;

- aucune étude n'a été réalisée dans le cadre de l'instruction de la demande, contrairement aux prescriptions prévues par la circulaire du 25 juillet 1990 ;

- cet avis du 3 février 2011 méconnait les dispositions de l'arrêté du 9 février 2009 portant création d'une zone dangereuse LF-D 226 ; cet arrêté n'institue aucune interdiction de principe d'implantation d'installations de grande hauteur, de sorte qu'une demande en ce sens doit être appréciée au cas pas cas et pas rejetée par principe comme cela a été fait par le ministre de la défense ici ;

- rien ne justifie de l'inclusion du site de Maisons, principalement constitué de zones agricoles, dans la zone dangereuse, de sorte que l'arrêté du 9 février 2009 est illégal et elle est fondée à exciper de l'illégalité de cet arrêté :

- le risque que présenterait l'implantation des éoliennes n'est avéré ni au regard des caractéristiques propres des éoliennes ni au regard des contraintes de la zone d'implantation en cause ; un risque minime n'est pas de nature à porter atteinte à la sécurité publique et ne saurait donc fonder un refus de permis de construire en vertu de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le motif tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme est entaché d'erreur d'appréciation ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2014, présenté par la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, qui conclut au rejet de la requête ;

elle soutient que :

- le jugement expose clairement tous les éléments nécessaires pour comprendre les raisons pour lesquelles le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 9 février 2009 est inopérant à l'encontre du refus de permis de construire litigieux ;

- la circulaire du 15 novembre 1990 prise pour l'application de l'arrêté du 25 juillet 1990 est dépourvue de caractère réglementaire et ne peut donc pas être invoquée par la société Ferme éolienne de Maisons ;

- l'avis du ministre de la défense du 3 février 2011 n'est pas une mesure d'application de l'arrêté du 9 février 2009, qui n'en constitue pas non plus la base légale, de sorte que la méconnaissance de cet arrêté ne peut pas être invoquée pour contester l'avis du ministre de la défense ;

- au regard des besoins et des spécificités des missions du groupement interarmées d'Hélicoptères en très basse altitude dans les zones prévues à cet effet, le projet d'implantation d'éoliennes d'une hauteur totale de 146 mètres, porterait atteinte aux capacités de défense et constituerait une gêne dans l'exécution des missions anti-terroristes qui lui sont confiées ;

- en l'absence d'accord du ministre de la défense, le préfet de la région Centre était en situation de compétence liée pour rejeter la demande de la société Ferme éolienne de Maisons, de sorte que les autres moyens soulevés sont inopérants ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 novembre 2014, présenté pour la société Ferme éolienne de Maisons, par Me Guiheux, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que l'arrêté du 9 février 2009 portant création d'une zone dangereuse LF-D 226, qui fonde l'avis rendu par le ministre de la Défense, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, a été édicté aux termes d'une procédure irrégulière et est entaché d'incompétence ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu le décret n° 96-319 du 10 avril 1996 modifié relatif à la définition des espaces aériens dans lesquels sont assurés des services de la circulation aérienne ;

Vu l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;

Vu l'arrêté du 9 février 2009 portant création d'une zone dangereuse identifiée LF-D 226 dans la région d'Etampes (Essonne) ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2014 :

- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., substituant Me Guiheux, avocat de la société ferme éolienne de Maisons ;

1. Considérant que, le 22 novembre 2010, la société Ferme éolienne de Maisons a déposé une demande de permis de construire en vue d'implanter sur le territoire de la commune de Maisons une ferme éolienne comprenant neuf éoliennes et un poste de livraison ; que, saisi par le préfet de la région Centre conformément aux dispositions de l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme, le ministre de la défense a, par une décision du 3 février 2011, refusé l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, au motif que les éoliennes sont localisées dans la zone dangereuse LF-D 226 B du groupement interarmées d'hélicoptères (GIH) participant à la lutte antiterroriste, unité stationnée sur la base aérienne de Villacoublay et qu'une telle zone dangereuse ne permet pas l'implantation de nouveaux obstacles à la navigation aérienne en raison des missions qui s'y déroulent désormais à proximité du sol ; qu'en conséquence, le préfet de la région Centre a, par un arrêté du 6 février 2012, refusé de délivrer le permis de construire sollicité ; que la société Ferme éolienne de Maisons relève appel du jugement du 15 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 février 2012 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense " ; qu'aux termes de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. / Des arrêtés ministériels déterminent les installations soumises à autorisation ainsi que la liste des pièces qui doivent être annexées à la demande d'autorisation. / (...) " ; que l'article 1 de l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation, prévoit que : " Les installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé des armées comprennent : / a) En dehors des agglomérations, les installations dont la hauteur en un point quelconque est supérieure à 50 mètres au-dessus du niveau du sol ou de l'eau ; (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire doit, lorsque la construction envisagée en dehors d'une agglomération est de nature à porter atteinte à la sécurité aérienne en raison de sa hauteur excédant 50 mètres, saisir de la demande le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense ; qu'à défaut d'accord de l'un de ces ministres, cette autorité est alors tenue de refuser le permis de construire ; que par suite, eu égard au refus du ministre de la défense du 3 février 2011, le préfet de la région Centre était en situation de compétence liée pour refuser le permis de construire sollicité ;

3. Considérant que, pour contester la décision du ministre de la défense du 3 février 2011, la société Ferme éolienne de Maisons excipe de l'illégalité de l'arrêté du 9 février 2009 portant création d'une zone dangereuse identifiée LF-D 226 dans la région d'Etampes (Essonne) ; que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif d'Orléans, cet arrêté du 9 février 2009 constitue la base légale de la décision du ministre de la défense du 3 février 2011 ; que par suite, cet arrêté ayant un caractère réglementaire, la société Ferme éolienne de Maisons est recevable à exciper de son illégalité ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 10 avril 1996 alors applicable : " Après avis conforme du directoire de l'espace aérien, la création, la modification ou la suppression des espaces cités à l'article 2 ci-dessus fait l'objet d'un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre chargé de l'aviation civile, publié au Journal officiel de la République française. " ;

5. Considérant que la société Ferme éolienne de Maisons soutient que l'arrêté du 9 février 2009 n'a pas été pris après avis conforme du directoire de l'espace aérien ; que le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité n'a pas répondu sur ce point ; que l'existence d'un avis conforme du directoire de l'espace aérien ne ressort par ailleurs ni de l'arrêté du 9 février 2009, qui ne vise pas un tel avis, ni des autres pièces du dossier ; que par suite, la requérante est fondée à soutenir que cet arrêté du 9 février 2009 a été adopté en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 3 du décret du 10 avril 1996 et qu'il est par suite entaché d'illégalité ;

6. Considérant que l'illégalité de l'arrêté du 9 février 2009 entraîne l'illégalité de la décision du ministre de la défense du 3 février 2011 et, par voie de conséquence celle de l'arrêté du 6 février 2012 par lequel le préfet de la région Centre a refusé de délivrer à la société Ferme éolienne de Maisons le permis de construire qu'elle sollicitait ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la société Ferme éolienne de Maisons est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 15 octobre 2013, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la région Centre examine à nouveau la demande de permis de construire de la société Ferme éolienne de Maisons, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Ferme éolienne de Maisons et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 15 octobre 2013 et l'arrêté du préfet de la région Centre du 6 février 2012 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la région Centre de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire de la société Ferme éolienne de Maisons dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société Ferme éolienne de Maisons la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme éolienne de Maisons et au ministre du logement et de l'égalité des territoires. Copie en sera adressée au préfet de la région Centre.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 décembre 2014.

Le rapporteur,

S. RIMEU Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

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N° 13NT03362 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT03362
Date de la décision : 29/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : SELARL VOLTA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-29;13nt03362 ?
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