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23/12/2014 | FRANCE | N°14NT02009

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 23 décembre 2014, 14NT02009


Vu la décision n° 372010 du 16 juillet 2014 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'ordonnance n° 13NT00912 du 8 juillet 2013 par laquelle le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de M. B... F...tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 1212040 du 23 janvier 2013 par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 septembre 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation ;

Vu la req

uête n° 13NT00912 enregistrée le 26 mars 2013, présentée pour M. I......

Vu la décision n° 372010 du 16 juillet 2014 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'ordonnance n° 13NT00912 du 8 juillet 2013 par laquelle le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de M. B... F...tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 1212040 du 23 janvier 2013 par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 septembre 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation ;

Vu la requête n° 13NT00912 enregistrée le 26 mars 2013, présentée pour M. I... B... F..., demeurant..., par Me Tubiana, avocat ; M. B... F...demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1212040 du 23 janvier 2013 par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 septembre 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 25 septembre 2012 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire droit à sa demande de naturalisation ;

4°) d'accorder, au bénéfice de sa fille, Mlle H...B... F..., née le 27 mai 2007, l'effet collectif attaché à sa naturalisation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le timbre fiscal de 35 euros se trouvait dans le même pli que la requête ;

- en faisant peser sur le seul requérant la preuve du paiement de ce timbre fiscal, l'ordonnance attaquée méconnaît le droit à un procès équitable et à un recours effectif au sens des articles 6 §1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'ordonnance n'explique pas les raisons pour lesquelles le choix a été fait de faire application de l'article R 411-2 du code de justice administrative, ce qui constitue une discrimination au sens de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en lui refusant la nationalité française au motif qu'il est un des coordinateurs de l'association Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien, le ministre de l'intérieur a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il n'existe aucun élément justifiant d'un quelconque lien avec une organisation terroriste, de sorte que c'est uniquement en raison de ses opinions politiques, qui sont licites, partagées par beaucoup de personnes et qui ne mettent pas en péril les intérêts de la France, que la nationalité française lui a été refusée ;

- son épouse, MmeC..., a été employée par une organisation internationale et non par un pays étranger, de sorte qu'il ne peut lui être reproché son allégeance à une puissance étrangère ;

Vu l'ordonnance et la décision attaquées ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 août 2014, dans le dossier ouvert après cassation sous le n° 14NT02009, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- s'il convient que la preuve des liens de l'association campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien avec le Hamas n'est pas rapportée, il aurait pris la même décision en se fondant d'une part sur la participation de M. B... F...à l'organisation de l'envoi de bateaux à destination de Gaza pour briser le blocus maritime, et d'autre part sur sa rencontre, en 2007, avec des membres de la mouvance islamiste chiite ; il demande donc une substitution de motif ;

- les relations de M. B... F...avec la mouvance islamiste chiite ne permettent pas de s'assurer de son entier loyalisme à l'égard de la France, ce qui justifie le rejet de sa demande de nationalité ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 septembre 2004, présenté pour M. B... F..., par Me Tubiana ; M. B... F... conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; il soutient en outre que :

- il existe d'autres motifs que ceux mis en avant par le ministre de l'intérieur pour lui refuser la nationalité française, liés au fait qu'il était un opposant actif au régime de M. B... A... et que les autorités françaises auraient bien voulu, après la chute du régime de Ben A..., qu'il renseigne les services spécialisés français sur la société tunisienne ;

- le Hamas de Gaza et le Hezbollah du Liban sont deux mouvements en opposition totale ;

- lui et son épouse ont rencontré M. G... dans le cadre d'une cérémonie religieuse destinée à transcrire leur mariage civil ;

- M. D..., qu'il a effectivement rencontré à trois reprises, a été reçu au ministère des affaires étrangères et à la présidence du Sénat et est considéré comme une personnalité d'avenir par les autorités françaises ;

- l'organisation de l'envoi d'un bateau à destination de Gaza par l'association Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien a été soutenue par de très nombreuses associations, ONG, syndicats et partis politiques ;

Vu le mémoire enregistré le 24 septembre 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2014 :

- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller ;

- et les observations de MmeE..., pour le ministre de l'intérieur ;

1. Considérant que M. B... F..., ressortissant tunisien, relève appel de l'ordonnance du 23 janvier 2013 par lequel le président du tribunal administratif de Nantes a, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté comme manifestement irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 septembre 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant que s'il résulte des dispositions de l'article 1635 bis Q du code général des impôts et de l'article 326 quinquies de l'annexe II du même code, alors applicables, que l'avocat doit s'acquitter de la contribution pour l'aide juridique par voie électronique, sauf s'il en est empêché par une cause extérieure, justifiant alors que la contribution soit acquittée par l'apposition de timbres mobiles, le non-respect de ces modalités pratiques de justification du paiement de la somme de trente-cinq euros à l'occasion de l'introduction d'une instance n'est pas sanctionné par l'irrecevabilité de la requête ; que le législateur, qui a renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de définir les conséquences sur l'instance du défaut de paiement de la contribution, n'a en effet pas attaché un tel effet au défaut d'acquittement de la contribution pour l'aide juridique par voie électronique ; qu'une requête présentée par un avocat et pour laquelle la contribution pour l'aide juridique a été acquittée par voie de timbres mobiles n'est donc pas irrecevable, alors même que l'avocat ne se prévaut d'aucune cause étrangère l'ayant empêché de satisfaire à l'obligation posée par les dispositions de l'article 1635 bis Q du code général des impôts de recourir à la voie électronique ;

3. Considérant que pour déclarer la demande de M. B... F...irrecevable, le président du tribunal administratif de Nantes a retenu que l'intéressé n'avait pas produit le timbre fiscal de 35 euros représentant la contribution exigée par l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ni justifié avoir demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

4. Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que la présentation par un avocat de la demande de M. B... F...devant le tribunal administratif de Nantes a été accompagnée d'une lettre de transmission au dos de laquelle ont été agrafés trois timbres fiscaux de 5, 10 et 20 euros ; que la circonstance que la contribution a été acquittée par voie de timbres mobiles, alors que l'avocat ne se prévalait d'aucune cause justifiant l'absence de recours à la voie électronique, de même que l'incertitude, qui ne peut être levée, quant à la date et aux conditions dans lesquelles les timbres ont été en l'espèce agrafés, ne permettent pas de tenir pour irrecevable la demande présentée au tribunal administratif ; que, par suite, M. B... F...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable ; que dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... F..., cette ordonnance doit être annulée ;

5. Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Nantes pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. B... F... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. B... F...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif de Nantes du 23 janvier 2013 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Nantes.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... F...la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... B...F...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président

- Mme Rimeu, premier conseiller,

- Mme Piltant, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 décembre 2014.

Le rapporteur,

S. RIMEU Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

F. PERSEHAYE

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N° 14NT02009


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02009
Date de la décision : 23/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : TUBIANA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-23;14nt02009 ?
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