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23/12/2014 | FRANCE | N°13NT03476

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 23 décembre 2014, 13NT03476


Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2013, présentée pour Mme B...A..., demeurant au..., par Me Le Boulanger, avocat ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301447 du 28 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juin 2013 du préfet du Calvados portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados,

titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions...

Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2013, présentée pour Mme B...A..., demeurant au..., par Me Le Boulanger, avocat ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301447 du 28 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juin 2013 du préfet du Calvados portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, à titre subsidiaire, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de cet article dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

elle soutient que :

- elle contribue effectivement à l'entretien et l'éducation de son enfant ; elle a envoyé plusieurs cadeaux à son fils et ses revenus sont modestes ; les changements successifs de domicile du père de l'enfant l'ont rendu dans l'impossibilité d'exercer son droit de visite ; pour ces raisons, le préfet a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui renouveler un titre de séjour sur ce fondement ;

- l'arrêté attaqué méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle séjourne régulièrement depuis six années sur le territoire français et a tissé des liens personnels ; pour ces raisons, l'arrêté attaqué porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2014, présenté par le préfet du Calvados qui conclut au rejet de la requête et s'en rapporte aux moyens développés en première instance ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 novembre 2014, présenté, pour MmeA..., par Me Le Boulanger ; Mme A...conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu la décision du 14 janvier 2014 du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nantes accordant à Mme A...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Le Boulanger pour la représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision n° 97-389 DC du Conseil constitutionnel du 22 avril 1997 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2014 :

- le rapport de Mme Rimeu ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeA..., ressortissante marocaine, relève appel du jugement du 28 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juin 2013 du préfet du Calvados portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur " ;

3. Considérant que, pour l'application et l'interprétation d'une loi, aussi bien les autorités administratives que le juge sont liés par les réserves d'interprétation énoncées par le Conseil constitutionnel dans sa décision statuant sur la conformité de cette loi à la Constitution ; que, par sa décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, le Conseil constitutionnel a formulé une réserve d'interprétation en ce qui concerne les dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en retenant que doit être regardé comme satisfaisant à cette condition, le père ou la mère qui a pris les mesures nécessaires, compte tenu de ses ressources, pour assurer l'entretien de son enfant, afin de ne pas porter atteinte au droit de l'étranger à mener une vie familiale normale ;

4. Considérant que Mme A...s'est mariée le 12 décembre 2006 avec un ressortissant français et est entrée en France le 23 janvier 2007 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa long séjour " visiteur-familleC... " ; que l'intéressée a obtenu la délivrance d'un premier titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français valable du 23 janvier 2007 au 22 janvier 2008 et dont la validité a été renouvelée jusqu'au 22 janvier 2009 ; qu'en enfant est né de cette union le 23 mars 2007 ; qu'à la suite du dépôt d'une requête en divorce, Mme A...a obtenu la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français valable jusqu'au 22 octobre 2012 ; que par jugement en date du 17 novembre 2009, confirmé par un arrêt en date du 10 juin 2010 de la cour d'appel d'Agen, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Cahors a prononcé le divorce des époux et a fixé la résidence de l'enfant chez le père avec un droit d'hébergement un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires pour MmeA... ; que par l'arrêté contesté du 6 juin 2013, le préfet du Calvados a refusé à Mme A...de lui renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français au motif qu'elle n'établissait pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que si la requérante ne participe pas financièrement à l'entretien de son enfant en raison de son état d'impécuniosité, elle établit avoir participé à l'éducation de son fils, à hauteur de ses possibilités, en lui envoyant plusieurs cadeaux, notamment au début de l'année 2013 ; que par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que si elle a été dans l'incapacité d'exercer son droit d'hébergement, c'est en raison des déménagements successifs de son ex-époux et de sa situation extrêmement précaire, Mme A...étant sans domicile fixe jusqu'en avril 2013 ; qu'enfin MmeA..., à qui le jugement de divorce reconnaît l'autorité parentale conjointe sur son enfant, établit avoir entrepris des démarches pour exercer son droit de visite, notamment auprès d'une association de rencontre et médiation familiale à la Rochelle, là où résidait en dernier lieu son enfant ; que, dans ces conditions, Mme A...est fondée à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la requérante, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant qu'il y a lieu, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de l'intéressée, d'enjoindre au préfet du Calvados de délivrer à Mme A...une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au profit de Me Le Boulanger, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 28 novembre 2013 du tribunal administratif de Caen et l'arrêté du 6 juin 2013 du préfet du Calvados sont annulés.

Article 2 : Sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de la requérante, il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer à Mme A...une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Le Boulanger, avocat de MmeA..., la somme de 1500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve pour cet avocat de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Francfort, président,

Mme Rimeu, premier conseiller,

Mme Piltant, premier conseiller,

Lu en audience publique le 23 décembre 2014.

Le rapporteur,

S. RIMEU

Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

F. PERSEHAYE

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N°13NT03476


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT03476
Date de la décision : 23/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : LE BOULANGER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-23;13nt03476 ?
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