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28/11/2014 | FRANCE | N°14NT02077

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 28 novembre 2014, 14NT02077


Vu, I, sous le n° 14NT02077, la requête, enregistrée le 1er août 2014, présentée pour Mme A... B..., domiciliée..., par Me Le Boulanger, avocat ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400931 du 26 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2014 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le Nigéria comme pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d

'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un déla...

Vu, I, sous le n° 14NT02077, la requête, enregistrée le 1er août 2014, présentée pour Mme A... B..., domiciliée..., par Me Le Boulanger, avocat ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400931 du 26 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2014 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le Nigéria comme pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

elle soutient que :

- en retenant que le Consul général du Nigéria aurait indiqué que son passeport était un

faux, les premiers juges se sont livrés à une appréciation erronée des pièces du dossier ;

- le fait qu'elle ait été condamnée pour détention d'un document falsifié n'établit pas qu'elle n'est pas la personne désignée dans ce document ni qu'elle n'est pas de nationalité nigériane ;

- c'est à tort que le jugement a considéré que seules des copies de l'attestation de nationalité et de l'attestation de naissance auraient été produites en cours d'instance, les originaux de ces documents ayant été remis au cours de l'audience du 5 juin 2014 ;

- ces attestations établissent son identité et sa nationalité de manière incontestable ;

- dés lors que sa nationalité est établie, c'est à tort que le jugement a considéré que le préfet n'avait pas commis d'erreur de droit en refusant de lui accorder un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français sera annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour ;

- que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dés lors que son exécution aurait pour elle, en raison de son état de santé, des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 août 2014 présenté par le préfet du Calvados, qui conclut au rejet de la requête et s'en rapporte aux moyens développés en première instance ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 25 août 2014, admettant Mme A...B..., au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Boulanger pour la représenter ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 septembre 2014, présenté pour Mme B..., qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu, II, sous le n° 14NT02080, la requête enregistrée le 1er août 2014, présentée pour Mme A... B..., domiciliée..., par Me Le Boulanger, avocat ; Mme B... demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 1400931 du 26 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2014 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le Nigéria comme pays de destination ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

elle soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué, qui implique son éloignement, comporte des conséquences difficilement réparables ;

- le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation sont des moyens sérieux de nature à justifier le sursis à exécution du jugement;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 août 2014, présenté par le préfet du Calvados, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que Mme B... n'établit pas l'existence d'un moyen suffisamment sérieux pour entraîner l'annulation du jugement dont il est fait appel et de la décision litigieuse et s'en rapporte pour le surplus aux moyens développés en première instance ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 septembre 2014, présenté pour Mme B..., qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2014:

- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Le Boulanger, avocat de Mme B... ;

1. Considérant que les requêtes n° 14NT02077 et n° 14NT02080, présentées par Mme A... B... sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que Mme B..., ressortissant nigériane, est entrée en France le 9 mars 2011 et a sollicité l'asile le 31 mars 2011 ; que sa demande a été rejetée le 30 juin 2011 par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et le 14 février 2012 par la Cour nationale du droit d'asile ; que par un arrêté du 6 mars 2012, le préfet du Calvados a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a décidé qu'à l'expiration de ce délai, elle pourra être reconduite à la frontière du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays dans lequel elle établirait être légalement admissible ; que par un arrêté du 16 février 2013, le préfet du Calvados l'a une seconde fois obligée à quitter le territoire français dans le même délai ; que le 4 juin 2013, Mme B... a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par arrêté du 14 février 2014, le préfet du Calvados a rejeté sa demande aux motifs notamment, d'une part que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 4 septembre 2013 ne pouvait être pris en compte dans la mesure où la nationalité de Mme B... n'était pas établie par des documents authentiques, et d'autre part que le titre de séjour avait été sollicité par fraude ; que ce refus de titre de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ; que par la requête n° 14NT02077, Mme B... relève appel du jugement du 26 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation cet arrêté ; que par la requête n° 14NT02080, Mme B... demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ;

Sur la requête n° 14NT02077 :

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2014 du préfet du Calvados :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ; qu'aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. " ; qu'enfin, aux termes de l'article 47 du code civil " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ; que ces dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe le cas échéant à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non-conforme à la réalité des actes en question ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Caen du 19 novembre 2013, que Mme B... a transmis à l'appui de sa demande de titre de séjour un faux passeport nigérian ; que, dans ces conditions, le préfet du Calvados a estimé, d'une part que Mme B... avait transmis un document falsifié et tenté d'obtenir frauduleusement un titre de séjour en France, d'autre part que la nationalité de l'intéressée étant indéterminable en raison de cette fraude, cette dernière ne pouvait justifier de l'absence de traitement approprié dans son pays d'origine ;

5. Considérant que, s'il est suffisamment établi et non contesté, que Mme B... a présenté un faux passeport, la requérante a produit une attestation de nationalité établie le 20 mars 2014 par les autorités consulaires nigérianes et une attestation de naissance délivrée le 14 novembre 2013 par les autorités nigérianes ; qu'en l'absence de tout élément de preuve de nature à remettre en cause leur validité, ces documents, qui comportent la photo de la requérante, établissent sa nationalité nigériane ; que la production par Mme B... d'un passeport falsifié ne suffit pas par elle même à établir que les autres documents présentés pour justifier de sa nationalité seraient irréguliers ou falsifiés ; que par ailleurs, dès lors que la nationalité de Mme B... est établie, il doit être tenu compte de l'avis du médecin de l'agence régional de santé sur la disponibilité du traitement dans son pays d'origine, et ce nonobstant le caractère frauduleux du passeport produit par Mme B..., qui ne faisait pas obstacle, à lui seul, à l'obtention du titre de séjour sollicité ; que dans ces conditions, il ressort de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 4 septembre 2013, qui n'est pas contesté, que Mme B... remplit les conditions fixées par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par suite, Mme B... est fondée à soutenir que l'arrêté du préfet du Calvados du 14 février 2014 méconnait ces dispositions ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa requête ;

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :

7. Considérant qu'eu égard au motif retenu par le présent arrêt, celui-ci n'implique pas nécessairement qu'une carte de séjour temporaire soit délivrée à Mme B... mais seulement que le préfet procède au réexamen de sa demande de titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur la requête n° 14NT02080 :

8. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête en annulation présentée contre le jugement n° 1400931 du 26 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2014 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le Nigéria comme pays de destination, la requête n° 14NT02080 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement est devenue sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme de 1 500 euros au profit de Me Le Boulanger, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Caen du 26 juin 2014 et l'arrêté du préfet du Calvados du 14 février 2014 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, le versement à Me Le Boulanger, avocat de Mme B..., la somme de 1 500 euros sous réserve, pour cet avocat, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 14NT02077 est rejeté.

Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 14NT02080 de Mme B....

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 novembre 2014.

Le rapporteur,

S. RIMEU

Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 14NT02077, 14NT02080


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02077
Date de la décision : 28/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : LE BOULANGER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-11-28;14nt02077 ?
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