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28/11/2014 | FRANCE | N°14NT00213

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 28 novembre 2014, 14NT00213


Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2014, présentée pour M. A... B..., domicilié..., par Me Renard, avocat au barreau de Nantes ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-5547 du 15 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 13 juin 2013 rejetant sa demande de certificat de résidence, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

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) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une carte de résident ...

Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2014, présentée pour M. A... B..., domicilié..., par Me Renard, avocat au barreau de Nantes ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-5547 du 15 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 13 juin 2013 rejetant sa demande de certificat de résidence, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une carte de résident ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;

il soutient que :

- la décision lui refusant un titre de séjour est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- sa situation personnelle n'a pas été examinée ;

- le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien a été méconnu, dès lors qu'il n'a plus de véritables attaches familiales en Algérie et que la plupart de ses proches sont installés en France ;

- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des droits de la défense consacrés par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne puisqu'il n'a pas été mis en mesure de faire préalablement valoir ses observations ;

- l'obligation de quitter le territoire est fondée sur un refus de séjour illégal ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- son éloignement aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle, compte tenu en particulier de l'état de santé de sa mère ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- cette décision devra être annulée en conséquence de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 août 2014, présenté par le préfet de la Loire-Atlantique, qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- sa décision est suffisamment motivée en fait et en droit ;

- la situation personnelle de M. B... a été examinée ;

- le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien n'a pas été méconnu puisque l'un des frères du requérant réside en Algérie, où il a lui-même vécu jusqu'à une date très récente ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

- l'article 41 de la charte des droits de l'Union européenne n'a pas été méconnu ;

- la mesure d'éloignement ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette mesure ne peut porter préjudice à la mère du requérant puisque le mari de cette dernière et cinq de ses enfants résident avec elle en France ;

- la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée ;

- les exceptions d'illégalités soulevées par le requérant ne sont pas fondées ;

Vu la décision du 30 décembre 2013 par laquelle la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2014 :

- le rapport de M. Pouget, premier conseiller ;

1. Considérant que M. B..., ressortissant algérien, relève appel du jugement du 15 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2013 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de certificat de résidence, obligation de quitter le territoire français, et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il convient, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés d'une part de l'insuffisante motivation des décisions de refus de titre de séjour, d'obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi et, d'autre part, du défaut d'examen particulier par le préfet de la situation personnelle de M. B..., que le requérant reprend en appel sans les assortir de précisions supplémentaires ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ;

4. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

5. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en ne l'ayant pas expressément informé, avant de prendre à son encontre une décision d'éloignement, qu'en cas de rejet de sa demande de certificat de résidence, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français et en ne l'ayant pas invité à formuler ses observations sur cette éventualité, le préfet l'aurait privé de son droit à être entendu énoncé notamment au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'écarter le moyen ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;

8. Considérant que si M. B... fait valoir qu'il a rejoint en France ses parents, installés sur le territoire national depuis 2001, et cinq de ses frères et soeurs, qui y résident régulièrement, il ressort des pièces du dossier que le requérant, qui est célibataire et sans charges de famille, n'est entré irrégulièrement en France que neuf mois avant l'arrêté contesté du préfet de la Loire-Atlantique et n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie, où réside l'un de ses frères, et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans ; que la présence de M. B... auprès de sa mère malade ne saurait être regardée comme indispensable à cette dernière, dès lors qu'elle vit avec son mari et à proximité de ses autres enfants ; que, dans ces conditions, alors même que M. B... ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse aurait porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a donc méconnu ni les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que les moyens tirés, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peuvent qu'être écartés ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Buffet, premier conseiller,

- M. Pouget, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 novembre 2014.

Le rapporteur,

L. POUGET Le président,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00213


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00213
Date de la décision : 28/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : RENARD OLIVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-11-28;14nt00213 ?
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