Vu la requête, enregistrée le 30 octobre 2013, présentée pour Mme B... A..., demeurant..., par Me Garnier-Durand, avocat ; Mme A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1301176 en date du 1er octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mars 2013 du préfet du Calvados refusant de lui accorder un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour dans les 48 heures suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour, qui ne mentionne que l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé 18 mois auparavant sans faire état des éléments précis relatifs à son état de santé portés postérieurement à la connaissance de l'autorité préfectorale est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen individuel de sa situation ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'enceinte, et atteinte d'une hépatite B, l'interruption de la surveillance dont elle bénéficie en France aurait de graves conséquences ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché sa décision de refus de refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, dans la mesure où ses parents lui ont fait subir une excision forcée et des violences en raison de son rejet d'un mariage forcé ;
- la décision portant refus de titre de séjour étant illégale, celle portant obligation de quitter le territoire doit être annulée par voie de conséquence ;
- pour les mêmes raisons que celles évoquées en ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour, le préfet a commis une erreur d'appréciation et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour et de la décision l'obligeant à quitter le territoire français prive de base légale la décision fixant le pays de destination ;
- la décision fixant le pays de destination, qui ne mentionne aucune information relative à sa situation personnelle, est insuffisamment motivée ;
- le préfet, qui s'est estimé lié par les décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la cour nationale du droit d'asile, a commis une erreur d'appréciation et a méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle a subi une excision forcée et des violences au Nigéria, où, recherchée, elle encourt des risques pour sa sécurité et sa vie ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2013, présenté par le préfet du Calvados, qui conclut au rejet de la requête ; il s'en rapporte aux moyens développés en première instance, faisant valoir au surplus que Mme A..., qui s'est soustraite à l'exécution des différentes mesures d'éloignement dont elle a fait l'objet et multiplie les recours, se maintient abusivement sur le territoire français ;
Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 10 décembre 2013, admettant Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Garnier-Durand pour la représenter ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2014 le rapport de M. Francfort, président-assesseur ;
1. Considérant que Mme A..., ressortissante nigériane, relève appel du jugement du 1er octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mars 2013 du préfet du Calvados portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté du 11 mars 2013 comporte la mention des considérations de fait et de droit qui le fondent ; que la circonstance qu'il ne mentionne pas les éléments relatifs à son état de santé que Mme A... aurait portés à la connaissance de l'autorité préfectorale au cours de précédentes instances contentieuses ne suffit pas à établir que cet arrêté serait insuffisamment motivé ou que le préfet du Calvados n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de l'intéressée ; que Mme A... n'est pas davantage fondée à soutenir que le préfet était tenu de saisir à nouveau le médecin de l'agence régionale de la santé dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante n'a fait part à l'administration d'aucune évolution de son état de santé ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit: (...) - 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police" peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'État." ;
4. Considérant que pour refuser à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet s'est fondé sur l'avis émis par le médecin de l'Agence régionale de santé le 27 septembre 2011, selon lequel si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'il ressort des différents courriers émanant d'un médecin spécialiste du centre hospitalier universitaire de Caen que Mme A... est atteinte d'une hépatite B au stade de porteur inactif, sans complications pathologiques, et que son état implique seulement une surveillance régulière sans nécessiter de traitement spécifique ; que le certificat médical établi le 13 juin 2013, postérieurement à la décision contestée, par un médecin généraliste qui atteste de la nécessité d'une vaccination et d'une surveillance de l'enfant à naître de la requérante n'est pas non plus de nature à remettre en cause l'avis du médecin inspecteur de la santé publique ; que, dans ces conditions, en prenant l'arrêté contesté, le préfet du Calvados n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) " ; que Mme A..., entrée récemment en France le 13 mars 2010, n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident son compagnon et leur enfant et où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de 23 ans ; que si elle soutient qu'elle a subi une excision et des agressions à l'initiative de ses parents en raison d'un mariage auquel elle ne consentait pas, un tel élément n'est pas de nature à établir que la décision contestée porterait une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ou qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision obligeant à quitter le territoire français :
6. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté ;
7. Considérant, d'autre part, que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, qui reprennent les éléments précédemment exposés à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire, doivent être écartés ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que la décision par laquelle le préfet du Calvados a fixé le pays de destination duquel Mme A... pourrait être reconduite vise les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et indique que l'intéressée ne justifie pas faire l'objet de menaces pour sa sécurité ou sa vie en cas de retour au Nigéria, est suffisamment motivée ;
10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
11. Considérant que si Mme A..., dont la demande d'asile a été rejetée par une décision du 13 octobre 2010 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée, le 13 avril 2011, par la Cour nationale du droit d'asile, et dont la demande de réexamen a été rejetée par une décision de l'Office en date du 21 mars 2012, puis par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 28 janvier 2013, soutient qu'elle a été victime, au Nigéria, d'une excision forcée et de violences, en raison de son refus d'un mariage forcé, qui pourraient se reproduire en cas de retour dans son pays d'origine, les documents produits au soutien de ces allégations ne présentent pas les garanties d'authenticité suffisantes pour établir la réalité des risques auxquelles Mme A... serait personnellement exposée en cas de retour au Nigéria ; que, par suite, le préfet du Calvados, dont il n'est pas établi qu'il se serait estimé lié par les décisions précitées prises sur la demande d'asile de l'intéressée, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme A... ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen, a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Calvados, sous astreinte, de lui délivrer un titre de séjour, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme A..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Durup de Baleine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 novembre 2014.
Le rapporteur,
J. FRANCFORT Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT03041 2
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