Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2014, présentée pour Mme A... B... épouseC..., demeurant..., par Me Koudou Dogo, avocat au barreau de Nice ; Mme C... D...ssdemande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 11012745 du 13 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 octobre 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant, sur recours hiérarchique, sa demande de réintégration dans la nationalité française ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire droit à sa demande de réintégration dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- c'est en raison de son handicap physique qu'elle perçoit des prestations sociales ; son taux d'incapacité est compris entre 50 et 79 % ; en dépit de ses nombreuses démarches elle n'est pas parvenue à trouver un emploi ; son âge est un facteur dirimant ; la décision litigieuse est discriminatoire ;
- sa situation financière est stable ; elle est propriétaire d'un logement depuis le 25 juin 2008 ; elle bénéficie de l'aide de son époux qui exerce une activité artisanale ; si celui-ci exerce son métier en Italie, leur résidence principale est située en France où ils acquittent leur impôts ; les parents de son conjoint étaient français ;
- la circonstance tirée de l'extranéité des revenus de son époux ne devrait pas être prise en compte dès lors qu'elle a fait une demande de réintégration dans la nationalité française à titre personnel ;
- elle réside en France depuis trente-cinq ans ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 27 mai 2014, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;
il fait valoir que :
- l'intéressée ne justifie d'aucune activité rémunérée stable au cours des dix années précédant la décision d'octroi de l'allocation adulte handicapé ; les allégations relatives aux difficultés rencontrées par la requérante dans ses recherches d'emplois sont insuffisamment étayées ;
- Mme B... ne conteste pas la circonstance selon laquelle son époux travaille en Italie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié, relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2014 :
- le rapport de M. Millet, président-rapporteur ;
1. Considérant que Mme C..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 13 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 octobre 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant, sur recours hiérarchique, sa demande de réintégration dans la nationalité française ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 24-1 du code civil : " (...) La réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise, pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation. " ; qu'aux termes de l'article 21-15 de ce code : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en considération le niveau et l'origine des ressources de l'intéressée en tant qu'élément d'insertion dans la société française ;
3. Considérant que pour rejeter la demande de réintégration dans la nationalité française présentée par Mme C..., le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a retenu, d'une part, que l'intéressée n'avait pas de revenus personnels et ne subvenait, pour l'essentiel, à ses besoins, qu'à l'aide de prestations sociales et, d'autre part, que son époux résidait à l'étranger où il exerce son activité professionnelle ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C..., née le 10 mai 1954, s'est vue attribuer un taux d'incapacité compris entre 50 et 79 % par décision du 13 mai 2009 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées pour la période du 13 mai 2009 au 13 mai 2012 et percevait à ce titre une allocation adulte handicapé dont le montant s'élevait, à la date de la décision contestée, à 711 euros ; que, toutefois, si cette somme correspondait à une prestation sociale, il devait être tenu compte, le cas échéant, des revenus professionnels perçus par son mari ; qu'il est constant que l'époux de Mme C... a perçu au cours des années 2009 et 2010 des bénéfices commerciaux qui se sont élevés respectivement à 18 796 euros et 12 450 euros, procurant ainsi en moyenne au couple des revenus mensuels de plus de 1000 euros ; que ces revenus professionnels sont supérieurs aux revenus de transfert versés à la requérante et permettaient de subvenir à ses besoins, ainsi qu'à ceux de son mari ; que si l'époux de Mme C... tirait ces mêmes revenus de l'activité artisanale d'électricien qu'il exerçait en Italie, ceux-ci étaient imposés en France ; que, dans ces conditions, en rejetant la demande de réintégration dans la nationalité française de Mme C..., au motif qu'elle n'avait pas de revenus personnels lui assurant une autonomie matérielle pérenne et ne subvenait pour l'essentiel à ses besoins qu'à l'aide de prestations sociales, le ministre chargé des naturalisations a commis une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation ;
5. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les époux C...ont, en outre, fait l'acquisition commune en juin 2008 d'un bien immobilier situé dans la commune du Cannet et que M. C..., alors même qu'il aurait exercé son activité artisanale en Italie devait être regardé, ainsi que le ministre le reconnaît lui-même, comme résidant en France à titre principal ; que, par suite, le second motif de la décision contestée ne pouvait également être tenu pour exact ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que le présent arrêt implique seulement que le ministre de l'intérieur statue de nouveau sur la demande de réintégration dans la nationalité française présentée par Mme C... ; que, par suite, les conclusions de cette dernière tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros que Mme C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 13 février 2014 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 13 octobre 2011 du ministre chargé des naturalisations sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Millet, président,
- Mme Buffet, premier conseiller,
- M. Pouget, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 novembre 2014.
L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
C. BUFFET Le président-rapporteur,
J-F. MILLET
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT009462
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