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14/11/2014 | FRANCE | N°12NT00944

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 14 novembre 2014, 12NT00944


Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2012, présentée par Mme C... B... et M. D... B..., agissant en qualité d'administrateurs légaux de leur fille, A..., et agissant en leurs noms propres, demeurant..., par Me Baron, avocat au barreau de Saint-Brieuc ; M. et Mme B... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°06-4802 du 9 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saint-Brieuc à leur verser la somme globale de 23 175 euros en réparation des préjudices subis par leur filleA...

, qui présente de graves séquelles neuromotrices du fait des fautes ...

Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2012, présentée par Mme C... B... et M. D... B..., agissant en qualité d'administrateurs légaux de leur fille, A..., et agissant en leurs noms propres, demeurant..., par Me Baron, avocat au barreau de Saint-Brieuc ; M. et Mme B... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°06-4802 du 9 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saint-Brieuc à leur verser la somme globale de 23 175 euros en réparation des préjudices subis par leur filleA..., qui présente de graves séquelles neuromotrices du fait des fautes commises lors sa naissance dans cet établissement ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Brieuc à leur verser cette somme ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Brieuc à leur verser une indemnité provisionnelle de 100 000 euros à valoir sur la réparation des préjudices subis par leur enfant A...en raison des conditions dans lesquelles est intervenue sa naissance dans cet hôpital le 4 mars 2005, et de réserver l'indemnisation de ces préjudices dans l'attente de la consolidation de l'état de santé de l'enfantA... ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Brieuc la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que le handicap neurologique de leur enfant, qui présente un taux d'invalidité supérieur à 50 %, résulte directement des fautes commises lors de sa naissance ; que le jour de cette naissance, le docteur Calvez a procédé au retournement de l'enfant, qui se présentait par le siège, et que cette manoeuvre est à l'origine de la bradycardie et des séquelles neurologiques résultant de l'hypoxie ; qu'avant cette manoeuvre fautive, le foetus ne présentait aucune anomalie ;

- qu'aux termes du rapport d'expertise du professeur Boog produit devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Bretagne, l'expert à conclu à la contre-indication de la manoeuvre et à la faute dans le retard à replacer l'enfant en position de siège ; que cette version par manoeuvre externe (VME) de l'enfant aurait due être pratiquée au bloc opératoire pour permettre de pratiquer une césarienne en urgence en cas de complication, ce qui n'a pas été le cas ;

- que le lien de causalité entre la version par manoeuvre externe pratiquée sur l'enfant et la bradycardie est établie par le rapport d'expertise ; qu'aucune autre cause que l'asphyxie foetale à la naissance n'est à l'origine de l'infirmité motrice cérébrale de l'enfant ; que le centre hospitalier ne peut soutenir qu'en l'absence de mesure de l'acidose métabolique grave révélant l'asphyxie, le lien de causalité entre la manoeuvre et le retard neurologique n'est pas démontré alors que l'absence de prélèvement de sang du cordon constitue une omission fautive du praticien au regard des données acquises par la science ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 juin 2012, présenté pour la MSA des Côtes d'Armor, par Me Lahalle, avocat au barreau de Rennes, qui conclut :

1°) à l'annulation du jugement attaqué ;

2°) à la condamnation du centre hospitalier de Saint-Brieuc à lui verser la somme globale de 179 532,98 euros au titre de ses débours provisoires et futurs engagés pour son assurée, la jeuneA..., et la somme de 980 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Saint-Brieuc la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que le handicap de la jeune A...est en rapport direct avec les fautes commises par le médecin du centre hospitalier de Saint-Brieuc ; qu'elle fait sienne l'argumentation développée par les consorts B...en ce qui concerne la responsabilité de cet établissement public de santé ;

- qu'elle est en droit d'obtenir le remboursement des débours exposés pour le compte de la jeuneA..., ayant droit de son père, son assuré ; que le montant de ses débours n'est que provisoire tant que l'état de santé de l'enfant n'est pas consolidé ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 septembre 2012, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, par Me de la Grange, avocat au barreau de Paris, qui conclut ;

1°) à l'annulation du jugement attaqué ;

2°) à la condamnation du centre hospitalier de Saint-Brieuc à lui rembourser la somme de 20 000 euros versées aux époux B...au titre de leur préjudice d'affection, la somme de 3 000 euros correspondant à la pénalité supplémentaire de 15 % des sommes versées par lui et la somme de 1 050 euros correspondant aux frais d'expertise, sommes devant être assorties des intérêts au taux légal à compter du 19 février 2010 ;

3°) à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Saint-Brieuc la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir :

- qu'il ressort du rapport d'expertise du Pr Boog que Mme B... présentait des contre-indications à la version par manoeuvre externe (VME) et que des alternatives thérapeutiques moins risquées, dont la césarienne, étaient envisageables ; que la bradycardie foetale trouve son origine dans la traction exagérée sur le cordon ombilical à la suite de la version ; que le premier juge n'a pu, sans erreur manifeste d'appréciation des conclusions du rapport d'expertise, considérer que cette traction n'était pas la cause de la bradycardie foetale ; qu'après avoir constaté que le rythme cardiaque foetal ne remontait pas à sa fréquence initiale, le praticien aurait dû replacer le foetus immédiatement dans sa position initiale ; que la réalisation de la manoeuvre hors du bloc opératoire à fait perdre un temps précieux pour pratiquer la césarienne à l'origine de l'aggravation de l'état de santé de l'enfant ; que si l'absence de mesure de l'acidose s'oppose a établir de manière irréfutable le lien de causalité entre la bradycardie et l'infirmité cérébrale, cette absence de preuve résulte de la négligence même du praticien qui ne peut ainsi s'en prévaloir pour exonérer le centre hospitalier de sa responsabilité ;

- qu'ayant indemnisé les époux B...au titre de leur préjudice d'affection à hauteur de 20 000 euros en raison du refus de l'assureur du centre hospitalier de leur faire une offre à la suite de l'avis de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation du 16 juillet 2009, il est subrogé dans leurs droits pour ce montant versé après l'acceptation par les intéressés des protocoles transactionnels du 19 février 2010 ; qu'il a fait une offre d'indemnisation provisionnelle pour les préjudices de l'enfant A...qui a été refusée par ses parents ; qu'il est fondé, au titre de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, à solliciter le remboursement des frais d'expertise engagés devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, ainsi qu'à demander le paiement d'une pénalité de 15 % en raison du refus injustifié de l'assureur du centre hospitalier de faire une offre aux consortsB... ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2012, présenté pour le centre hospitalier de Saint-Brieuc représenté par son directeur général en exercice, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui conclut au rejet de la requête et au rejet des conclusions présentées par la MSA des Côtes d'Armor ;

Il fait valoir :

- que les soins prodigués ont été conformes aux règles de l'art et que rien ne permettait de décider que la césarienne aurait dû être pratiquée plus tôt ; que le diagnostic d'utérus bicorne n'étant pas clairement documenté au moment de l'accouchement, il n'y avait pas de contre-indication scientifique formelle, en 2005, à la version par manoeuvre externe réalisée sur Mme B... ; qu'en l'espèce, le fait d'avoir pratiqué cette manoeuvre du foetus à un autre étage que celui où est situé le bloc chirurgical n'est à l'origine d'aucune perte de temps fautive dès lors que la césarienne a été effectuée dans les délais prévus par la littérature médicale en cas d'urgence ; que la traction excessive du cordon, à supposer qu'elle soit établie ce qui n'est pas le cas en l'espèce, est une origine vraisemblable de la bradycardie ; que toutefois, ce lien de causalité n'est qu'une hypothèse et non une certitude ; que le Pr Racinet qui a remis une note d'analyse que lui avait demandée la SHAM, assureur du centre hospitalier, conclut à une atteinte cérébrale anténatale et exclut qu'une asphyxie aigue per partum ait pu se produire ; que le Pr Boog, quant à lui, ne retient qu'une probabilité et non une certitude de lien de causalité entre la version et l'atteinte neurologique de l'enfant ;

- que si la cour estimait ne pas disposer d'éléments suffisamment probant, il y aurait lieu de nommer un collège d'expert pour identifier les causes anténatales potentiellement responsables de l'atteinte neurologique de l'enfant ;

- qu'il y a lieu de réduire les sommes sollicitées à de plus justes proportions ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 mai 2013, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales qui conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Il fait valoir en outre :

- que la note rédigée par le docteur Racinet à la demande de la SHAM, le 18 septembre 2007 est antérieure au rapport d'expertise du 20 janvier 2009 ; que le Pr Boog, expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation a pu prendre parfaitement connaissance du contenu de cette note lors de l'expertise et qu'elle a donc été soumise au contradictoire avant d'être écartée par l'expert comme ne présentant aucune pertinence ;

- que compte tenu du tableau clinique présenté par Mme B..., et notamment les contre- indications relatives à la manoeuvre externe, c'est à tort que le juge de première instance a considéré que le centre hospitalier avait pu, sans commettre de faute, procéder à une version par manoeuvre externe ; que la traction exagérée sur le cordon ombilical constitue une absence de maîtrise du geste constitutif d'une faute ; que de même, constitue une faute, le défaut d'information de Mme B... des risques inhérents à la VME ;

- que le tribunal administratif ne pouvait, sans erreur manifeste d'appréciation du rapport d'expertise, considérer que la traction exagérée du cordon n'était pas à l'origine de la bradycardie ou que la preuve de cette traction n'était pas rapportée ou encore que le lien de causalité entre cette traction et le dommage n'était pas établi ; que l'absence de replacement du foetus dans sa position initiale est également fautive ; que le choix de réaliser la version par manoeuvre externe en dehors d'un bloc opératoire, a fait perdre un temps précieux à l'extraction du foetus ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2013 :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller,

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., substituant Me Lahalle, avocat de la MSA des Côtes d'Armor ;

1. Considérant que Mme B... a été admise au centre hospitalier de Saint-Brieuc le 4 mars 2005 pour donner naissance à une petite fille ; que l'enfant se présentant par le siège, le docteur Calvez, obstétricien du centre hospitalier en charge de la parturiente, a procédé à 11h20 à une version par manoeuvre externe (VME) sous contrôle échographique afin de replacer l'enfant en position céphalique ; que cinq minutes après cette version, le foetus présentant une bradycardie avec un rythme cardiaque de 100 battements par minutes (BPM), Mme B... a été transférée en salle de travail à 11h35 où la décision de procéder à la césarienne a été prise, puis au bloc opératoire situé à l'étage supérieur à 11h50 ; que l'enfant née à 12h12 présentait des signes d'hypotonie et d'une mauvaise adaptation à la vie extra-utérine ; que deux IRM pratiquées en avril et mai 2005 ont détecté une encéphalopathie post-anoxique ; que l'enfant A...présentant de graves séquelles neuromotrices, les consorts B...ont saisi le centre hospitalier d'une demande tendant à obtenir la réparation du handicap de leur fille ; qu'à la suite du refus opposé à cette demande par le centre hospitalier de Saint-Brieuc le 28 septembre 2006, ils ont, d'une part, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de ce refus d'indemnisation et, d'autre part, saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Bretagne qui a désigné le professeur Boog et le docteur Gautier en tant qu'experts ; que sur la base des conclusions de leur rapport déposé le 26 janvier 2009, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Bretagne a, dans un avis du 16 juillet 2009, retenu la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Saint-Brieuc ; que, l'assureur de cet établissement ayant contesté ces conclusions et refusé de prendre en charge l'indemnisation des consortsB..., l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a, en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et en vertu de deux protocoles transactionnels du 19 février 2010, versé aux intéressés une indemnité globale de 20 000 euros en réparation du seul préjudice moral des parents résultant pour eux des conséquences des fautes en cause ; que, les époux B...ont cependant refusé l'offre d'indemnisation proposée par l'office pour les préjudices de leur fille ; qu'il relèvent appel du jugement du 9 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saint-Brieuc à leur verser la somme provisoire de 23 175 euros et une indemnité provisionnelle de 100 000 euros dans l'attente de la consolidation de l'état de santé de l'enfantA... ; que, la MSA des Côtes d'Armor demande la condamnation du centre hospitalier de Saint-Brieuc à lui verser la somme de 179 532,98 euros au titre de ses débours provisoires et futurs engagés pour son assurée, la jeuneA..., et le versement de la somme de 980 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ; que, l'ONIAM demande la condamnation du centre hospitalier de Saint-Brieuc à lui rembourser la somme de 20 000 euros qu'il a versée aux parents de la jeune A...en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique au titre de leur préjudice moral ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise des professeur Boog et du docteur Gautier déposé devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, que si Mme B... remplissait la plupart des facteurs de réussite d'une version par manoeuvre externe (VME) de son enfant à naître, à savoir deux accouchements précédents par voie naturelle et un bassin large, et que la VME est possible chez une personne ayant subi une précédente césarienne, le Pr Boog conclut en indiquant que l'existence d'une cicatrice de césarienne est une contre-indication relative classique de cette manoeuvre ; que cet expert précise également que Mme B... présentait une malformation de l'utérus qui constitue une contre-indication absolue à ce geste ; que si cette malformation utérine n'avait, ainsi qu'il est également indiqué, pas été détectée à l'issue de la première césarienne en 2002 réalisée par le même docteur Calvez, et qu'en l'absence d'un tel diagnostic, il ne paraissait pas y avoir de contre-indication formelle à la VME chez Mme B... en 2005, il résulte toutefois de ce même rapport que cette cloison utérine pouvait être suspectée du fait d'une récidive de siège en 2005 et que cette malformation a d'ailleurs été aisément détectée par le docteur Gravier lors de la révision utérine réalisée à la suite de la césarienne pratiquée en urgence au cours de l'accouchement en cause le 4 mars 2005 ; qu'il résulte également de l'instruction, que la bradycardie foetale est intervenue brutalement à 11h25 à la fin de la VME et qu'en l'absence de toute autre cause, " l'origine de la bradycardie foetale la plus vraisemblable " était, selon le rapport d'expertise, " une traction exagérée sur le cordon ombilical lors de cette manoeuvre " ; que le professeur Boog a ainsi relevé, que dans une telle circonstance, la meilleure solution aurait été de libérer cette traction excessive en replaçant le foetus immédiatement dans sa position initiale de siège alors que le rythme cardiaque foetal ne remontait pas à sa fréquence initiale ; qu'il est constant toutefois, que le praticien a décidé de maintenir l'enfant en position céphalique, de transférer la parturiente en salle de travail, puis, lors de la récidive de bradycardie, de prendre la décision à 11h35 de pratiquer une césarienne en urgence ; que, par ailleurs, la réalisation de la manoeuvre hors du bloc opératoire a causé un retard dans le transfert de Mme B... dans ce bloc situé à un autre étage ; qu'il résulte de l'instruction que le transfert de Mme B... à un étage différent est à l'origine d'une perte de temps avant l'extraction de l'enfant, et que ce délai excède le délai de 30 minutes recommandé dans ces situations d'urgence ; qu'il résulte ainsi de l'enchaînement des choix successifs effectués par le praticien que la prise en charge et le suivi de Mme B... et de son enfant à naître n'ont pas été appropriés à leur état et révèlent ainsi, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ;

3. Considérant, en second lieu, d'une part, que l'expert a affirmé sans équivoque, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'il existait une évidente relation de causalité entre la bradycardie foetale et la VME indiquant, que lors de la VME, " l'origine de la bradycardie foetale la plus vraisemblable était une traction exagérée portée sur le cordon ombilical " ; que le centre hospitalier, ne saurait ainsi faire valoir que l'asphyxie périnatale ne résulterait pas directement des soins prodigués ; que, d'autre part, il résulte du rapport d'expertise que la jeune A...présente une quadriparésie consécutive à une encéphalopathie anoxo-ischémique survenue à la suite d'une bradycardie foetale sévère ; que si le centre hospitalier conteste l'existence d'un lien de causalité entre les fautes qu'il aurait commises et l'état de l'enfant qui ne serait pas la conséquence d'une souffrance foetale mais de lésions cérébrales anténatales, il ressort cependant des écritures du sapiteur, le docteur Gautier, spécialiste en neuropédiatrie auquel l'expert a recouru, que les troubles de l'enfant correspondent à des lésions typiques de l'asphyxie périnatale à terme ; qu'il est scientifiquement établi que les lésions des noyaux gris centraux dont souffre la jeune A...sont des lésions cérébrales d'origine anoxique qui trouvent leur origine dans l'asphyxie périnatale intervenue lors de l'accouchement ; qu'en l'absence de tout élément autre que conjectural et général sur l'existence d'anomalies neurologiques anténatales, alors qu'aucun élément médical avéré n'a été diagnostiqué ou suspecté au cours du suivi de la grossesse et qu'aucun antécédent familial n'a été relevé, l'hypothèse de la préexistence d'une autre cause métabolique ou dégénérative du handicap n'est en rien établie ; qu'il résulte également de l'instruction que parmi les quatre critères majeurs devant tous être présents, et sur lesquels les experts s'accordent pour évaluer le lien de causalité entre l'infirmité motrice cérébrale (IMOC) de l'enfant et l'asphyxie foetale per partum, le cas de la jeune A...correspondait à trois de ceux-ci, à savoir la présence d'une encéphalopathie précoce modérée, la paralysie cérébrale de type quadriplégie spastique ou de type dyskinétique, l'absence d'autre cause possible de handicap neurologique attestée par la normalité de l'analyse histologique du placenta et l'absence de malformation cérébrale à l'IRM, de signes d'anomalie génétique et de maladie métabolique ; qu' à cet égard, si le centre hospitalier fait valoir que le quatrième critère lié à l'acidose métabolique mesurée par prélèvement sanguin au cordon ombilical au moment de la naissance fait défaut et que la mesure effectuée deux heures après cette naissance montrait un pH conforme de 7,37, l'établissement ne saurait pour autant se prévaloir de l'absence de ce contrôle de l'acidose qu'il lui appartenait de contrôler à la naissance ; qu'en tout état de cause, il résulte du rapport d'expertise étayée scientifiquement, qu'il est parfaitement possible que l'équilibre acido-basique se soit normalisé après deux heures, alors qu'il était anormal à la naissance, et qu'une relative normalisation des gaz du sang à la 2ème heure de vie n'exclut pas formellement une acidose significative à la naissance ; que le centre hospitalier ne peut, dans ces conditions, faire valoir que le taux du pH de l'enfantA..., qui se situait à 7,37 deux heures après sa naissance exclurait toute relation causale entre une infirmité motrice cérébrale et une asphyxie per partum ; que, par ailleurs, parmi les cinq critères mineurs retenus par la communauté scientifique pour établir la survenue des facteurs de l'infirmité motrice cérébrale pendant le travail, la jeune A...présentait quatre de ceux-ci à savoir, la survenance d'un événement hypoxique au cours du travail, l'altération brutale et prolongée du rythme cardiaque foetal, l'imagerie néonatale précoce montrant des atteintes des noyaux gris centraux et des altérations multi-organiques précoces intervenues avant 72 heures de vie ; que si le score d'Apgar à la 5ème minute de 4/10 ne corrobore pas l'origine per partum des atteintes neurologiques, ce score s'explique cependant, selon l'expert, par le fait que l'enfant n'a pas été réanimée puisqu'elle a seulement été aspirée et ventilée au masque lors de sa naissance ; que, par suite, M. et Mme E... sont également fondés à soutenir, contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier de Saint-Brieuc, que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a considéré que le taux précité de pH de 7,37 suffisait pour exclure tout lien de causalité entre les conditions dans lesquelles s'est déroulé l'accouchement et le handicap dont souffre la jeuneA... ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Brieuc doit ainsi être retenue à... ;

5. Considérant, toutefois, que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; qu'il résulte de l'instruction, et ainsi qu'il a été dit plus haut, que la version par manoeuvre externe réalisée hors du bloc opératoire à l'origine de la bradycardie foetale susévoquée a causé un retard dans le transfert de Mme B... dans ce bloc situé à un autre étage afin qu'y soit pratiquée une césarienne ; que le transfert de Mme B... à un étage différent est, en effet, à l'origine d'une perte de temps avant l'extraction de l'enfant, le délai de 37 minutes mentionné dans le rapport d'expertise excédant le délai de 30 minutes recommandé dans de telles situations d'urgence ; que ce retard a ainsi fait perdre des chances à l'enfant A...d'échapper à son handicap ; que la cour ne dispose toutefois pas des éléments lui permettant de déterminer dans quelle proportion la prise en charge fautive de la parturiente a contribué à l'importance des séquelles neuromotrices que conserve l'enfantA... ; qu'il y a lieu, par suite, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires des consortsB..., de la MSA des Côtes d'Armor et de l'ONIAM, d'ordonner une expertise complémentaire à cette fin, qui sera réalisée par un collège de deux experts ;

6. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que les consorts B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui doit être annulé, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande, et qu'il y a lieu d'ordonner une expertise complémentaire aux fins précisées ci-après ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 06-4802 du tribunal administratif de Rennes du 9 février 2012 est annulé.

Article 2 : Avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de la requête de M. et Mme B..., il sera procédé à une expertise médicale contradictoire entre les parties qui sera réalisée par un collège de deux experts composé d'un médecin spécialiste en gynécologie-obstétrique et d'un médecin neuropédiatre spécialisé dans les infirmités motrices cérébrales.

Article 3 : Le collège d'experts sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 4 : Ces experts auront pour mission, au vu des pièces du dossier et notamment du précédent rapport d'expertise et après avoir pris connaissance de l'ensemble du dossier médical de la jeune A...et des éléments médicaux relatifs à l'accouchement de Mme B... :

- d'indiquer dans quelle proportion les circonstances de la naissance de la jeune A...ont contribué ou aggravé les séquelles neurologiques qu'elle présente et lui ont fait perdre une chance d'éviter le handicap dont elle reste affectée ;

- de préciser si l'état de santé de la jeune A...peut être considéré comme consolidé et, dans l'affirmative, d'en fixer la date ;

- de dire si l'état de la jeune A...est susceptible de modification en amélioration ou en aggravation ;

- de décrire la nature et l'étendue des séquelles dont la jeune A...reste atteinte, et de rechercher et de quantifier tous les éléments de préjudice pouvant être regardés comme imputables aux manquements commis par le centre hospitalier de Saint Brieuc (déficit fonctionnel temporaire et permanent, préjudice d'agrément, douleurs endurées, préjudice esthétique, préjudice moral) ;

- de préciser et de quantifier les dépenses de santé, besoins en aide technique, aménagement des locaux d'habitation, besoins en adaptation du véhicule et assistance par une tierce personne rendus nécessaires par l'état de santé de la jeuneA... ;

- d'indiquer les conditions d'hébergement et de scolarisation de la jeuneA... ;

- de fournir à la cour, de manière générale, tous éléments susceptibles de lui permettre de statuer sur les recours indemnitaires dont elle est saisie.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., à M. D... B..., au centre hospitalier de Saint-Brieuc, à la MSA des Côtes d'Armor et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 juin 2013.

Le rapporteur,

F. LEMOINELe président,

O. COIFFET

Le greffier,

C. GUÉZO

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT00944


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00944
Date de la décision : 14/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CABINET LE ROUX MORIN BARON WEEGER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-11-14;12nt00944 ?
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