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24/10/2014 | FRANCE | N°13NT01150

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 24 octobre 2014, 13NT01150


Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2013, présentée pour Mme A... B..., demeurant " ..., par Me Scelles, avocat au barreau de Caen ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201465 du 5 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 41 518,55 euros, en réparation des préjudices résultant de l'illégalité fautive entachant le permis de construire du 18 mars 2010 délivré par le maire de Saint-Fromond, agissant au nom de l'Etat ;

2°) de condamner de l'Etat

à lui verser la somme de 41 518,55 euros assortie des intérêts au taux légal ...

Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2013, présentée pour Mme A... B..., demeurant " ..., par Me Scelles, avocat au barreau de Caen ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201465 du 5 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 41 518,55 euros, en réparation des préjudices résultant de l'illégalité fautive entachant le permis de construire du 18 mars 2010 délivré par le maire de Saint-Fromond, agissant au nom de l'Etat ;

2°) de condamner de l'Etat à lui verser la somme de 41 518,55 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- les travaux de construction ont dû être interrompus en raison de la présence sur son terrain d'un poteau EDF et d'une ligne électrique surplombant sa parcelle ; le permis de construire qui lui a été délivré le 18 mars 2010 ne mentionnait pas l'existence de la servitude de surplomb grevant sa parcelle ; les services de l'Etat ont donc commis une faute dans l'instruction de sa demande de permis de construire ; cette faute est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à son égard ; le certificat d'urbanisme du 7 décembre 2009 ne mentionnait aucune servitude ; la carte communale ne fait pas état de l'existence d'une telle servitude ; aucune faute ne lui est imputable ; elle peut prétendre à être indemnisée des frais occasionnés par le retard pris dans la construction de sa maison et des box à chevaux, du préjudice esthétique lié au déplacement et au rehaussement du poteau EDF rendu nécessaire du fait de la modification du parcours de la ligne EDF prévue par la convention de servitude et à l'implantation d'un poteau supplémentaire sur son terrain et du préjudice moral qu'elle a subis ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 24 octobre 2013 au ministre de l'égalité des territoires et du logement, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 18 avril 2014, présenté pour Mme B...qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens qu'elle développe ;

Vu l'ordonnance du 26 août 2014 fixant la clôture d'instruction au 11 septembre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2014, présenté par le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité qui conclut au rejet de la requête; il soutient que les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés ;

Vu l'ordonnance du 11 septembre 2014 portant réouverture de l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 29 septembre 2014, présenté pour Mme B... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 15 juin 1906, modifiée, relative aux distributions d'énergie ;

Vu le décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie et de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;

Vu le décret n° 70-492 du 11 juin 1970 pris pour l'application de l'article 35 modifié de la loi du 8 avril 1946 concernant la procédure de déclaration d'utilité publique des travaux d'électricité et de gaz qui ne nécessitent que l'établissement de servitudes ainsi que les conditions d'établissement desdites servitudes ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;

1. Considérant que, par jugement du 5 mars 2013, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de Mme B... tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 41 518,55 euros, en réparation des préjudices résultant pour elle de l'illégalité fautive du permis de construire du 18 mars 2010 délivré par le maire de Saint-Fromond, agissant au nom de l'Etat ; que Mme B... relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 susvisée sur les distributions d'énergie, alors en vigueur : " La déclaration d'utilité publique investit le concessionnaire ou titulaire d'une autorisation de transport de gaz naturel, (...) de tous les droits que les lois et règlements confèrent à l'administration en matière de travaux publics. (...). - S'il y a lieu à expropriation, il y est procédé conformément à la loi du 3 mai 1841 (...) - La déclaration d'utilité publique d'une distribution d'énergie confère, en outre, au concessionnaire ou titulaire d'une autorisation de transport de gaz naturel le droit : (...) 2° De faire passer les conducteurs d'électricité au-dessus des propriétés privées, sous les mêmes conditions et réserves que celles spécifiques à l'alinéa 1° ci-dessus ; 3° D'établir à demeure des canalisations souterraines, ou des supports pour conducteurs aériens, sur des terrains privés non bâtis, qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalentes ; (...) - L'exécution des travaux prévus aux alinéas 1° à 4° ci-dessus doit être précédée d'une notification directe aux intéressés et d'une enquête spéciale dans chaque commune ; elle ne peut avoir lieu qu'après approbation du projet de détail des tracés par le préfet. (...) Les indemnités qui pourraient être dues à raison des servitudes d'appui, de passage, ou d'ébranchage, prévues aux alinéas 1°, 2°, 3° et 4° ci-dessus, sont réglées en premier ressort par le juge du tribunal d'instance (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 6 octobre 1967 susvisé : " Une convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire ayant pour objet la reconnaissance des servitudes d'appui, de passage, d'ébranchage ou d'abattage prévues au troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 susvisée peut remplacer les formalités prévues au quatrième alinéa dudit article. - Cette convention produit, tant à l'égard des propriétaires et de leurs ayants droit que des tiers, les effets de l'approbation du projet de détail des tracés par le préfet (...) " ; qu'aux termes de l'article 11 du décret du 11 juin 1970 susvisé, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'établissement des servitudes (...) a lieu suivant les modalités définies au présent titre (...) ; qu'aux termes de l'article 13 de ce décret : " A défaut d'accord amiable avec les propriétaires intéressés, le demandeur présente une requête accompagnée d'un plan et d'un état parcellaire par commune indiquant les propriétés qui doivent être atteintes par les servitudes . Cette requête est adressée au préfet et comporte les renseignements nécessaires sur la nature et l'étendue de ces servitudes. Le préfet, dans les quinze jours suivant la réception de la requête, prescrit par arrêté une enquête et désigne un commissaire enquêteur. (...) " ; qu'aux termes de l'article 18 de ce décret : " (...) Les servitudes sont instituées par arrêté préfectoral (...) ; qu'il résulte des dispositions précitées que les servitudes qu'elles instituent sont établies, soit après accord amiable avec le propriétaire, soit, à défaut d'un tel accord, par arrêté préfectoral ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les plans locaux d'urbanisme doivent comporter en annexe les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol et qui figurent sur une liste dressée par décret en Conseil d'Etat ; (...) seules les servitudes annexées au plan peuvent être opposées aux demandes d'autorisation d'occupation du sol. (...) " ; qu'aux termes de l'article R 126-1 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Doivent figurer en annexe au plan local d'urbanisme les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol et appartenant aux catégories figurant sur la liste annexée au présent chapitre " ; que les servitudes instituées en application de l'article 12 de la loi du 15 juin 2006 figurent sur la liste des servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par arrêté du 18 mars 2010, le maire de Saint-Fromond, agissant au nom de l'Etat, a accordé à Mme B... un permis de construire une maison d'habitation et des box à chevaux sur la parcelle AC 82 dont elle est propriétaire ; que Mme B... demande réparation des préjudices résultant pour elle de ce que ce permis de construire ne mentionnait pas l'existence sur cette parcelle d'un poteau électrique et d'une servitude de surplomb ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à la réparation du préjudice esthétique :

5. Considérant que Mme B... demande réparation du préjudice esthétique " lié au déplacement et au rehaussement du poteau EDF rendu nécessaire du fait de la modification du parcours de la ligne EDF prévue par la convention de servitude et à l'implantation d'un poteau supplémentaire sur son terrain " ; que, toutefois, ce préjudice ne présente pas de lien direct avec la prétendue faute dont serait entaché le permis de construire du 18 mars 2010 mais est la conséquence directe de la servitude instituée par la convention conclue, le 16 septembre 2010, par l'intéressée avec la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), en application des dispositions de l'article 1er du décret du 6 octobre 1967 ; que, par suite, et alors qu'il résulte des dispositions de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 susvisée que les juridictions judiciaires sont seules compétentes pour connaître des demandes d'indemnisation de tels dommages, les conclusions présentées au titre de ce chef de préjudice ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à la réparation des autres préjudices :

6. Considérant que Mme B... demande, également, réparation des préjudices résultant pour elle de ce que l'omission des informations susmentionnées relatives à l'existence, sur cette parcelle, d'un poteau électrique et d'une servitude de surplomb a entraîné un retard dans la construction des bâtiments projetés et lui a occasionné un préjudice moral ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté, d'une part, que le préfet de la Manche n'a pas pris d'arrêté instituant de servitude sur la parcelle de Mme B... et que celle-ci, qui ne fait état d'aucune convention antérieure, n'a signé que le 16 septembre 2010, ainsi qu'il vient d'être dit, une convention avec la société ERDF ; qu'ainsi, à la date du 18 mars 2010 à laquelle le permis de construire a été délivré par le maire de Saint-Fromond, au nom de l'Etat, aucune servitude n'avait été instituée sur cette parcelle en application de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 ; que, par suite, ce permis de construire ne peut être regardé comme entaché d'illégalité du fait qu'il ne mentionnait pas l'existence d'une telle servitude ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat à raison de l'illégalité fautive dont elle soutient que cette décision serait affectée ; que, pour cette même raison, ni la carte communale du 5 octobre 2007, ni le certificat d'urbanisme positif du 7 décembre 2009, qui ne faisaient pas état de cette servitude, ne sont davantage entachés d'illégalité ; qu'en tout état de cause, en sollicitant une autorisation de construire un bâtiment dépassant la hauteur de la ligne électrique sans s'assurer préalablement de la faisabilité de son projet, Mme B..., qui ne pouvait ignorer la présence de ce poteau électrique sur sa parcelle et d'une ligne électrique la surplombant, a fait preuve d'une négligence fautive susceptible d'exonérer l'Etat de toute responsabilité ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2014 à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 octobre 2014.

Le rapporteur,

C. BUFFETLe président,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT01150 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01150
Date de la décision : 24/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : SCELLES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-10-24;13nt01150 ?
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