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18/09/2014 | FRANCE | N°13NT02362

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 septembre 2014, 13NT02362


Vu la requête, enregistrée le 12 août 2013, présentée pour M. B... A..., domicilié à FranceTerre d'Asile, 7 rue du Docteur Roux à Caen (14000), par Me Launay, avocat au barreau de Caen ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-461 du 7 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2012 du préfet du Calvados portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, ensemble la décision du 18 février 2013 rejetant son

recours gracieux ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au p...

Vu la requête, enregistrée le 12 août 2013, présentée pour M. B... A..., domicilié à FranceTerre d'Asile, 7 rue du Docteur Roux à Caen (14000), par Me Launay, avocat au barreau de Caen ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-461 du 7 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2012 du préfet du Calvados portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, ensemble la décision du 18 février 2013 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à renouveler jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa situation dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

il soutient que :

- l'arrêté contesté, qui ne vise aucune décision de refus d'admission provisoire au séjour, est insuffisamment motivé ;

- cet arrêté est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle car son épouse ne pouvait être considérée comme provenant d'un pays sûr suite à la décision du Conseil d'Etat du 26 mars 2012 annulant l'inscription de l'Albanie et du Kosovo de la liste des pays considérés comme sûrs ;

- cet arrêté méconnait les dispositions des articles L. 742-3 et L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation puisque son épouse bénéficiait d'un droit au séjour jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile statuant au fond et qu'au regard du principe général de l'unité de la famille il avait également droit au séjour jusqu'à cette date ;

- cet arrêté est également illégal en raison de l'illégalité du refus d'admission provisoire au séjour car il n'a pas reçu les informations prévues par l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en se bornant à prendre en considération le fait qu'il se disait de nationalité serbe pour transmettre sa demande d'asile dans le cadre de la procédure prioritaire et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit résultant de la violation des dispositions des articles L. 741-4 et L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour prive de base légale les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

- si la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant son pays de destination étaient exécutées, elles auraient pour effet de séparer son enfant mineur soit de sa mère, soit de son père et sont donc contraires aux stipulations des articles 3-1 et 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2013, présenté par le préfet du Calvados, qui conclut au rejet de la requête et s'en rapporte aux moyens développés par lui en première instance ;

il soutient en outre que :

- il n'a pas méconnu les stipulations des articles 3-1 et 9-1 de la convention relative aux droits de l'enfant car l'épouse et l'enfant de M. A... ne sont pas dans l'impossibilité de le suivre dans son pays d'origine ;

- le principe d'unité de la famille n'est pas applicable à la situation de M. A... ;

- la décision de refus de séjour prise à l'encontre de M. A... étant légale, les décisions d'obligation de quitter le territoire et de fixation du pays de destination qui l'accompagnent sont également légales ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 25 novembre 2013 admettant M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Launay pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut de réfugiés ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2014 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller ;

1. Considérant que M. A..., ressortissant serbe, relève appel du jugement en date du 7 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2012 du préfet du Calvados portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, ensemble la décision du 18 février 2013 rejetant son recours gracieux ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que l'arrêté contesté comporte la mention de l'ensemble des considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, il rappelle les motifs pour lesquels le préfet a estimé devoir rejeter sa demande de titre de séjour ; que s'il n'indique pas expressément que la demande d'admission au séjour de M. A... a été rejetée, cet arrêté précise néanmoins que sa demande d'asile a été transmise à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le cadre de la procédure prioritaire dans la mesure où l'intéressé se prévalait de la nationalité serbe et que ce pays devait être regardé comme un pays d'origine sûr ; que cet arrêté est, par suite, suffisamment motivé ; qu'en dépit de la circonstance que son épouse, de nationalité kosovare, ne relevait quant à elle pas d'un pays d'origine sûr, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Calvados n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle et familiale de M. A... ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Le a du 3° du II de l'article L. 511-1 n'est pas applicable. " ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande (...) / Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4°. " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu refuser le 10 janvier 2012 l'admission provisoire au séjour sur le fondement du 2° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il était ressortissant serbe, pays faisant partie de la liste des pays d'origine sûrs ; que si M. A... a entendu exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté contesté, de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour, un tel moyen doit être écarté dès lors, d'une part, que cette décision est devenue définitive, faute d'avoir été contestée par l'intéressé dans le délai du recours contentieux et que, d'autre part, et en tout état de cause, l'arrêté contesté n'a pas été pris sur le fondement de cette décision ; que, dès lors, les moyens tirés du défaut d'examen individuel, de l'irrégularité, de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision de refus d'admission provisoire au séjour ne peuvent qu'être écartés ;

5. Considérant que, contrairement à ce qu'il soutient, le requérant, dont la demande d'asile a été rejetée le 17 février 2012 par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant dans le cadre de la procédure prioritaire, ne pouvait pas se maintenir sur le territoire français dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qu'il avait saisie le 8 mars 2012 ; que s'il se prévaut de la circonstance que son épouse bénéficiait quant à elle de ce droit en raison de sa nationalité kosovare et affirme qu'au regard du principe général de l'unité de la famille il avait également droit au séjour jusqu'à cette même date, les principes généraux du droit, résultant notamment des stipulations de la convention de Genève, imposent seulement, en vue d'assurer pleinement la protection prévue par cette convention, la protection de la personne de même nationalité unie par le mariage à un réfugié à la date à laquelle celui-ci a demandé son admission au statut ; qu'en outre, M. A... n'établit pas que son épouse aurait de son côté présenté une demande d'asile qui, à la date de l'arrêté contesté, aurait été pendante devant la Cour nationale du droit d'asile ; que, par suite, les moyens tiré de ce que l'arrêté contesté serait contraire aux dispositions précitées des articles L. 742-3 et L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés ;

6. Considérant, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, publiée par décret le 8 octobre 1990 : "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale" ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

7. Considérant que M. A... soutient qu'il est entré en France le 6 janvier 2012 accompagné de son épouse, ressortissante kosovare, et de leur enfant mineur et que l'exécution de l'arrêté contesté aurait pour effet de priver l'enfant soit de la présence de son père pour le cas où il resterait en France aux côtés de sa mère, soit de la présence de sa mère dans le cas inverse où l'enfant accompagnerait son père dans le pays de destination fixé par l'arrêté litigieux ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'épouse du requérant faisait également l'objet, à la date de la décision contestée, d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ; que, dans ces conditions, dès lors qu'il n'est justifié d'aucun obstacle empêchant M. A..., son épouse et leur enfant de reconstituer la cellule familiale en Serbie ou dans tout autre pays dans lequel ils seraient admissibles, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

8. Considérant que les stipulations de l'article 9-1 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ; que M. A... ne peut donc utilement se prévaloir de ces stipulations pour demander l'annulation de l'arrêté contesté ; qu'il ne peut davantage se prévaloir du principe d'unité de la famille, résultant notamment des stipulations de la convention de Genève, dès lors qu'il ne possède pas la même nationalité que son épouse ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par l'intéressé ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2014, où siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 septembre 2014.

Le rapporteur,

V. GÉLARDLe président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT02362


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02362
Date de la décision : 18/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-09-18;13nt02362 ?
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