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18/09/2014 | FRANCE | N°13NT01854

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 septembre 2014, 13NT01854


Vu la requête, enregistrée le 14 juin 2013, présentée pour M. B... A..., retenu au ...à Rennes Cedex (35091), par Me Chauvel, avocat au barreau de Rennes ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-1777 du 22 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux arrêtés du 17 mai 2013 du préfet de Loire-Atlantique portant, d'une part, obligation de quitter le territoire sans délai et fixant la Guinée comme pays de renvoi, et, d'autre part, ordonnant son placement en rétention administrative ;
>2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlant...

Vu la requête, enregistrée le 14 juin 2013, présentée pour M. B... A..., retenu au ...à Rennes Cedex (35091), par Me Chauvel, avocat au barreau de Rennes ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-1777 du 22 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux arrêtés du 17 mai 2013 du préfet de Loire-Atlantique portant, d'une part, obligation de quitter le territoire sans délai et fixant la Guinée comme pays de renvoi, et, d'autre part, ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 196 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

il soutient que :

- l'arrêté portant obligation de quitter le territoire sans délai est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle avant de prendre cet arrêté ;

- le préfet, en prenant cette décision, a méconnu les dispositions de l'article 47 du code civil et du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant qu'il était majeur à la date de la décision contestée ; il a également méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision refusant un délai de départ volontaire, fondée sur le motif erroné tiré de ce qu'il aurait volontairement dissimulé son identité, est illégale ;

- il encourt des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays car son père a été interpellé puis incarcéré suite à son adhésion au parti peul UFDG ; il a lui-même été victime de violences physiques lors du saccage du domicile familial par des opposants ; ses deux frères ont dû prendre la fuite ; ainsi la décision fixant la Guinée comme pays de renvoi méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 août 2014, présenté par le préfet de la Loire-Atlantique qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- l'arrêté portant obligation de quitter le territoire sans délai est suffisamment motivé et la situation personnelle de l'intéressé a fait l'objet d'un examen particulier ;

- après vérification de ses empreintes dans le fichier " Visabio ", il est apparu que l'intéressé se nomme A...Ibrahima Kalil, né en 1987, qu'il a obtenu un visa sur présentation de son passeport guinéen et un titre de séjour temporaire en qualité d'étudiant valable jusqu'au 29 octobre 2012 ; sa situation entre dans le champ d'application du 4° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'affirmation selon laquelle il aurait, à l'âge de 14 ans, présenté cette demande de visa pour le compte d'un tiers âgé de 23 ans à qui le visa aurait été remis ne peut être retenue ; la demande de visa s'accompagne de la remise de documents d'identité et d'identifiants biométriques et la remise du visa s'accompagne d'une nouvelle prise d'empreintes digitales du bénéficiaire ;

- par ailleurs, l'extrait d'acte de naissance produit ne saurait établir la minorité de l'intéressé car il n'a pas été établi conformément aux prescriptions de la législation guinéenne ; l'examen osseux de M. A..., complété par un examen médico-légal, confirme la majorité de l'intéressé ; enfin, les discordances invoquées entre les photographies figurant dans le fichier Visabio et celle figurant sur la demande de titre de séjour ne sont pas convaincantes ;

- l'intéressé étant majeur, il ne peut invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est fondée sur le 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à l'intéressé ;

- le requérant n'établit pas la réalité des risques qu'il invoque en cas de retour dans son pays ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 28 août 2014, présenté pour M. A... qui conclut aux mêmes fins que sa requête et porte à 1 200 euros la somme dont le versement est demandé au bénéfice de son conseil ; il soulève les mêmes moyens que dans sa requête et soutient en outre que :

- son état de minorité est établi par la production du passeport biométrique délivré par les autorités guinéennes sur la base de son extrait d'acte de naissance ; par ailleurs, une tutelle départementale a été ouverte par un jugement du 14 janvier 2014 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Rennes ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 4 septembre 2013 accordant à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Chauvel pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2014 :

- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;

1. Considérant que M. A..., de nationalité guinéenne, relève appel du jugement du 22 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 17 mai 2013 du préfet de la Loire-Atlantique portant, d'une part, obligation de quitter le territoire sans délai et fixant la Guinée comme pays de renvoi, et, d'autre part, ordonnant son placement en rétention administrative;

Sur la légalité de l'arrêté du 17 mai 2013 portant obligation de quitter le territoire sans délai :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, que la décision portant obligation de quitter le territoire contestée comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde, notamment les motifs pour lesquels le préfet a estimé devoir rejeter la demande présentée sur le fondement des dispositions du 4° du I l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ce refus est, par suite, suffisamment motivé ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Loire-Atlantique n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle et familiale de M. A... ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ; que ce dernier article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;

5. Considérant que le requérant, de nationalité guinéenne, qui déclare être entré en France le 11 mai 2013 et se dénommer IbrahimaA..., s'est présenté, le 14 mai 2013 au commissariat de police de Nantes muni d'un extrait d'acte de naissance l'identifiant sous ce nom, né à Conakry en Guinée le 9 octobre 1996, en faisant valoir sa qualité de mineur dans le but d'obtenir sa prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la vérification des empreintes digitales de l'intéressé à partir du système " Visabio " a permis de constater que le même individu avait déposé en 2010 une demande de visa au consulat de France à Conakry avec un passeport guinéen n° R0317758 le déclarant sous l'identité d'Ibrahima KalilA..., né à Conakry le 9 novembre 1987 ; que si le requérant prétend avoir été contraint par des inconnus, il y a quelques années, contre des promesses d'argent, de déposer cette demande de visa destinée en réalité à une autre personne, il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de ses affirmations ; que, compte tenu des contradictions relevées entre les deux documents produits à trois années d'intervalle, ainsi que des résultats de l'expertise osseuses et de l'examen médico-légal réalisés le 16 mai 2013 au centre hospitalier universitaire de Nantes qui établissent un âge osseux supérieur à dix-huit ans, le préfet de la Loire-Atlantique a pu, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article 47 du code civil, écarter l'acte de naissance produit par M. A... comme dépourvu d'authenticité ; que ni le passeport n° R0544161 établi au nom d'Ibrahima A...qui serait né le 9 octobre 1996, dont la photographie correspond à celle figurant dans le fichier " Visabio " pour un individu né en 1987, ni le jugement d'ouverture d'une tutelle départementale du 14 janvier 2014 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Rennes ne sont davantage de nature à établir le caractère erroné des informations sur la base desquelles le préfet a pris sa décision ; que, par suite, le requérant, qui ne peut être regardé comme mineur à la date de la décision contestée, n'était pas au nombre des étrangers ne pouvant faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'ainsi le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas méconnu les dispositions du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de M. A... ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. A... ne peut, en tout état de cause, pas utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que M. A... soutient qu'il encourt des risques pour sa vie et sa liberté en cas de retour en Guinée en raison de son appartenance à l'ethnie soussou et de l'adhésion au parti peul UFDG de son père, interpelé puis incarcéré en janvier 2013, qu'il a lui-même été victime de violences physiques lors du saccage du domicile familial et que ses deux frères ont dû prendre la fuite ; que, toutefois, il n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments probants permettant d'établir la réalité de ces allégations ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'en fixant la Guinée comme pays de destination le préfet de Loire-Atlantique aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

8. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / ( ...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants: / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. / (...) " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire, a dissimulé des éléments de son identité et n'est pas en possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ; qu'il n'établit pas, en outre, bénéficier d'une domiciliation stable ; que, dès lors, il ne peut être regardé comme justifiant des garanties de représentation propres à prévenir son risque de fuite ; que, par conséquent, le préfet pouvait légalement lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire ;

Sur la légalité de l'arrêté du 17 mai 2013 portant placement en rétention :

10. Considérant que M. A... ne soulève en appel aucun moyen à l'encontre de l'arrêté du 17 mai 2013 du préfet de la Loire Atlantique ayant décidé de son placement en rétention ; que ses conclusions dirigées contre cet arrêté ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Loire-Atlantique de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le conseil de M. A..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2014, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 septembre 2014.

Le rapporteur,

F. SPECHTLe président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT01854


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01854
Date de la décision : 18/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CHAUVEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-09-18;13nt01854 ?
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