Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2013, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Cassel, avocat au barreau de Paris ; Mme B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 12-1863 du 9 avril 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional d'Orléans à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle aurait subis du fait de son placement illégal en inaptitude temporaire pendant une durée de sept mois ;
2°) de condamner le centre hospitalier régional d'Orléans à lui verser cette somme ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la date de sa demande préalable ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional d'Orléans la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient :
- que le jugement attaqué est irrégulier, faute pour les premiers juges d'avoir statué sur la légalité de la décision la plaçant en inaptitude temporaire avant même que l'expert médical n'ait rendu ses conclusions, et sur l'erreur de droit entachant cette décision ;
- que la décision la plaçant en inaptitude temporaire a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière puisque le comité médical départemental n'a pas été appelé à émettre un avis sur sa situation ; que cette décision est intervenue avant même que l'expert psychiatre ne rende ses conclusions le 23 septembre 2009 ; qu'elle n'est pas suffisamment motivée ;
- que cette décision est mal fondée puisque, ainsi que l'a constaté le rapport d'expertise du 23 septembre 2009, Mme B...n'a jamais souffert de troubles psychiatriques ; que l'inaptitude aux fonctions ne saurait être légalement justifiée par des difficultés relationnelles au travail, comme c'est le cas en l'espèce ; que sa mise à l'écart du service en raison de ces difficultés professionnelles constitue une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier régional d'Orléans ;
- que l'illégalité fautive de cette décision lui a causé un préjudice moral constitué de l'atteinte à sa réputation, des troubles dans ses conditions d'existence et lui a fait perdre une chance d'être promue au grade de maître-ouvrier ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2013, présenté pour le centre hospitalier régional d'Orléans, représenté par son directeur général, par Me Friederich, avocat au barreau de Strasbourg, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il fait valoir :
- que la requête de Mme B...n'est pas recevable puisque dirigée contre une décision de placement en situation d'" inaptitude temporaire " qui n'existe pas ;
- que si Mme B...entend contester les avis émis par le médecin du travail constatant son inaptitude, il lui appartenait de mieux diriger sa requête ;
- qu'il n'existe par ailleurs aucune position statutaire " d'inaptitude temporaire " à l'exercice des fonctions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 modifié, relatif notamment au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
Vu le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ;
Vu le décret n°88-976 du 13 octobre 1988 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires hospitaliers, à l'intégration et à certaines modalités de mise à disposition ;
Vu le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 pris pour l'application de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et relatif au reclassement des fonctionnaires pour raisons de santé ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2014 :
- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
- et les observations de Mme B... ;
1. Considérant que Mme A...B..., ouvrier professionnel qualifié occupant les fonctions d'aide de pharmacie au centre hospitalier régional d'Orléans, a été reçue par le médecin du travail de cet établissement le 17 juillet 2009 à l'initiative de son chef de service en raison des difficultés qu'elle rencontrait dans l'exercice de ses fonctions ; qu'au regard de son état de fatigue psychologique, le médecin du travail de l'établissement a adressé l'intéressée à son médecin traitant afin qu'il prescrive un arrêt du travail pour maladie et a, ensuite, d'une part, constaté " l'inaptitude temporaire " de l'intéressée et, d'autre part, lui a interdit de reprendre le travail sans avis médical favorable de sa part ; que, Mme B...s'étant présentée à son poste à l'issue de son arrêt de travail le 22 juillet 2009, le médecin du travail a à nouveau constaté l'inaptitude de l'intéressée à reprendre ses fonctions et demandé à revoir Mme B...à l'issue de ses congés annuels ; que le médecin traitant de la requérante lui a alors prescrit un nouvel arrêt de travail pour maladie jusqu'au 31 juillet 2009 ; qu'au cours de la visite de reprise, le médecin du travail, retenant l'inaptitude de l'agent à reprendre ses fonctions, a demandé une expertise médicale et la prolongation de l'arrêt de travail dans l'attente des résultats de cette expertise, effectuée par un médecin psychiatre le 9 septembre 2009 à la demande du centre hospitalier régional d'Orléans ; que, ce médecin psychiatre ayant conclu, le 23 septembre 2009, à l'aptitude au travail de Mme B...en préconisant un changement de service, ce n'est toutefois que le 11 janvier 2010 que le médecin du travail du centre hospitalier régional d'Orléans a autorisé l'intéressée à reprendre son service, celle-ci ayant durant ce délai produit des arrêts maladie successifs établis par son médecin traitant afin de justifier son absence ; qu'estimant qu'elle avait été illégalement écartée du service, Mme B...a saisi le tribunal administratif d'Orléans de conclusions indemnitaires dirigées contre le centre hospitalier régional d'Orléans ; qu'elle relève appel du jugement du 9 avril 2013 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande ;
Sur la fin de non recevoir opposée en défense :
2. Considérant, d'une part, que le centre hospitalier régional d'Orléans fait valoir que la requête de Mme B...n'est pas recevable puisque la décision qu'elle conteste la plaçant en situation d'" inaptitude temporaire " n'existe pas ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et en particulier des éléments chronologiques mentionnés au point 1, que MmeB..., agent titulaire du centre hospitalier régional d'Orléans, a été objectivement écartée du service du 17 juillet 2009 au 11 janvier 2010 en raison de son inaptitude à l'exercice de ses fonctions ; que cette inaptitude a été constatée par le médecin du travail de cet établissement, à compter du 17 juillet 2009, à l'initiative de l'autorité investie du pouvoir de nomination, sur le rapport du chef de service de MmeB... ; que le retrait du service de cet agent révèle par lui-même l'existence d'une décision administrative émanant du directeur du centre hospitalier régional d'Orléans ; que, dans ces conditions, le centre hospitalier régional d'Orléans n'est pas fondé à soutenir que la décision relative à sa position statutaire qu'entend contester Mme B...serait inexistante ;
3. Considérant, d'autre part, que si le centre hospitalier régional d'Orléans soutient que ce sont en réalité les avis émis par le médecin du travail constatant son inaptitude qu'entend contester Mme B...et qu'il lui appartenait de mieux diriger sa requête, les conclusions, en tant qu'elles sont dirigées contre son employeur, n'étant pas recevables, il résulte toutefois de l'instruction que les avis émis par ce médecin du travail l'ont été au nom du centre hospitalier régional d'Orléans et pour son compte ; que, par suite, la fin de non recevoir ainsi opposée par le centre hospitalier régional d'Orléans ne peut également qu'être rejetée ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier régional d'Orléans :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 14 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière susvisé : " (...) en cas de maladie dûment constatée le mettant dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, le fonctionnaire hospitalier est de droit placé en congé de maladie. " ; qu'aux termes de l'article 23 du même décret : " Lorsque l'autorité investie du pouvoir de nomination estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs hiérarchiques, que l'état de santé d'un fonctionnaire pourrait justifier qu'il lui soit fait application des dispositions de l'article 41 (3° et 4°) de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, elle peut provoquer l'examen médical de l'intéressé dans les conditions prévues aux alinéas 3 et suivants de l'article 24 ci-dessous. " ; qu'aux termes de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière susvisée : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 8 juin 1989 susvisé pris pour l'application de la loi du 9 janvier 1986 et relatif au reclassement des fonctionnaires pour raisons de santé : " Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, et si les nécessités du service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du médecin du travail, dans l'hypothèse où l'état du fonctionnaire n'a pas nécessité l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical, si un tel congé a été accordé, peut affecter ce fonctionnaire dans un poste de travail correspondant à son grade dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer ses fonctions. " ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'intéressé peut présenter une demande de reclassement dans un emploi relevant d'un autre grade de son corps ou dans un emploi relevant d'un autre corps. L'autorité investie du pouvoir de nomination recueille l'avis du comité médical départemental. " ;
5. Considérant, d'une part, que si les dispositions précitées du décret du 19 avril 1988 permettent à l'autorité investie du pouvoir de nomination de placer un fonctionnaire en congé de maladie d'office dès lors que sa maladie a été dûment constatée et qu'elle le met dans l'impossibilité temporaire d'exercer ses fonctions, celle-ci ne peut légalement prendre une telle mesure que de manière expresse, à titre conservatoire, pour une durée limitée et dans l'attente de l'avis du comité médical sur la procédure de mise en congé de longue maladie qu'elle doit avoir par ailleurs engagée conformément à l'article 23 du même décret ; que, d'autre part, il résulte des dispositions précitées de la loi du 9 janvier 1986 et du décret du 8 juin 1989 que lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, par suite de l'altération de son état, il incombe à l'administration, après avis du comité médical dans l'hypothèse où l'état du fonctionnaire a nécessité l'octroi d'un congé de maladie, de rechercher si le poste occupé par ce fonctionnaire peut être adapté à son état ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus c'est l'autorité investie du pouvoir de nomination de Mme B...qui, sur le rapport de ses supérieurs hiérarchiques, en l'occurrence le chef de la pharmacie du centre hospitalier régional d'Orléans où était elle était affectée, a décidé de provoquer l'examen médical de l'intéressée par le médecin du travail de cet établissement en vue de s'assurer que celle-ci n'était pas dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions ; que c'est le médecin du travail de l'établissement hospitalier qui, à la suite de l'examen pratiqué le 17 juillet 2009, a constaté l'inaptitude de Mme B...et a renouvelé ce constat d'inaptitude au travail lors des visites effectuées les 22 juillet 2009, 17 août 2009, et 2 septembre 2009, renvoyant l'agent devant son médecin généraliste afin qu'il lui prescrive des arrêts du travail ; que l'expertise psychiatrique de MmeB..., effectuée à la demande du directeur du centre hospitalier régional d'Orléans, a conclu, le 23 septembre 2009, à l'aptitude au travail de Mme B...en préconisant un changement de service ; que, pourtant, Mme B...n'a été autorisée à reprendre des fonctions qu'à la suite d'un avis favorable du médecin du travail du centre hospitalier régional d'Orléans du 11 janvier 2010 et que durant cette période, l'intéressée a été conduite à solliciter des arrêts de travail de son médecin traitant afin de justifier son absence ; qu'en maintenant ainsi son agent écarté du service au-delà du 23 septembre 2009, sans raison médicale, sans en tirer de conséquences juridiques quant à la position statutaire de son agent, et sans réunir le comité médical, en méconnaissance notamment des dispositions précitées des articles 14 et 23 du décret du 19 avril 1988, le centre hospitalier régional d'Orléans, qui s'est ainsi abstenu de prendre une décision de placement de Mme B...en congé de maladie et de placer son agent dans une position statutaire régulière, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que, de même, dès lors qu'entre le 23 septembre 2009, date à laquelle l'expert psychiatre désigné par le centre hospitalier régional d'Orléans a reconnu l'aptitude de Mme B...à reprendre ses fonctions, et le 11 janvier 2010, date à laquelle le médecin du travail de cet établissement a autorisé l'intéressée à reprendre le travail, le centre hospitalier régional d'Orléans n'a fait aucune proposition de reclassement de son agent dans un poste compatible avec son état de santé ; qu'en demandant à MmeB..., au-delà du 23 septembre 2009, de produire des arrêts de travail pour justifier son absence du service alors qu'elle était apte à reprendre le travail, le centre hospitalier régional d'Orléans a également commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional d'Orléans à réparer les préjudices subis par elle ;
Sur l'évaluation des préjudices de Mme B...:
8. Considérant, d'une part, que si Mme B...demande une somme de 20 000 euros au titre de la perte de chance d'être promue au grade supérieur, l'intéressée qui ne dispose d'aucun droit à une telle promotion, n'établit pas qu'elle disposait de chances sérieuses d'être promue de nature à justifier une indemnisation à ce titre ;
9. Considérant, en revanche, qu'en maintenant illégalement Mme B...éloignée du service pendant plusieurs mois sans motif médical valable le centre hospitalier régional d'Orléans lui a causé un préjudice moral qu'il y a lieu d'indemniser en condamnant cet établissement à lui verser la somme de 3 000 euros, assortie des intérêts à compter du 10 février 2012, date de réception de la demande préalable adressée par Mme B...;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier régional d'Orléans demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du centre hospitalier régional d'Orléans une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 12-1863 du tribunal administratif d'Orléans du 9 avril 2013 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier régional d'Orléans est condamné à verser à Mme B...la somme de 3 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 10 février 2012.
Article 3 : Le centre hospitalier régional d'Orléans versera à Mme B...une somme de
2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...et les conclusions présentées par le centre hospitalier régional d'Orléans au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au centre hospitalier régional d'Orléans.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2014 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. Lemoine, premier conseiller,
Lu en audience publique le 17 juillet 2014.
Le rapporteur,
F. LEMOINE
Le président,
I. PERROT
Le greffier,
C. GUÉZO
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT01448