Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2013, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par son directeur général, dont le siège est Tour Gallieni II, 36 avenue Charles De Gaulle à Bagnolet Cedex (93175), par Me de la Grange, avocat au barreau de Paris ; l'ONIAM demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 10-4958 en date du 31 décembre 2012 en tant que par ce jugement, le tribunal administratif de Nantes n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire (CHU) d'Angers à lui rembourser les sommes versées à Mme A...en réparation des préjudices consécutifs à la faute commise par l'établissement lors de l'intervention subie par celle-ci le 13 mars 2003 ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire d'Angers à lui rembourser la somme de 33 768,81 euros au titre du préjudice professionnel et la somme de 700 euros au titre des frais d'assistance ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire d'Angers la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- en limitant à 17 651,51 euros la somme mise à la charge du CHU d'Angers au titre du préjudice professionnel subi par MmeA..., les premiers juges n'ont pas respecté le principe du droit de préférence de la victime ; le montant total du préjudice de Mme A...au titre de la perte de revenus tel qu'évalué par lui tient déjà compte de la déduction à opérer au titre de la pension d'invalidité versée par l'organisme de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2006 ; la somme réclamée de 33 768,81 euros est fondée ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté la demande de remboursement de la somme de 700 euros versée à Mme A...au titre des frais d'assistance exposés par l'intéressée au cours de la procédure, qui sont justifiés ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la lettre, enregistrée le 24 mai 2013, présentée par la Mutualité social agricole de Maine-et-Loire qui informe la cour qu'elle n'intervient pas dans la procédure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2014, présenté pour le centre hospitalier universitaire d'Angers par Me le Prado avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le CHU d'Angers conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête de l'ONIAM ;
2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, dans l'hypothèse où il serait fait droit à la demande de l'ONIAM en ce qui concerne la somme due au titre du préjudice professionnel de MmeA..., à ce que la créance de la Mutualité sociale agricole de Maine-et-Loire soit réduite d'un montant équivalent ;
il fait valoir que :
- le préjudice professionnel de Mme A...a été évalué à la somme de 33 768,81 euros ; cette évaluation, qui peut être retenue, représente le montant qui peut être mis à la charge de l'établissement ; en déduisant la somme de 16 117,30 euros déjà mise à la charge du centre hospitalier au titre de la créance de la mutualité sociale agricole, le tribunal a respecté la limite des sommes pouvant être mises à la charge de l'établissement ;
- à titre subsidiaire, si la cour estime que l'ONIAM, qui a effectivement payé la somme de 33 768,81 euros, a droit au remboursement de cette somme, il y a lieu, alors, de déduire la somme de 16 117,30 euros du montant de la créance de la Mutualité sociale agricole, qui se trouve donc ramenée à 45 575,97 euros ;
- par ailleurs, si le tribunal a rejeté la demande de remboursement de la somme de 700 euros allouée à Mme A...au titre des frais d'assistance en l'absence de justificatif, il a, dans son considérant 16, alloué à l'ONIAM la somme de 650 euros au titre des expertises médicales effectuées ; l'ONIAM a donc été dédommagé des frais supporté au titre des expertises et sa demande doit être rejetée ;
Vu le mémoire récapitulatif, enregistré le 16 juin 2014, présenté pour l'ONIAM, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2014 :
- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
1. Considérant que MmeA..., née en 1956, a subi le 13 mars 2003 au centre hospitalier universitaire (CHU) d'Angers une double intervention chirurgicale consistant en une hystérectomie et la réparation d'un prolapsus génital ; que dans les suites de l'intervention est apparue une complication qui a nécessité deux interventions chirurgicales, Mme A...ayant subi une éventration qui a été opérée le 16 octobre 2003 ; que la patiente a saisi le 17 novembre 2003 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) des Pays de la Loire en vue de l'indemnisation de ses préjudices, qu'elle imputait à une faute du CHU d'Angers ; que, sur la base des conclusions du rapport du professeur Milliez, désigné comme expert, la CRCI des Pays de la Loire a, dans son avis du 4 mai 2004, retenu l'existence d'une faute du chirurgien dans la réalisation de la première intervention, à l'origine de la complication et de l'éventration dont a été atteinte MmeA..., et a attribué à l'établissement hospitalier la charge de l'indemnisation des préjudices constatés par l'expert ; qu'à la suite d'une seconde saisine par Mme A... le 23 novembre 2005 pour aggravation de son état de santé, la CRCI des Pays de la Loire, a, par un second avis du 27 février 2007, sur le fondement des deux rapports d'expertise déposés le 21 février 2006 par le professeur Milliez et le 25 octobre 2006 par le professeur Le Gueut, retenu que la récidive de l'éventration survenue en 2004 constituait une aggravation du dommage initial, en lien direct avec le geste opératoire fautif, et a mis à la charge du centre hospitalier d'Angers les préjudices en résultant ; que, Mme A...ayant refusé l'offre présentée par l'assureur du centre hospitalier, l'ONIAM s'est substitué à celui-ci en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et a indemnisé Mme A... et M.B..., son concubin, des différents préjudices subis, pour un montant total de 69 813,92 euros ; que l'ONIAM, subrogé dans les droits de Mme A... et de M.B..., a demandé en vain à l'assureur du CHU d'Angers le remboursement de la somme versée et a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui rembourser cette somme majorée de la pénalité de 15% prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ; que la mutualité sociale agricole (MSA) de Maine-et-Loire a présenté des conclusions tendant au remboursement des débours exposés pour le compte de son assurée sociale pour un montant de 61 393,27 euros représentant les frais médicaux pharmaceutiques et d'hospitalisation, ainsi que les indemnités journalières, les arrérages de pension d'invalidité échus et un capital représentatif des arrérages futurs ; que l'ONIAM relève appel du jugement du 31 décembre 2012 en tant que par ce jugement le tribunal administratif de Nantes n'a pas entièrement fait droit à ses demandes en limitant à 17 651,51 euros la somme mise à la charge du CHU d'Angers au titre des pertes de revenus passées et futures de Mme A... et en refusant de mettre à la charge de l'établissement hospitalier la somme de 700 euros versée à Mme A... au titre des frais d'assistance ; que le CHU d'Angers conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, dans l'hypothèse où il serait fait droit à la demande de l'ONIAM, à ce que la créance de la MSA de Maine-et-Loire soit réduite ;
Sur les conclusions de l'ONIAM :
2. Considérant, en premier lieu, qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;
3. Considérant, d'une part, que le CHU d'Angers ne conteste ni l'existence d'une faute à l'origine des préjudices indemnisés par l'ONIAM, ni l'existence du préjudice professionnel de MmeA..., dont l'état de santé est considéré comme consolidé depuis le 21 février 2006 et qui, placée en arrêt de travail depuis le 12 mars 2003, n'a pas repris son emploi de préparatrice de commande dans une société de maraichage et a été déclarée inapte à son emploi puis licenciée à compter du 9 février 2005, avant d'être placée en position d'invalidité de catégorie II par la mutualité sociale agricole de Maine-et-Loire à compter du 1er janvier 2006 ; qu'il n'est pas davantage contesté que le préjudice professionnel, constitué des pertes de revenus, est imputable pour un tiers à l'aggravation de l'état de santé de Mme A...en lien avec la faute commise par le centre hospitalier ;
4. Considérant, d'autre part, que l'ONIAM, sur la base des revenus perçus par Mme A... en 2002, a procédé au calcul des pertes de revenus subies à compter du 1er janvier 2006, soit une somme de 23 651,05 euros jusqu'à la date d'indemnisation, et, pour le futur et jusqu'à l'âge de 60 ans, année prévisible du départ en retraite, un capital de 77 655,40 euros, soit une perte totale de 101 306,44 euros ; que ce montant n'est pas discuté par les parties ; que compte tenu de la part de préjudice imputable à l'aggravation de l'état de santé de MmeA..., limitée à un tiers, la somme totale pouvant être mise à la charge du centre hospitalier s'élève à 33 768,81 euros ;
5. Considérant par ailleurs que, pour déterminer le préjudice professionnel effectivement subi par MmeA..., il y a lieu de déduire du montant global de 101 306,44 euros mentionné au point 4 les allocations de perte d'emploi perçues par l'intéressée au titre de la même période, soit 8 410,29 euros d'allocation de retour à l'emploi à compter du 18 février 2005 puis, à compter du 4 septembre 2007, le versement de 2 640,82 euros d'allocations spécifiques de solidarité, soit une somme totale de 11 051,11 euros, ainsi que les sommes d'un montant total de 44 630,21 euros perçues au titre des arrérages de pension d'invalidité versés par la mutualité sociale agricole de Maine et Loire, lesquels doivent être regardés comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité ; que la somme totale ainsi perçue par Mme A... s'élève à 55 681,32 euros, de sorte que la perte nette de revenus subie par l'intéressée s'établit à 45 625,13 euros ; que, ce montant étant supérieur à la somme pouvant être mise à la charge du CHU d'Angers en réparation de ce poste de préjudice, soit 33 768,81 euros, cette dernière somme doit être attribuée en totalité par préférence à la victime en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, soit en l'espèce à l'ONIAM en sa qualité de subrogé dans les droits de MmeA... ; qu'il y a lieu de réformer le jugement et de porter à 33 768,81 euros la somme que le CHU d'Angers sera condamné à verser à l'ONIAM au titre de la perte de revenus professionnels subie par Mme A... du fait de la faute commise lors de l'intervention du 13 mars 2003 ;
6. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des pièces versées en appel, que Mme A...a exposé, à l'occasion de la procédure amiable devant la CRCI des Pays de la Loire, des frais d'honoraires d'avocat, dont le remboursement a été limité à 700 euros par l'ONIAM en application de son référentiel d'indemnisation ; que de tels frais, qui ne se confondent, contrairement à ce que fait valoir le CHU d'Angers, ni avec les frais exposés par l'ONIAM lui-même pour le règlement des honoraires des médecins experts dans le cadre des expertises en aggravation réalisées en 2006, ni avec les frais susceptibles d'être indemnisés dans le cadre de la procédure contentieuse prévus à l'article L. 761-1 du code de justice administrative, peuvent, en conséquence, faire l'objet d'une indemnisation spécifique ; qu'il y a lieu, dès lors, de mettre à la charge du CHU d'Angers la somme de 700 euros versée par l'ONIAM à ce titre et de réformer le jugement sur ce point ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la somme que le CHU d'Angers est condamné à rembourser à l'ONIAM au titre des pertes de revenus subies par Mme A...doit être portée à 33 768,81 euros et que le CHU d'Angers est également condamné à verser à l'ONIAM la somme de 700 euros au titre des frais d'assistance avancés pour MmeA..., soit une somme totale de 34 468,81 euros ; que l'ONIAM a le droit, comme il le demande, aux intérêts au taux légal de cette somme à compter du 15 juin 2010, date de réception de sa demande indemnitaire préalable ;
Sur les conclusions incidentes du CHU d'Angers :
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 qu'en conséquence de l'application du droit de préférence de la victime aucune somme ne peut être allouée à la MSA de Maine-et-Loire en remboursement des arrérages de pension d'invalidité versés à MmeA... ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a condamné le CHU d'Angers à verser à cet organisme la somme de 16 117,30 euros à ce titre ; que le CHU d'Angers est, dès lors, fondé à demander, par la voie de l'appel incident, que la somme totale de 61 693,27 euros que l'établissement a été condamné à verser à la MSA de Maine-et-Loire en remboursement des débours exposés soit ramenée à 45 575,97 euros ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes n'a pas entièrement fait droit à ses demandes ; que le CHU d'Angers est également fondé à demander la réformation du jugement dans la mesure précisée au point 8 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'en application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge du CHU d'Angers le versement à l'ONIAM de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que le centre hospitalier universitaire d'Angers est condamné à payer à l'ONIAM au titre de la perte de revenus subie par Mme A...et au titre des frais d'assistance est portée à 34 468,81 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 15 juin 2010.
Article 2 : La somme de 61 693,27 euros que le centre hospitalier universitaire d'Angers a été condamné à payer à la mutualité sociale agricole de Maine et Loire est ramenée à 45 575,97 euros.
Article 3 : Le jugement n° 10-4958 du 31 décembre 2012 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le centre hospitalier universitaire d'Angers versera à l'ONIAM la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier universitaire d'Angers et à la mutualité sociale agricole de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2014, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Specht, premier conseiller,
- Mme Gélard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 juillet 2014.
Le rapporteur,
F. SPECHTLe président,
I. PERROT
Le greffier,
C.GUEZO
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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