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26/06/2014 | FRANCE | N°14NT00087

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 26 juin 2014, 14NT00087


Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2014, présentée par le préfet de la Loire-Atlantique ; le préfet demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 13036799 du 18 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 16 août 2013 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, et mettant à sa charge le paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... A... devant le t

ribunal administratif de Nantes ;

il soutient que :

- le tribunal administr...

Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2014, présentée par le préfet de la Loire-Atlantique ; le préfet demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 13036799 du 18 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 16 août 2013 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, et mettant à sa charge le paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... A... devant le tribunal administratif de Nantes ;

il soutient que :

- le tribunal administratif de Nantes a jugé à tort que l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente pour ce faire ;

- pour le surplus, il s'en rapporte aux arguments qu'il a développés dans son mémoire de première instance du 4 novembre 2013 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2014, présenté pour M. H... B...A..., par MeF... D... qui conclut au rejet de la requête et, demande à titre subsidiaire, l'annulation de l'arrêté contesté en tant qu'il ne lui accorde pas un délai supérieur à 30 jours pour quitter le territoire français et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de lui accorder un délai supérieur à 30 jours pour quitter le territoire français, et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de la renonciation de son conseil à percevoir l'aide juridictionnelle ;

il soutient que :

- le jugement attaqué devra être confirmé dès lors que le motif d'annulation retenu tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte est fondé ; que la délégation de signature produite en appel confirme que la délégation de signature octroyée au signataire de l'acte est irrégulière ;

- la décision fixant le pays de destination et celle accordant un délai de départ volontaire de trente jours sont entachées du même vice d'incompétence ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire, celle fixant le pays de destination et celle accordant un délai de départ volontaire de trente jours sont insuffisamment motivées ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire et celle fixant le pays de destination méconnaissent le principe du contradictoire prévu par l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision refusant d'accordant un délai de départ volontaire supérieur à trente jours français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et viole les dispositions de l'article 7-2 de la directive retour du 16 décembre 2008 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 7 mars 2014, admettant M. B... A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, et désignant Me F...D...pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2014 le rapport de M. Monlaü, premier conseiller ;

1. Considérant que le préfet de la Loire-Atlantique relève appel du jugement du 18 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 16 août 2013 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, et mettant à sa charge le paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant que, par arrêté en date du 29 juillet 2013 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Loire-Atlantique a dans l'article 5 dudit arrêté, donné délégation de signature à M. C... E..., sous-préfet de Chateaubriand, pour lui permettre d'assurer la permanence préfectorale qu'il est amené à tenir pendant les jours non ouvrables (samedi, dimanche et jours fériés) ou de fermeture exceptionnelle de la préfecture mais sans que l'arrêté en question restreigne ses effets à ces seules périodes, à effet de signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière et les décisions fixant le pays de destination ; que M. E..., qui bénéficiait ainsi d'une délégation permanente, était dès lors habilité à signer l'arrêté litigieux ; que par suite le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté en date du 16 août 2013 ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... A... devant le tribunal administratif et devant la cour ;

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté contesté :

4. Considérant, en premier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point n° 2, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte que M. B... A... dirige contre les décisions fixant le pays de destination et refusant de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 1°) Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (... ) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) " ; qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) " ;

6. Considérant d'une part, que l'arrêté du 16 août 2013 du préfet de la Loire-Atlantique portant obligation à M. B... A... de quitter le territoire français comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il énonce les dispositions applicables et les éléments de fait qui justifient la mesure prise à l'encontre de l'intéressé en relevant notamment les conditions d'entrée en France de ce dernier et les circonstances au regard desquelles le préfet a estimé que celui-ci entrait dans le champ d'application des dispositions de L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet a, également, examiné les risques que l'intéressé alléguait encourir en cas de retour dans son pays d'origine ; que d'autre part, lorsqu'elle accorde un délai de trente jours, pour satisfaire à l'obligation de quitter le territoire, l'autorité administrative n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger, comme en l'espèce, n'a présenté aucune demande tendant au bénéfice d'un délai d'une durée supérieure ; que le moyen tiré du défaut de motivation doit, dès lors, être écarté ;

7. Considérant en troisième lieu, qu'en vertu de leurs termes mêmes, les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, dès lors qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer dans ce code l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté contesté :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. " ;

9. Considérant que si M. B... A..., ressortissant égyptien, entré irrégulièrement en France en juillet 2013 fait valoir qu'il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, âgé de 29 ans est célibataire et sans enfant et n'établit pas être isolé en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas, en prenant la décision contestée méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; édictant la décision litigieuse ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort des termes même de cet arrêté que le préfet de la Loire-Atlantique a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ; que par suite le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire (...) / 2. Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux ou sociaux (...) " ;

12. Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutient M. B... A..., les dispositions du II de l'article L. 511-1 précité, qui fixent à trente jours le délai imparti à l'étranger pour quitter volontairement le territoire français et laissent la possibilité au préfet, après examen de la situation personnelle de l'intéressé, de lui octroyer un délai plus long ne sont pas incompatibles avec celles susmentionnées de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008, qu'elles avaient pour objet de transposer, qui imposent le respect d'un délai compris entre sept et trente jours pouvant faire l'objet d'une prolongation compte tenu de la situation personnelle de l'étranger ; que, dès lors, il n'y a pas lieu d'écarter l'application de ces dispositions ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en retenant ce délai, le préfet de la Loire-Atlantique a, compte tenu de la situation personnelle de M. B... A... telle que décrite au point 9, commis une erreur manifeste d'appréciation ;

13. Considérant en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

14. Considérant que si M. B... A... soutient qu'il serait exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine en raison de la situation de chaos existant actuellement dans son pays d'origine, il ne produit toutefois aucun élément permettant d'établir la réalité des risques qu'il invoque ; qu'ainsi, le préfet de la Loire-Atlantique, qui ne s'est pas estimé lié par la circonstance relevée à l'égard de l'intéressé tenant à l'absence de dépôt par celui-ci d'une demande d'asile qui aurait été de nature à établir l'allégation de risque en cas de retour de l'intéressé dans son pays d'origine, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 16 août 2013 obligeant M. B... A...à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions incidentes présentées par M. B... A... :

16. Considérant que compte tenu de ce qui a été dit aux points 9 et 12, les conclusions incidentes de M. B... A... tendant à l'annulation de l'arrêté contesté en tant qu'il refuse de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ne peuvent qu'être rejetées ; que le présent arrêt qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté contesté, n'implique aucune mesure d'exécution ; qu' il s'ensuit que les conclusions de M. B... A... tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui octroyer un délai supérieur à trente jours afin de parfaire à l'exécution de la mesure d'éloignement ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à son avocat de la somme que M. B... A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 18 décembre 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... A...devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident de M. B... A... et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. G... A.... Une copie sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Monlaü, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 juin 2014.

Le rapporteur,

X. MONLAÜ

Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00087


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00087
Date de la décision : 26/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Xavier MONLAU
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : RODRIGUES-DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-06-26;14nt00087 ?
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