Vu la requête, enregistrée le 8 janvier 2014, présentée pour Mme A... B..., demeurant..., par Me Cohen-Tapia, avocat au barreau de Toulouse, qui demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1108768 du 6 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 mars 2011 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a ajourné à deux ans sa demande d'acquisition de la nationalité française et de la décision du 21 juin 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté son recours hiérarchique ;
2°) d'annuler ces décisions pour excès de pouvoir ;
3°) d'ordonner à l'administration de lui accorder la nationalité française dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de condamner le préfet de la Haute-Garonne à lui rembourser les droits de plaidoirie prévues à l'article L. 723-3 du code de la sécurité sociale ;
elle soutient que :
- les décisions contestées méconnaissent les articles 21-15 à 21-17 du code civil ;
- l'accession à la nationalité française lui est nécessaire pour accéder à un emploi et la précarité de son contrat de travail ne s'explique que par l'absence de cette nationalité ;
- il faut tenir compte des ressources de l'ensemble de son foyer ; elle travaille à la mairie de Saint-Jean depuis octobre 2008 ; son mari exerçait une activité d'intérimaire et dispose d'un contrat à durée indéterminée depuis avril 2011 ;
- elle est très bien intégrée dans la société française ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
il fait valoir que :
- il n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation ;
- jusqu'à une date très récente à la date de la décision contestée, son époux n'exerçait que des missions d'intérim ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2014 :
- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;
1. Considérant que Mme B..., ressortissante turque, relève appel du jugement du 6 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 3 mars 2011 et du 21 juin 2011 par lesquelles le préfet de Haute-Garonne et le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ont ajourné à deux ans sa demande de naturalisation ; qu'elle doit être regardée comme demandant l'annulation de la décision du ministre, qui s'est substituée à celle du préfet ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; qu'il peut légalement prendre en compte le degré d'insertion professionnelle et d'autonomie matérielle du postulant ;
3. Considérant que pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation de Mme B..., le ministre a estimé qu'elle ne disposerait pas des ressources propres, suffisantes et pérennes lui permettant d'assurer l'autonomie financière de son foyer dans la durée ;
4. Considérant que, si la requérante exerce depuis le mois de septembre 2008 au sein de la commune de Saint-Jean un emploi salarié lui ayant procuré des revenus de 3 559 euros en 2009 et de 13 503 euros en 2010, cet emploi, qui ne résulte que d'engagements successifs à durée déterminée et à temps partiel, ne présente pas de garantie de pérennité et demeure récent à la date de la décision contestée, la postulante ayant également déclaré n'avoir exercé aucune activité rémunérée entre mars 1990 et septembre 2008 ; qu'en outre, si elle se prévaut de la circonstance que son époux exerce des activités salariées lui ayant procuré des revenus de 12 668 euros en 2009 et de 19 875 euros en 2010, de sorte que leur foyer, qui compte un enfant à charge, disposait de revenus propres suffisants, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B... n'exerçait que des missions d'intérim jusqu'au 18 avril 2011, date à compter de laquelle il aurait bénéficié d'un contrat de travail à durée indéterminée, toutefois très récent au moment de l'intervention de la décision ministérielle en litige ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments et au large pouvoir dont dispose le ministre pour apprécier l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, le ministre n'a, en l'espèce, pas commis d'erreur manifeste en décidant d'ajourner à deux ans la demande de naturalisation de Mme B... ;
5. Considérant que, si la requérante soutient, d'une part, qu'elle répond aux conditions de recevabilité d'une demande de naturalisation, d'autre part, que la nationalité française est nécessaire à sa titularisation et, enfin, qu'elle-même et son époux sont bien intégrés dans la société française, ces circonstances sont toutefois sans influence sur la légalité de la décision en litige, qui n'a pas déclaré irrecevable la demande de naturalisation ;
6. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution et que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre d'accorder la nationalité française à Mme B... ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme B... demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en ce compris le droit de plaidoirie ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Millet, président,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
- M. Durup de Baleine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 juin 2014.
Le rapporteur,
A. DURUP DE BALEINE Le président,
J.-F. MILLET
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT00027 2
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