Vu la requête, enregistrée le 18 octobre 2013, présentée pour M. et Mme B... A..., demeurant..., par Me D... 'h, avocat au barreau d'Annecy ; M. et Mme A... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1004413 du 26 août 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été réclamé au titre de la période allant du 1er janvier au 31 octobre 2008 ;
2°) de prononcer la décharge de cette imposition ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les intérêts moratoires et les frais de constitution de garantie éventuellement exposés ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens ;
ils soutiennent que :
- en application de l'instruction 3 D-1-96 publiée au bulletin officiel des impôts le 12 mars 1996, dont ils entendent se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée, acquittée le 7 avril 1999 lors l'acquisition d'un appartement sis à Crozon, et déduite en raison de l'exercice d'une activité de loueurs de locaux nus, ayant cessé le 13 janvier 2009, devait être effectuée par dixième pendant 10 ans dès lors que la première demande de permis de construire relative au terrain de Cap Morgat a été déposée au mois de mai 1995, et le permis délivré le 4 septembre 1995 et que la circonstance qu'un nouveau permis de construire a été déposé après le 1er janvier 1996 par une personne autre que le demandeur initial n'est pas de nature à modifier les règles de calcul de la régularisation de taxe sur la valeur ajoutée ; l'administration a imposé une condition supplémentaire non prévue par la doctrine administrative ;
- en relevant une identité de terrain, de destination de la construction, de réglementation économique de l'activité exercée et de l'application de la taxe de séjour, tout en considérant que les deux permis de construire portaient sur des opérations différentes, au sens de la doctrine, le tribunal administratif de Rennes a entaché son jugement d'une contradiction de motifs et d'une erreur d'appréciation dans la mesure où les hôtels de tourisme et les résidences de tourisme relèvent de la même réglementation, appartiennent à l'industrie hôtelière et constituent des établissements hôteliers ;
- dans un courrier du 10 février 1999, la société Pierre et Vacances Promotion Immobiliers a confirmé la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée par dixième compte tenu de la délivrance d'un permis de construire antérieurement au 1er janvier 1996 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2014, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- depuis le décret n° 95-1328 du 28 décembre 1995, la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée, afférente aux immeubles, s'effectue par vingtièmes et non plus par dixièmes et que, si l'instruction administrative 3 D-1-96 du l2 mars 1996 qu'invoquent les requérants a commenté les modalités d'application de ce nouveau dispositif et a notamment précisé les immeubles concernés en y intégrant, en dérogation à la loi fiscale, une mesure dite " anti rétroactivité " d'application et d'interprétation stricte, la date du premier permis de construire peut, en cas de délivrance de plusieurs permis de construire, être prise en compte pour définir la période de régularisation de taxe sur la valeur ajoutée si et seulement si elle concerne la même opération, c'est-à-dire s'il existe un lien juridique ou administratif entre les deux actes ;
- au cas particulier, si les deux permis de construire visés par les requérants concernent la même catégorie d'opération de construction au sens de la réglementation de l'urbanisme, et portent sur la même parcelle de terrain, il ne s'agit pas d'un même projet immobilier, mais de deux opérations immobilières distinctes portant sur des projets de constructions différents qui ont bénéficié de la délivrance de deux permis de construire successifs sans lien l'un avec l'autre ;
- les requérants ne sauraient utilement se référer pour établir le contraire à l'attestation du l0 février 1999 donnée par la société " Pierre et Vacances " à MaîtreC..., notaire, laquelle ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale ou appréciation formelle de leur situation de fait ;
- les conclusions tendant au versement par l'Etat d'intérêts moratoires et au remboursement des frais exposés pour constituer des garanties sont irrecevables ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 mai 2014, présenté pour M. et Mme A... qui concluent par les mêmes moyens aux mêmes fins que leur requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret 2007-566 du 16 avril 2007 relatif aux modalités de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant l'annexe II au code général des impôts ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2014 :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;
1. Considérant que M. et Mme A... ont acquis, le 7 avril 1999, en l'état futur d'achèvement un appartement et une place de parking dans la résidence de tourisme " Cap Morgat " située à Crozon (Finistère) ; que cette cession a été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions du 7 ° de l'article 257 du code général des impôts ; que ces biens ont été loués nus à la société " Pierre et Vacances " par un bail commercial à compter de la même date ; que cette location a été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée en application du c) du 4° de l'article 261 D du code général des impôts ; que M. et Mme A... ont mis fin à ce bail le 31 octobre 2008 ; que, sur le fondement du III de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts, ils ont été assujettis, sur le fondement de la procédure de taxation d'office, à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée en raison de la cessation de leur activité imposable, à hauteur de 11 848 euros, correspondant à la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée lors de l'acquisition de leurs biens immobiliers et initialement déduite ; que M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 26 août 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la décharge de ce rappel de taxe ;
Sur les conclusions à fin de décharge de l'imposition :
En ce qui concerne la loi fiscale :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts, applicable à la date de la cessation d'activité de loueur de locaux nus de M. et Mme A... : " (...) II. - 1. Pour les biens immobilisés, une régularisation de la taxe initialement déduite est opérée chaque année pendant cinq ans, dont celle au cours de laquelle ils ont été acquis, importés, achevés, utilisés pour la première fois ou transférés entre secteurs d'activité constitués en application de l'article 209. / 2. Chaque année, la régularisation est égale au cinquième du produit de la taxe initiale par la différence entre le coefficient de déduction de l'année et le coefficient de déduction de référence mentionné au 2 du V. Elle prend la forme d'une déduction complémentaire si cette différence est positive, d'un reversement dans le cas contraire. / 3. Par dérogation à la durée mentionnée au 1 et à la fraction mentionnée au 2, cette régularisation s'opère pour les immeubles immobilisés par vingtième pendant vingt années. (...) / 5. Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables : 2° Aux immeubles livrés, acquis, apportés ou utilisés pour la première fois avant le 1er janvier 1996. (...) / III. - 1. Une régularisation de la taxe initialement déduite et grevant un bien immobilisé est également opérée : (...) / 5° Lorsqu'il cesse d'être utilisé à des opérations imposables. / 2. Cette régularisation est égale à la somme des régularisations qui auraient été effectuées jusqu'au terme de la période de régularisation en application des 1, 2, 3 et 5 du II, en considérant que pour chacune des années restantes de cette période : (...) / 5° Dans le cas visé au 5° du 1, le coefficient d'assujettissement est égal à zéro. " ; qu'en application de ces dispositions, pour les immeubles livrés, acquis ou apportés à compter du 1er janvier 1996, une régularisation de la taxe initialement déduite s'opère par vingtième pendant vingt années pour les immeubles immobilisés lorsqu'ils cessent d'être utilisés à des opérations imposables ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les biens acquis par M. et Mme A... le 7 avril 1999 ont cessé d'être utilisés à la location, imposable à la taxe sur la valeur ajoutée, le 31 octobre 2008 ; que cette cessation d'activité étant toutefois intervenue avant l'expiration d'une période de vingt ans, M. et Mme A... entrent dans les prévisions du 3 du II de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts aux termes duquel une régularisation de la taxe initialement déduite s'opère pour les immeubles immobilisés par vingtième pendant vingt années ; que, par suite, c'est par une exacte application de la loi fiscale que l'administration a notifié à M. et Mme A... un rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 11 848 euros en droits ;
En ce qui concerne l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales :
4. Considérant que M. et Mme A... se prévalent, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction 3-D-1-96 du 1er mars 1996 commentant le décret n° 95-1328 du 28 décembre 1995 ayant porté de dix à vingt ans la période de régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux immeubles et selon laquelle, pour les immeubles livrés, acquis ou apportés à compter du 1er janvier 1996 " afin de priver le dispositif de tout caractère rétroactif, il a été admis de prendre comme point de départ la date du dépôt de la première demande de permis de construire effectué conformément aux dispositions de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme. Cette date est conservée même si la première demande est ensuite modifiée ou complétée ou si un nouveau permis est délivré au titre de cette opération " ;
5. Considérant qu'à supposer même que cette instruction n'était pas devenue caduque en 2008 à la suite de l'entrée en vigueur depuis le 1er janvier du décret du 16 avril 2007, lequel a procédé à la refonte des règles de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et a modifié le régime des régularisations, les requérants n'entrent pas, en tout état de cause, dans les prévisions de l'instruction du 1er mars 1996 dès lors que la première demande de permis de construire déposée au mois de mai 1995 et ayant donné lieu à la délivrance d'un permis le 4 septembre 1995 portait sur la construction d'un hôtel avec un centre de remise en forme, alors que l'opération finalement réalisée, à la suite de la délivrance, après retrait le 28 avril 1998 du permis initial, d'un nouveau permis de construire en date du 27 mai 1998 portait sur la construction d'une résidence de tourisme de soixante-sept logements et ne peut ainsi être regardée comme un nouveau permis " délivré au titre de cette opération " ; qu'il en va ainsi alors même que les deux opérations permettent l'accueil d'une clientèle touristique, sont soumises à la même réglementation touristique et que l'activité déployée est assujettie dans les deux cas à la taxe de séjour ;
6. Considérant que la lettre du 10 février 1999 de la société Pierre et Vacances, faisant état de ces dispositions de l'instruction du 1er mars 1996 et dont les termes ont été repris dans l'acte de vente en date du 7 avril 1999, n'est pas opposable à l'administration fiscale et ne peut utilement être invoquée ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a
rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires et au remboursement des frais exposés pour la constitution de garanties :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés " ;
9. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point 7, les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires et au remboursement des frais exposés pour la constitution d'éventuelles garanties ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées par voie de conséquence du rejet des conclusions à fin de décharge ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. et Mme A... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu de laisser à la charge des requérants les dépens prévus à l'article R. 761-1 du code de justice administrative et dont ils demandent la mise à la charge de l'Etat ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Bachelier, président de la cour,
- M. Lenoir, président de chambre,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juin 2014.
Le rapporteur,
M-P. ALLIO-ROUSSEAU Le président,
G. BACHELIER
Le greffier,
C. CROIGER
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT02946 2
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