Vu la requête, enregistrée le 4 mars 2013, présentée pour Mme C... B..., demeurant..., par Me A... de la Iglesia, avocat au barreau de Saint-Brieuc ; Mme B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 09-3778 du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à ce que soit ordonnée une expertise médicale relative aux causes de l'infection mise en évidence en 2008 qu'elle impute aux soins reçus au centre hospitalier régional universitaire de Rennes en 2005 et aux préjudices qu'elle aurait subis du fait de ces soins ;
2°) d'ordonner cette expertise médicale ;
elle soutient :
- qu'elle ne comprend pas le sens du jugement attaqué dès lors qu'en présence d'une présomption d'infection nosocomiale elle sollicitait une expertise à laquelle le centre hospitalier régional universitaire de Rennes ne s'est pas opposé ;
- qu'il est probable que l'épisode fébrile qu'elle a subi en avril 1999 soit en lien avec une infection nosocomiale contractée lors du repositionnement de son pacemaker en 1996 ; que de même, l'infection à staphylocoque coagulase négatif méthi S mise en évidence en mai 2008, à l'origine de douleurs et de l'intervention du 5 septembre 2008 réalisée afin de remplacer son pacemaker, a probablement été contractée lors de l'intervention du 8 novembre 2005 pratiquée au centre hospitalier régional universitaire de Rennes ;
- qu'en raison de ces présomptions d'infection nosocomiale, elle est fondée à solliciter
une expertise médicale pour déterminer, avant dire droit, la nature de l'infection et ses causes probables ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2013, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor qui conclut à ce qu'il soit " sursis à statuer sur son recours subrogatoire " tendant au remboursement des débours qu'elle a supportés pour son assurée Mme B... dans l'attente des résultats de l'expertise sollicitée par cette dernière, et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de cet établissement au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle fait valoir :
- que Mme B... établit la réalité de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée au centre hospitalier régional universitaire de Rennes au cours de l'intervention pratiquée sur elle le 8 novembre 2005 ; qu'ainsi, l'expertise sollicitée présente un caractère d'utilité ;
- que le montant des débours qu'elle a supportés pour son assurée s'élève à 47 300,11 euros ; que toutefois, ce n'est qu'après le dépôt du rapport d'expertise qu'elle pourra exercer son recours dans les conditions prévues par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2013, présenté pour le centre hospitalier régional et universitaire de Rennes, représenté par son directeur général, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, qui conclut au rejet de la requête et au rejet des conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor ;
il fait valoir :
- que malgré la demande faite à Mme B... par le tribunal administratif de Rennes de produire les pièces relatives à l'infection qu'elle invoquait, celle-ci n'a fourni aucun élément de nature à établir la réalité de cette infection ; qu'ainsi, en l'absence d'éléments de nature à justifier qu'une expertise soit ordonnée, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande formulée par Mme B... ;
- que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor ne sont pas fondées dès lors que la requête de Mme B... ne tend qu'à la désignation d'un expert ; qu'en tout état de cause, sa responsabilité n'est pas établie ;
Vu le courrier, enregistré le 9 décembre 2013, par lequel la mutuelle générale de l'éducation nationale indique qu'elle n'est pas en mesure de fournir un décompte de ses débours ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2014 :
- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
1. Considérant que Mme B... relève appel du jugement du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à ce que soit ordonnée une expertise médicale relative aux causes de l'infection qu'elle impute aux soins qu'elle a reçus au centre hospitalier régional universitaire de Rennes le 8 novembre 2005 ; que la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor, quant à elle, conclut à ce qu'il soit sursis à statuer sur son recours subrogatoire dirigé contre le centre hospitalier régional universitaire de Rennes et tendant au remboursement des débours qu'elle a supportés pour son assurée Mme B..., dans l'attente des résultats de l'expertise sollicitée par cette dernière ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'entre elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision " ; qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. " ;
3. Considérant qu'il appartient au demandeur qui engage une action en responsabilité à l'encontre de l'administration d'apporter tous éléments de nature à établir devant le juge l'existence de faits de nature à engager la responsabilité de l'administration et la réalité du préjudice subi ; qu'il incombe alors, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation ; qu'il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile ;
4. Considérant que Mme B... bénéficie de l'assistance d'un pacemaker qui lui a été implanté au centre hospitalier régional universitaire de Rennes le 9 septembre 1985, et a été renouvelé pour usure le 16 mai 1993 et le 8 novembre 2005 dans le même établissement ; que Mme B... a subi, par ailleurs, une intervention visant à repositionner ce dispositif le 31 janvier 1996 ; qu'à la suite d'un traumatisme intervenu courant 2006, le boîtier de stimulation cardiaque a été déplacé, occasionnant une gêne régulière de la patiente ainsi qu'une inflammation locale traitée, depuis décembre 2007, par des soins externes sans prescription d'antibiotiques ; que Mme B..., qui se plaignait de douleurs à l'endroit du stimulateur, a finalement été hospitalisée le 8 avril 2008 au centre hospitalier de la Pitié Salpêtrière à Paris afin que ce dispositif médical soit repositionné ; que les prélèvements bactériologiques effectués au cours de cette hospitalisation ont mis en évidence la présence dans l'organisme de la patiente d'un staphylocoque à coagulase négatif et qu'en raison de cette infection un nouvel appareil a dû être implanté au cours d'une intervention réalisée le 5 septembre 2008 ;
5. Considérant que Mme B... se borne à indiquer devant la cour, comme elle l'a fait devant le tribunal administratif de Rennes, qu'elle estime possible d'avoir été victime d'une infection nosocomiale contractée au cours du renouvellement de son pacemaker soit en 1996 soit en novembre 2005 au centre hospitalier régional universitaire de Rennes, et que ces soupçons justifient qu'une expertise soit ordonnée afin de déterminer les causes de l'infection mise en évidence en mai 2008 ; qu'il résulte cependant de l'instruction, et en particulier du compte-rendu opératoire de l'intervention réalisée le 8 novembre 2005, que l'évolution des soins qu'elle a reçus dans cet établissement a été simple et favorable ; que le compte-rendu de l'intervention du 8 avril 2008, au cours de laquelle le dispositif médical a été repositionné, précise l'absence de tout signe inflammatoire à l'endroit du boîtier ; que, de même, le compte-rendu de la réimplantation de l'appareil en septembre 2008 ne relève aucun germe d'origine nosocomiale ; que la seule mise en évidence d'une infection de la loge du pacemaker à staphylocoque epidermidis en mai 2008, soit plusieurs années après la ou les interventions en cause, n'est pas de nature à établir l'existence d'une infection nosocomiale trouvant son origine dans les soins prodigués au centre hospitalier régional universitaire de Rennes et ayant causé à Mme B... un préjudice spécifique ; que, dans ces conditions, et en l'absence de toute présomption d'infection nosocomiale imputable au centre hospitalier régional universitaire de Rennes, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'expertise sollicitée par elle présenterait un caractère utile au sens des dispositions précitées de l'article R. 621-1 du code de justice administrative ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que, pour les mêmes motifs, il y a lieu de rejeter l'ensemble des conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Rennes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... et les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au centre hospitalier régional et universitaire de Rennes, à la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor et à la mutuelle générale de l'éducation nationale.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2014, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. Lemoine, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 juin 2014.
Le rapporteur,
F. LEMOINELe président,
I. PERROT
Le greffier,
C. GUÉZO
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT00740