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12/06/2014 | FRANCE | N°13NT00628

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 12 juin 2014, 13NT00628


Vu la requête, enregistrée le 27 février 2013, présentée pour M. et Mme A...B..., demeurant..., par Me Madrid, avocat au barreau de Paris ; M. et Mme B... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101670 du 29 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3°) de

mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 5 000 euros au titre de l'artic...

Vu la requête, enregistrée le 27 février 2013, présentée pour M. et Mme A...B..., demeurant..., par Me Madrid, avocat au barreau de Paris ; M. et Mme B... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101670 du 29 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que la proposition de rectification du 27 octobre 2009 qui leur a été adressée est insuffisamment motivée ;

- les revenus de la SCI du Palais sont des revenus fonciers, et non des bénéfices non commerciaux, susceptibles de s'imputer sur le revenu global en application des dispositions de l'article 156-3° du code général des impôts ;

- la doctrine administrative assimile pour les régimes fiscaux, dits Besson, Robien et Scellier, les revenus du preneur d'un bail emphytéotique à des revenus fonciers ;

- la SCI de Palais, qui a signé avec le département de l'Ariège un bail emphytéotique

portant sur le palais des Evêques de Saint-Lizier, immeuble inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, a procédé à d'importants travaux destinés à réhabiliter et moderniser 82 logements pour les rendre habitables et doit être considérée, pendant la durée du bail, comme propriétaire des appartements qu'elle a rénovés dans la mesure où le bail emphytéotique, défini à l'article L. 451-1 du code rural, confère à son preneur pendant sa durée un droit réel immobilier de jouissance sur l'immeuble loué, qui l'autorise à hypothéquer ce droit, à le céder et qui peut être saisi et où c'est en conséquence un droit réel principal démembré du droit de propriété ; la situation de l'emphytéote est assimilable à celle d'un usufruitier ; en application des dispositions de l'article L. 451-10 du code rural, l'emphytéote devient propriétaire au fur et à mesure des constructions effectuées sur le bien ;

- en refusant d'appliquer au cas d'espèce le bénéfice des dispositions des articles 14 et 156-I-3° du code général des impôts, l'administration méconnait le principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant l'impôt ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 août 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la proposition de rectification du 27 octobre 2009 est suffisamment motivée ;

- le bail emphytéotique, qui confère un droit réel immobilier à son titulaire, est un contrat de louage au sens de l'article 1709 du code civil dès lors que le preneur doit verser une redevance pour profiter du bien objet du contrat ;

- la SCI de Palais n'est pas titulaire du bail emphythéotique conclu au profit de la SARL Espaci, mais sous-emphythéote de sorte que, n'étant pas propriétaire de l'immeuble, les revenus tirés de son activité de sous-location relèvent de la catégorie des bénéfices non commerciaux et que l'activité n'étant pas exercée à titre professionnel, les déficits tirés de l'activité de sous-location ne sont pas au nombre des déficits catégoriels imputables sur le revenu global ;

- si la doctrine administrative indique que les revenus de location perçus par les propriétaires d'un immeuble faisant l'objet d'un bail emphythéotique constituent des revenus fonciers, elle ne qualifie nullement comme relevant de cette catégorie ceux tirés de la sous-location d'un bien pris à bail emphythéotique ;

- le principe d'égalité des citoyens devant la loi fiscale n'est pas méconnu ;

- en tout état de cause, les requérants ne justifient ni de la réalité, ni de la nature, ni du paiement des travaux effectués sur l'immeuble ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code rural ;

Vu la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 relative à l'urbanisme et l'habitat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2014 :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à la suite d'un contrôle sur pièces de leurs déclarations d'impôt sur le revenu, l'administration a remis en cause la déduction de déficits fonciers, réalisée au titre des années 2006 et 2007, à hauteur respectivement de 18 113 euros et de 16 782 euros, que M. et Mme B... ont imputés sur leur revenu global, et correspondant aux parts sociales qu'ils détenaient dans la société civile immobilière (SCI) du Palais ; que M. et Mme B... relèvent appel du jugement en date du 29 janvier 2013 du tribunal administratif de Caen qui a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007, et des pénalités correspondantes ;

Sur les conclusions à fin de décharge de l'imposition :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 53 du même livre, dans sa rédaction : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même. (...) " ; que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; que, par ailleurs, en ce qui concerne les sociétés régies par l'article 8 du code général des impôts, la procédure contradictoire de redressement de l'imposition doit être suivie entre la société et l'administration fiscale et non entre cette dernière et chacun des membres de la société ; qu'en revanche, l'administration ne peut légalement mettre de suppléments d'imposition à la charge personnelle des associés sans leur avoir notifié, dans les conditions prévues à l'article L. 57, les corrections apportées aux déclarations qu'ils ont eux-mêmes souscrites, en motivant cette notification au moins par une référence aux rehaussements apportés aux bénéfices sociaux de la société et par l'indication de la quote-part de ces bénéfices à raison de laquelle les intéressés seront imposés ;

3. Considérant que la proposition de rectification, adressée le 27 octobre 2009 à M. et

Mme B..., mentionnait les rehaussements apportés aux bénéfices de la SCI du Palais dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, lesquels avaient été notifiés le 15 décembre 2008 au gérant de cette SCI, et indiquait aux contribuables la quote-part du déficit foncier remise en cause à raison de laquelle ils seraient imposés au titre des années 2006 et 2007 ; que, dans ces conditions, l'administration a précisé à M. et Mme B... la nature et le montant du redressement envisagé ; que cette proposition de rectification reprend les termes de celle adressée au gérant de la SCI du palais le 15 décembre 2008 ; qu'elle mentionne en outre les années concernées, la nature et le montant des rehaussements envisagés et expose les motifs des rectifications apportées à la déclaration de leurs au titre des années 2006 et 2007, en précisant, notamment, que lorsque l'emphytéote donne lui-même en location le bien dont il est preneur, les biens sont alors imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; qu'elle indique enfin que c'est à tort que la SCI du Palais a déclaré ses revenus dans la catégorie des revenus fonciers et qu'en conséquence, les dépenses engagées en vue de la réhabilitation du Palais des Evêques n'étaient pas déductibles des revenus fonciers des contribuables ; que, dans ces conditions, les propositions de rectification du 15 décembre 2008 et du 27 octobre 2009, quel que soit le bien-fondé de la position de l'administration, étaient suffisamment motivées pour permettre à M. et Mme B... de formuler utilement leurs observations, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

4. Considérant, en premier lieu et d'une part, qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles 14, 29 et 31 du code général des impôts que les dépenses de réparation, d'entretien ou d'amélioration des immeubles ne peuvent être déduites du revenu foncier brut, et le cas échéant du revenu global en application des dispositions du 3° du I de l'article 156 du même code, que dans la mesure où, notamment, les charges alléguées sont dûment justifiées, se rapportent à des immeubles dont les revenus sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers, sont effectivement supportées par le propriétaire et sont engagées en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu ; qu'en revanche, les loyers tirés de la sous-location d'un immeuble sont, en vertu de l'article 92 de ce code, imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; que dans le cas où cette sous-location génère des déficits dans le cadre de l'exercice d'une activité à titre non professionnel, ceux-ci ne peuvent être déduits du revenu global en application du 2° du I de l'article 156 du même code ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 451-1 du code rural applicable au litige : " Le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. Ce bail doit être consenti pour plus de dix-huit années et ne peut dépasser quatre-vingt-dix-neuf ans ; il ne peut se prolonger par tacite reconduction " ; qu'aux termes de l'article L. 451-10 de ce code : " L'emphytéote profite du droit d'accession pendant la durée de l'emphytéose " ;

6. Considérant que le département de l'Ariège, propriétaire du Palais des Evêques, situé à Saint-Lizier (Ariège), a conclu le 5 avril 2004 avec la société Espaci un bail emphytéotique, d'une durée de 40 ans, en vue de la rénovation d'une partie de cet ensemble immobilier, qui est inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques ; que la société Espaci a constitué le 30 décembre 2004 avec la SCI du Palais une société en participation dénommée " Princes du Palais " ; qu'en vertu du contrat conclu entre les deux sociétés, la SCI du Palais, dont Mme B... est associée et qui a entrepris d'effectuer des travaux de rénovation sur le Palais des Evêques, est seulement concessionnaire des droits que la société Espaci lui a concédés sur ce bail emphytéotique ; que, dans ces conditions, la SCI du Palais n'a pas eu du fait de ce bail et pendant la durée de celui-ci, malgré l'importance des travaux réalisés, la qualité de propriétaire du bâtiment qu'elle devait réhabiliter ; que, par suite, les revenus tirés par cette société de la sous-location de ce bâtiment n'étaient pas imposables dans la catégorie des revenus fonciers ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration, qui n'a pas fondé les rectifications en litige sur ses instructions, a estimé que les dépenses correspondant aux travaux de rénovation de l'immeuble ne constituaient pas une charge déductible des revenus fonciers de l'année 2006 et 2007 de M. et Mme B... ;

7. Considérant, en second lieu, qu'en dehors des cas et conditions où elle est saisie sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur un moyen tiré de la non conformité de la loi à une norme de valeur constitutionnelle ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'exclusion de la catégorie des revenus fonciers des revenus du preneur d'un bail emphytéotique, à la différence des opérations immobilières de même nature réalisées dans le cadre de dispositifs législatifs spécifiques, visés à l'article 31 du code général des impôts, méconnaîtrait le principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant l'impôt, ne peut qu'être écarté ;

S'agissant de l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les investissements par la SCI du Palais ne relèvent ni de l'instruction administrative 5 D-4-99 du 20 août 1999 relative à l'article 96 de la loi de finances pour 1999 qui met en place deux dispositifs permanents d'incitation fiscale en faveur des propriétaires bailleurs pour les locations de caractère intermédiaire, ni de l'instruction administrative 5-D-3-05 publiée le 21 février 2005 concernant l'article 91 de la loi du 2 juillet 2003 relative à l'urbanisme et l'habitat ; que, par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de ces instructions dans les prévisions desquelles ils n'entrent pas ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a, d'autre part, lieu de laisser à la charge des requérants les dépens prévus à l'article R. 761-1 du code de justice administrative et dont ils demandent la mise à la charge de l'Etat ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,

- M. Lenoir, président de chambre,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2014.

Le rapporteur,

M-P. ALLIO-ROUSSEAU Le président,

G. BACHELIER

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT00628 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00628
Date de la décision : 12/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : MADRID

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-06-12;13nt00628 ?
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