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12/06/2014 | FRANCE | N°11NT02618

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 12 juin 2014, 11NT02618


Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2011, présentée pour le département de la Manche représenté par le président du conseil général par Me Vogel, avocat ; le département de la Manche demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0801498-1101283 du 20 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision expresse du 17 avril 2008 et des décisions implicites par lesquelles le directeur des services fiscaux de la Manche a rejeté ses demandes tendant à l'établissement de rôles supplémentaires de

taxe professionnelle au titre des années 2007, 2008 et 2009 à l'encontre d...

Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2011, présentée pour le département de la Manche représenté par le président du conseil général par Me Vogel, avocat ; le département de la Manche demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0801498-1101283 du 20 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision expresse du 17 avril 2008 et des décisions implicites par lesquelles le directeur des services fiscaux de la Manche a rejeté ses demandes tendant à l'établissement de rôles supplémentaires de taxe professionnelle au titre des années 2007, 2008 et 2009 à l'encontre de la société Areva au titre des établissements possédés par cette société sur les territoires des communes de Digueville, Herquevelle, Omonville-la-petite et Jobourg ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de désigner un expert ayant pour mission de se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission et notamment tous les documents comptables et rapports sur lesquels la société Areva prétend asseoir sa décision, de dresser la liste des immobilisations, objet des quatre déclarations concernant la taxe professionnelle effectuée par la société Areva pour le site de la Hague au titre de l'exercice 2005 et des exercices antérieurs, de constater l'inscription comptable et le régime d'amortissement appliqué auxdites immobilisations pour l'année 2005 et les exercices antérieurs et préciser la durée retenue pour chaque immobilisation et chaque exercice, de dire si tout ou partie de ces immobilisations étaient amorties selon la méthode par composants au titre de l'exercice 2005 et des exercices précédents, de constater les modifications intervenues entre les quatre déclarations fiscales effectuées en 2006 au regard des déclarations des exercices précédents et notamment les modifications portant sur la durée d'amortissement, de chiffrer les conséquences des modifications constatées au regard

de la taxe professionnelle, de dire si des usages en matière d'amortissement pour des immobilisations techniquement comparables existent, de dire si la notion d'Installation Complexe Spécialisée ne recouvre pas des immobilisations dont la perspective de renouvellement est identifiée et prévisible notamment à la lecture du rapport du bureau Veritas et de dire si les durées d'amortissement des immobilisations non intégrées dans une Installation Complexe Spécialisée ont fait l'objet d'une modification à partir de 2005 ;

4°) d'enjoindre à l'administration fiscale d'émettre, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard, des rôles complémentaires portant réintégration des bases illégalement exclues au titre des années 2007 à 2009 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur l'argument tiré de ce que les pratiques antérieures d'amortissement appliquées par la société Areva formaient un usage qui lui était opposable ;

- le tribunal s'est déterminé sur la base des seules affirmations de la société Areva sans ordonner les mesures d'expertise nécessaires ;

- les décisions attaquées méconnaissance l'article 72-2 de la Constitution ;

- il est fondé à demander le bénéfice de la mesure de neutralisation prévu à l'article 1469 du code général des impôts dès lors que l'allongement de la durée des amortissements à l'origine de la diminution du montant de la taxe professionnelle résulte de l'application de la méthode d'amortissement par composants ;

- il justifie en effet de l'existence d'immobilisations relevant d'un amortissement par composants ; cette preuve résulte de la décision de l'administration du 17 avril 2008, des déclarations de taxe professionnelles de la société Areva et de l'extrait des comptes déposés par la société Cogema au titre de l'année 2005 ;

- la pratique par la société Areva d'un amortissement d'une durée inférieure à 30 ans constitue un usage opposable au sens de l'article 39 du code général des impôts ;

- la décision comptable prise d'augmenter la durée d'amortissement au-delà de 30 ans n'est pas justifiée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2012, présenté par le ministre délégué chargé du budget ; il conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- il ne peut être fait grief au tribunal de ne pas avoir décidé des mesures d'expertise sollicitées dès lors qu'une telle décision relève de l'appréciation souveraine des juges du fond ;

- la décision du 17 avril 2008 si elle a indiqué que la société Areva amortissait

traditionnellement ses actifs corporels suivant la méthode des composants indiquait également qu'un tel mode était exclu pour les installations nucléaires non décomposées ;

- l'allongement de la durée d'amortissement en litige n'est pas imputable à la mise en oeuvre des nouvelles normes comptables ;

- le rapport Veritas n'établit pas que certains équipements relevaient d'un amortissement par composants rendant applicable la mesure de neutralisation prévue au deuxième alinéa du 2° de l'article 1469 du code général des impôts ;

- le tribunal n'a commis aucune erreur de droit en estimant qu'en dépit de certains errements de l'entreprise, il n'existait pas de pratique antérieure caractérisant l'existence d'un usage dans la mesure où, compte tenu de la singularité des installations de retraitement nucléaire, aucune pratique d'amortissement sur des biens similaires ne pouvait être identifiée ;

- la modification de la durée d'amortissement est justifiée par un faisceau d'indices conférant un caractère de probabilité suffisant à l'exécution des opérations de retraitement jusqu'en 2025 ;

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 31 octobre 2012, présenté pour la société Areva NC dont le siège social est situé 33 rue Lafayette à Paris (75009), par Me Bardet, avocat ; la société Areva NC demande à la cour de rejeter la requête du département de la Manche et à ce que soit mis à la charge du département de la Manche le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le tribunal n'a pas commis d'erreur en ne prononçant pas les mesures d'expertise sollicitées ; une telle expertise était inutile et aurait conduit l'expert à répondre à des questions de droit ; l'opportunité d'une telle mesure relève du pouvoir souverain d'appréciation du juge et celui-ci était suffisamment éclairé compte tenu des informations figurant dans le dossier ;

- il appartient au département de saisir la juridiction d'une question prioritaire de constitutionnalité s'il estime que l'article 72-2 de la Constitution a été méconnu ;

- le département n'établit pas l'existence d'équipements relevant d'un amortissement par composants en ce qui concerne le site de la Hague ; en revanche, s'agissant des éléments autres que ceux constituant l'installation nucléaire, la société fait application des règles comptables en vigueur, à savoir la méthode d'amortissement par composant, mains uniquement à compter de la mise en oeuvre de cette méthode par la loi ;

- les débats parlementaires ayant précédé le vote de l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 2006 instituant le 2° alinéa du II de l'article 1469 du code général des impôts instaurent une compensation au profit du département de la manche au motif que le site de la Hague ne relève pas des dispositions dudit article ;

- le site de la Hague est d'une nature tout à fait particulière, l'activité de retraitement de combustibles nucléaires ne pouvant pas être assimilée à une centrale nucléaire ; il répond à la définition comptable d'installation complexe spécialisée (ICS) dès lors que chaque élément est conçu pour avoir la même durée de vie à raison des contraintes de sécurité, l'ensemble des éléments du site étant nécessairement liés et incorporés de manière irréversible ;

- la notion d'installation complexe spécialisée est utilisable en droit fiscal dès lors qu'elle est admise par le plan comptable en application de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts ;

- les installations générales et agencements ont une durée d'amortissement liée à celle de l'installation complexe spécialisée et sont donc assises sur la durée prévisible d'exploitation ; cette position comptable a d'ailleurs été validée lors d'une vérification de comptabilité effectuée par les services fiscaux ;

- il n'est prévu aucun renouvellement de ces équipements avant la fermeture du site, seule la maintenance étant envisagée ;

Vu les nouveaux mémoires, enregistrés les 12 février et 29 octobre 2013, présentés pour le département de la Manche qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que le jugement serait entaché de contradiction de motifs en ce qui concerne la notion d'installation complexe spécialisée et que la motivation consistant à nier la présence d'immobilisations composées au seins de l'installation est entachée d'erreur de fait et de droit ; il fait également valoir que l'expertise qu'il a sollicitée ne se rapportait qu'à des questions de fait et n'était pas frustratoire et que le rapport du bureau Véritas ne permet pas de vérifier le bien-fondé de la décision de la société Areva NC d'accroître la durée d'amortissement de ses immobilisations et identifie en revanche des éléments dont le remplacement est prévu devant dès lors faire l'objet d'un amortissement selon la méthode des composants ; le département demande enfin à la cour de rejeter la demande de la société Areva NC tendant au versement de frais irrépétibles et à ce que soit mis à la charge de la société Areva NC une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 20 décembre 2013, présenté pour la société Areva NC par Mes Guilomoto et Riou, avocats, qui maintient ses conclusions initiales par les mêmes moyens et fait valoir en outre que le rapport établi par le bureau Veritas valide la décision d'allongement de la durée d'amortissement de ses actifs industriels faisant partie intégrante d'une Installation Complexe Spécialisée et n'établit aucunement l'existence de composants qui auraient dû être identifiés au sein de l'Installation Complexe Spécialisée et soumis à la méthode d'amortissement selon les composants ; la société communique également l'ensemble des annexes associées au rapport du bureau Véritas ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 18 février 2014, présenté par le ministre délégué chargé du budget ; il conclut comme précédemment par les mêmes moyens ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 27 février 2014, présenté pour le département de la Manche ; il conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 17 janvier 2014 fixant la clôture de l'instruction le 28 février 2014 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code général des impôts ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2014 :

- le rapport de M. Etienvre, premier conseiller,

- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,

- les observations de Me Vogel, avocat représentant le département de la Manche,

- et les observations de Me Riou, avocat représentant la société Areva NC ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré enregistrée le 3 avril 2014 et présentée pour la société Areva NC ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société propriétaire du site industriel de traitement des combustibles usés dit "de la Hague" a estimé en 2005 qu'il convenait d'allonger la durée prévisible d'utilisation de ces installations, initialement fixée jusqu'à la fin de l'année 2015, et d'en reporter, au minimum, le terme à l'année 2025 ; qu'elle a en conséquence modifié la durée d'amortissement d'une partie de son actif immobilisé sur la base d'une durée supérieure à trente ans ; qu'en application des dispositions du 2° de l'article 1469 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce, la valeur locative de ces installations a de ce fait été évaluée, pour la détermination de la base imposable à la taxe professionnelle due au titre des années 2007, 2008 et 2009, suivant les règles applicables aux établissements et bien mobiliers d'une durée d'amortissement au moins égale à trente ans, diminuant ainsi corrélativement la valeur locative desdits établissements de 16 % à 8 % du prix de revient ; qu'il en est résulté une baisse des bases de la taxe professionnelle due par la société, chiffrée par le département de la Manche à une somme de 184 100 000 euros au titre de l'année 2007, induisant une perte de recettes fiscales évaluée pour cette même année à 30 000 000 euros pour les collectivités territoriales concernées dont 13 900 000 euros en ce qui concerne le département de la Manche ; que ce dernier estime également que la perte de recettes fiscales escomptée doit être évaluée aux sommes de 14 180 000 euros au titre de l'année 2008 et de 14 400 000 euros au titre de l'année 2009 ; que, par plusieurs réclamations effectuées en 2007, en 2008 et en 2009, le département de la Manche a demandé à l'administration fiscale d'émettre des rôles complémentaires permettant le rehaussement des bases imposables déclarées par la société Areva NC dans les conditions rappelées ci-dessus au motif que l'allongement de la durée d'amortissement étant en réalité justifié par l'application des nouvelles méthodes comptables prévues pour l'amortissement des biens décomposables, il était en droit de bénéficier, dans ce cadre, de la mesure prévue à l'article 123 de la loi de finances rectificatives n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 disposant que ces nouvelles normes sont sans incidence, pour le calcul de la taxe professionnelle, sur la durée d'amortissement des biens dont l'entreprise disposait à la date de clôture du dernier exercice ouvert avant le 1er janvier 2005 ; que ces différentes demandes ont été rejetées, soit explicitement par décision du directeur des services fiscaux du département de la Manche en date du 17 avril 2008 pour la réclamation concernant l'année 2007, soit implicitement pour les réclamations concernant les années 2008 et 2009 ; que le département de la Manche relève appel du jugement du 20 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen, qu'il avait saisi de deux demandes d'annulation par la voie du recours pour excès de pouvoir dirigés contres les différentes décisions de refus opposées par le directeur des services fiscaux, a, après les avoir jointes, rejeté celles-ci ;

Sur l'intervention de la société Areva NC :

2. Considérant que la société Areva NC a intérêt au maintien du jugement attaqué ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutient le département, le tribunal a, en indiquant notamment "qu'aucune pratique antérieure en matière de durée d'amortissement ne pouvait être identifiée à la date d'acquisition des installations du site industriel de La Hague", suffisamment répondu au moyen qu'il avait invoqué devant lui et tiré de la méconnaissance, par la société Areva, d'un usage antérieurement admis en ce qui concerne la détermination de la période d'amortissement de ses installations ;

4. Considérant, d'autre part, que si le département soutient que le jugement qu'il critique serait entaché de contradiction de motifs puisque, contrairement à l'argumentation de la société Areva, il conclut à l'impossibilité d'identifier des biens décomposables susceptibles d'être amortis selon la méthode des éléments décomposés, ce moyen manque en fait dès lors que le tribunal a estimé que, compte tenu des particularités de l'exploitation du site de La Hague, l'ensemble des éléments constituant le site fait l'objet d'une utilisation d'une durée identique et ne procure pas un avantage économique à l'entreprise selon un rythme différencié et a ainsi réfuté, sans même recourir à la notion d'installation complexe spécialisée, l'existence, sur le site industriel de la Hague, d'éléments décomposables entrant dans les prévisions du dispositif de neutralisation prévu par le 2° de l'article 1469 du code général des impôts ; que, ce faisant, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'une contradiction de motifs ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 1469 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 : "La valeur locative est déterminée comme suit : (...) 2° Les équipements et biens mobiliers dont la durée d'amortissement, déterminée conformément au 2° du 1 de l'article 39, est au moins égale à trente ans sont évalués suivant les règles applicables aux bâtiments industriels (...) L'application de la méthode par composants mentionnée à l'article 237 septies est sans incidence sur la durée d'amortissement des biens dont l'entreprise (...) disposait à la date de clôture du dernier exercice ouvert avant le 1er janvier 2005 ; 3° Pour les autres biens, lorsqu'ils appartiennent au redevable, lui sont concédés ou font l'objet d'un contrat de crédit-bail mobilier, la valeur locative est égale à 16 % du prix de revient (...)" ; qu'aux termes du I de l'article 15 bis de l'annexe II au même code : "Pour la détermination du bénéfice imposable résultant de l'application aux immobilisations de la méthode par composants, sont regardés comme des composants les éléments principaux d'une immobilisation corporelle : 1° Ayant une durée réelle d'utilisation différente de celle de cette immobilisation ; 2° Et devant être remplacés au cours de la durée réelle d'utilisation de cette immobilisation" ;

6. Considérant que pour refuser d'établir, comme le lui a demandé le département de la Manche, des rôles supplémentaires de taxe professionnelle, l'administration fiscale s'est fondée sur ce que l'allongement de la durée d'amortissement décidé par l'entreprise exploitant les installations du site de la Hague résultait non pas de l'application des nouvelles normes comptables prévues à compter des exercices ouverts le 1er janvier 2005 pour la comptabilisation des immobilisations amortissables par composants mais seulement d'une durée prévisible d'exploitation des installations portée de 2015 à 2025 ; que le département de la Manche soutient toutefois qu'il justifie de l'existence d'équipements au sein des installations concernées devant donner lieu à une comptabilisation par composants devant lui permettre, par suite, de bénéficier de la mesure de neutralisation prévue à l'article 1469 du code général des impôts, que la pratique comptable antérieure de l'entreprise constitue un usage qui lui est opposable et qu'enfin, la nouvelle durée prévisible d'exploitation retenue par l'entreprise n'était pas justifiée ;

En ce qui concerne l'existence de composants et le bénéfice de la mesure prévue à l'article 1469 du code général des impôts :

7. Considérant que le département de la Manche soutient que les bases d'imposition des établissements du site de La Hague ne pouvaient pas être modifiées par la société Areva en conséquence de l'utilisation, par cette dernière, d'un nouveau mode de détermination de la durée d'amortissement de ses installations dès lors que les dispositions précitées de l'article 1469 du code général des impôts impliquaient le maintien de la méthode utilisée par cette entreprise avant 2005, soit l'utilisation d'une durée d'amortissement inférieure à 30 ans ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que la société Areva ait recouru, avant comme après 2005, pour la comptabilisation de l'un ou l'autre des éléments pour lesquels, dans les déclarations établies par la société propriétaire des installations du site de la Hague en vue de l'établissement de la taxe professionnelle due au titre des années 2007, 2008 et 2009 dans les rôles des communes de Digulleville, Herqueville, Jobourg et Omonville (Manche), la durée d'amortissement est passée de moins de trente ans à plus de trente ans, à la méthode d'amortissement par composants prévue par l'article 237 septies du code général des impôts ; que le département de la Manche n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il doit bénéficier de la mesure de neutralisation des effets de l'utilisation des nouvelles méthodes comptables applicables pour l'amortissement des biens décomposables prévue à l'article 123 de la loi de finances rectificatives n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 et codifié à l'article 1469 du code général des impôts ;

En ce qui concerne l'existence d'un usage opposable à l'entreprise :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation (...)" ; que par usages, il y a lieu d'entendre les pratiques qui, en raison notamment de leur ancienneté, de leur fréquence ou de leur généralité, sont regardées comme normales, dans chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation, pour le bien à amortir, à la date d'acquisition de celui-ci par l'entreprise ;

9. Considérant que compte tenu du caractère relativement récent de la construction des installations du site de la Hague et de la nature spécifique de l'activité de retraitement des déchets issus de combustibles nucléaires qui n'a pas d'équivalent en France, et dans la mesure où la société Areva démontre, par les pièces qu'elle produit, que la durée de fonctionnement et d'utilisation des installations en cause pouvait être utilement prolongée, sans recourir au remplacement d'éléments spécifiques et en procédant uniquement à des opérations de maintenance courante, jusqu'à l'année 2025, voire au-delà, la durée de l'amortissement fiscal initialement retenue par la société Areva, à savoir une durée d'amortissement de moins de trente ans, ne peut être qualifiée, comme le demande le département, de durée d'usage au sens du 2° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ;

En ce qui concerne la fixation à 2025 de la durée prévisible d'exploitation :

10. Considérant qu'en l'absence d'usage, il y a lieu, pour déterminer la durée d'amortissement des immobilisations corporelles en cause, de se reporter aux dispositions du plan comptable général dans leur rédaction en vigueur lors des années d'impositions concernées ; qu'en vertu des dispositions du plan comptable général, le mode d'amortissement doit permettre de traduire au mieux le rythme de consommation des avantages économiques attendus de l'actif par l'entité ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour décider de l'allongement de la durée de l'amortissement linéaire des actifs immobilisés de ses installations, la société Areva s'est fondée sur l'étude critique menée par le bureau Veritas sur la prolongation de la durée de vie des usines de la Hague ; que ce rapport, produit pour la première fois en appel, valide les conclusions de la société Areva en ce qui concerne l'exploitation des moyens de production au-delà des échéances prévues initialement et conclut à l'absence d'élément remettant en cause la prolongation de l'outil industriel jusqu'à l'horizon 2040 ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale n'a pas commis d'erreur manifeste en estimant que ce choix comptable et la décision de gestion ainsi prise par la société Areva résultait uniquement d'une nouvelle durée prévisible d'exploitation fixée à 2025 et en décidant par suite qu'il ne s'agissait pas d'une écriture comptable erronée qu'elle pouvait corriger ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de décider l'expertise sollicitée, que le département de la Manche n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions du département de la Manche tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Etat d'émettre des rôles supplémentaires de taxe professionnelle doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le département de la Manche demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Manche le versement de la somme que la société Areva NC demande au titre des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la société Areva NC est admise.

Article 2 : La requête du département de la Manche est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société Areva NC tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Manche, au ministre des finances et des comptes publics et à la société Areva NC.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2014.

Le rapporteur,

F. ETIENVRE Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11NT02618


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11NT02618
Date de la décision : 12/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes - Pouvoirs du juge fiscal - Recours pour excès de pouvoir.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances - Taxe professionnelle - Assiette.


Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : VOGEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-06-12;11nt02618 ?
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