Vu la requête et le mémoire en production de pièces respectivement enregistrés les 17 juin et 23 juillet 2013, présentés pour M. A... B..., demeurant au..., par Me de Lespinay, avocat au barreau de Nantes ; M. B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 12-3901 du 6 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 18 juin 2012 du préfet des Côtes-d'Armor portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de sa notification, fixant comme pays de destination tout pays dans lequel il établit être légalement admissible, et qu'à défaut de départ volontaire, il est susceptible de faire l'objet d'une interdiction de retour de deux ans ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet des Côtes d'Armor de réexaminer sa situation, et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
il soutient qu'il respectait les termes de l'ordonnance de non-conciliation dans la mesure où la mère de l'enfant le lui permettait, dès lors que la volonté de celle-ci était d'y faire obstacle ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2013, présenté par le préfet des Côtes d'Armor, qui conclut au rejet de la requête :
Le préfet fait valoir que :
- M. B... n'apporte aucun élément nouveau par rapport au dossier de première instance, les pièces jointes sont postérieures à la décision contestée ;
- la décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire est conforme aux dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en tant qu'il résulte d'une ordonnance de non-conciliation du 22 septembre 2011 que la fille de M. B... connaît " très peu " son père et " n'a encore jamais eu l'occasion d'être seule avec lui ", ainsi que d'une main courante du 7 mars 2012 qu'il ne prend pas en charge son enfant un dimanche sur deux comme fixé par l'ordonnance de non-conciliation susmentionnée ; il ne justifie pas verser régulièrement la contribution mensuelle de 100 euros due pour sa fille ;
Vu le mémoire en réplique et en production de pièces, enregistré le 7 mai 2014, présenté pour M. B... qui demande à la cour de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur sa requête ainsi que sur le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire contestés ;
M. B... soutient :
- qu'à la suite du jugement du tribunal correctionnel de Saint-Brieuc du 14 novembre 2103 condamnant, d'une part, à des peines d'emprisonnement assorties pour partie d'un sursis avec mise à l'épreuve le compagnon de son épouse et cette dernière pour respectivement violence sur sa fille Emma et non dénonciation pour mauvais traitements, et décidant, d'autre part, du retrait total de l'autorité parentale de Mme C... sur sa fille, M. B... a obtenu le 12 février 2014 des services de la préfecture des Côtes d'Armor un récépissé de demande de titre de carte de séjour valable jusqu'au 11 mai 2014 ;
Vu la décision du 2 mai 2013 du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes admettant M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2014 :
- le rapport de M. Coiffet, président rapporteur ;
- les observations de Me de Lespinay, avocat de M. B... ;
- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
1. Considérant que M. B..., ressortissant turc né en 1976, est entré le 30 mai 2010 en France en qualité de conjoint de français après son mariage célébré en Turquie le 26 mars 2010 avec une ressortissante française ; qu'il a bénéficié d'un titre de séjour en cette qualité, valable jusqu'au 19 mai 2011 ; que sa demande de renouvellement de ce titre de séjour a été rejetée par un arrêté du préfet des Côtes-d'Armor du 18 juin 2012 ; qu'il relève appel du jugement du 6 décembre 2012, par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté susmentionné du préfet des Côtes d'Armor ;
Sur l'arrêté du 18 juin 2012 en tant qu'il porte refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...)" ; que l'article 371-2 du code civil énonce que : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant (...) " ; que selon l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces versées au dossier que la communauté de vie entre M. et Mme B... a cessé ; que par suite, c'est à bon droit que le préfet n'a pas renouvelé le titre de séjour de M. B... sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 précité ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B..., père d'une enfant de nationalité française née le 25 août 2010, partage avec la mère de l'enfant dont il vit séparé, l'autorité parentale en vertu d'une ordonnance de non conciliation rendue le 22 septembre 2011 par le juge aux familiales du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc dans le cadre de la procédure de divorce ; que M. B... bénéficie également d'un droit de visite un dimanche sur deux entre 13 h 00 et 18 h 00 et a l'obligation de verser une pension alimentaire d'un montant de 100 euros mensuel à compter du 1er septembre 2011 ; que si M. B... soutient contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant, il n'établit pas toutefois avoir entièrement respecté cette dernière obligation, ne justifiant, que de deux versements, l'un du 16 novembre 2011 d'un montant de 150 euros, et le second du 8 avril 2011, dont le montant est incertain, alors même qu'il produit des bulletins de salaires attestant de revenus réguliers durant la période considérée ; que, par ailleurs, M. B... qui se borne à produire en appel un récépissé de dépôt de plainte du 21 avril 2013, pour non présentation d'enfant à une personne ayant le droit de le réclamer, ne justifie pas davantage avoir exercé son droit de visite dans les conditions fixées par l'ordonnance de non-conciliation susmentionnée, ni en avoir été effectivement empêché par la mère de l'enfant ; que, dans ces conditions, les éléments produits ne suffisent pas à démontrer la participation régulière de M. B... à l'entretien et l'éducation de sa fille ; que, par suite, le préfet des Côtes d'Armor n'a pas, en prenant l'arrêté contesté du 18 juin 2012, méconnu les dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni le droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ; que cette autorité n'a pas davantage en refusant à la date du 18 juin 2012 la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., et pour les mêmes motifs, méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfants ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur l'arrêté du 18 juin 2012 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi :
6. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc a par un jugement du 14 novembre 2103, d'une part, condamné à des peines d'emprisonnement, assorties pour partie d'un sursis avec mise à l'épreuve, le compagnon de Mme C..., épouse de M. B..., ainsi que cette dernière pour respectivement violence sur sa fille Emma C...et non dénonciation pour mauvais traitements, d'autre part, a décidé du retrait total de l'autorité parentale de Mme C... sur sa fille ; que par une ordonnance du 3 décembre 2013, le juge du tribunal pour enfants de Saint-Brieuc a confié provisoirement Emma C...à ses grands parents et ordonné une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert pour une durée de six mois ; que M. B... qui est désormais seul titulaire de l'autorité parentale à l'égard de sa fille mineure et s'est vu accorder par le juge des enfants un droit de visite progressif, dont les modalités doivent encore être précisées, a obtenu le 12 février 2014 des services de la préfecture des Côtes d'Armor un récépissé de demande de titre de carte de séjour valable jusqu'au 11 mai 2014 ; que par la délivrance de ce récépissé, le préfet des Côtes d'Armor doit être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement abrogé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi prises à l'encontre de M. B..., contenues dans l'arrêté contesté, qui n'ont pas reçu application ; qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre ces décisions ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit au point précédent qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet des Côtes d'Armor de procéder à un nouvel examen de la demande de M. B... ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté du 8 mars 2012 du préfet des Côtes d'Armor.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Côtes d'Armor de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B..., est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Côtes d'Armor.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme Specht, premier conseiller
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juin 2014.
L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
F. SPECHT
Le président-rapporteur,
O. COIFFET
Le greffier,
C. GUÉZO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT01832