Vu la requête, enregistrée le 1er février 2013, présentée pour M. C... D..., demeurant..., par Me Apéry, avocat au barreau de Caen ; M. D... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 11-248 en date du 13 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices résultant, d'une part, des décisions des 31 août 2000, 6 novembre 2001 et 21 août 2002 par lesquelles le ministre des affaires étrangères a rejeté sa candidature au poste de consul honoraire d'Albanie à Caen et, d'autre part, de la décision du 22 janvier 2004 par laquelle le directeur régional du commerce extérieur de Basse-Normandie a rejeté sa demande de nomination en qualité de conseiller du commerce extérieur de la France ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 130 000 euros en réparation du préjudice subi ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer ; les premiers juges n'ont pas statué sur les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions implicites de rejet des demandes indemnitaires adressées par lui le 27 septembre 2010 au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
- les premiers juges se sont mépris sur l'objet de sa demande ; le préjudice dont il demande réparation ne résulte pas des décisions prises par le ministre des affaires étrangères et le directeur régional du commerce extérieur de Basse-Normandie, mais du rapport défavorable de la direction régionale du commerce extérieur de Basse Normandie ;
- l'administration a en effet commis des fautes dans le traitement de sa candidature à la fonction de conseiller du commerce extérieur de la France, ayant conduit au rejet de celle-ci ; la note du 24 août 1998, qui est fondée sur des faits inexacts et des rumeurs non vérifiées, est à l'origine du refus de sa candidature en 1998 et en 2003 au poste de conseiller au commerce extérieur ; le ministre de l'économie et des finances n'a versé aucun autre élément aux débats que cette note permettant de justifier la position défavorable de la commission interministérielle du 25 juin 2003 ;
- cette note est également à l'origine du refus de sa candidature au poste de consul honoraire d'Albanie en France en 2000, ainsi qu'il est mentionné dans la lettre du 22 août 2000 du préfet du Calvados adressée au ministre de l'intérieur, qui fait référence à un rapport de 1998 défavorable à sa candidature à ce poste ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le comportement fautif de l'administration est détachable de la conduite des relations internationales et la juridiction administrative est compétente pour en connaître ;
- le préjudice dont il demande réparation résulte du comportement fautif de l'administration dans la rédaction de la note du 24 août 1998 qui l'a empêché d'accéder aux postes auxquels il aspire depuis de nombreuses années et auxquels il pouvait raisonnablement prétendre ; il avait en effet des chances très sérieuses d'être nommé ; son préjudice résulte de la perte de l'avantage procuré par les postes concernés pour le développement de son activité privée ; il a par ailleurs exposé des frais pour la présentation de ses candidatures aux postes concernés ; il a subi enfin un préjudice moral important du fait des allégations calomnieuses qui ont été transmises aux autorités de l'Etat sans qu'il puisse rétablir la vérité pendant plusieurs années, et du fait de la privation des responsabilités auxquelles il aspirait et pour lesquelles il était parfaitement qualifié ; l'ensemble de ces préjudices doit être évalué à la somme de 130 000 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2013, présenté par le ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur, qui conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures de première instance et fait valoir en outre que :
- le jugement n'est pas entaché d'omission à statuer car les premiers juges n'étaient pas tenus de prononcer formellement l'annulation des décisions contestées dès lors que la demande avait un caractère indemnitaire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963 ;
Vu le décret n° 50-66 du 13 janvier 1950 modifié portant réorganisation de l'institution des conseillers du commerce extérieur de la France ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2014 :
- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
- et les observations de Me A... B..., substituant Me Apéry, avocat de M. D... ;
Vu la note en délibéré en date du 20 mai 2014, présentée pour M. D... ;
1. Considérant que M. D... relève appel du jugement du 13 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices résultant, d'une part, des décisions des 31 août 2000, 6 novembre 2001 et 21 août 2002 par lesquelles le ministre des affaires étrangères a rejeté sa candidature au poste de consul honoraire d'Albanie à Caen et, d'autre part, de la décision du 22 janvier 2004 par laquelle le directeur régional du commerce extérieur de Basse-Normandie a rejeté sa demande de nomination en qualité de conseiller du commerce extérieur de la France ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque le juge est saisi en premier ressort d'un contentieux indemnitaire, l'objet de la demande n'est pas l'annulation de la décision de rejet de la réclamation préalable présentée à la personne publique mise en cause, laquelle n'est intervenue que pour lier le contentieux, mais la condamnation du défendeur à indemniser le demandeur ; qu'il suit de là que le tribunal administratif de Caen n'était pas tenu de prononcer formellement l'annulation ou la réformation des décisions de rejet contestées ; que, dans ces conditions, le moyen tiré par M. D... de ce que les premiers juges auraient omis de statuer sur sa demande d'annulation des décisions implicites de rejet de ses demandes indemnitaires préalables ne peut qu'être écarté ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
S'agissant de la responsabilité de l'Etat du fait du refus opposé à la création d'un consulat d'Albanie à Caen et à la nomination de M. D... en qualité de consul honoraire d'Albanie :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires : " 1. Un poste consulaire ne peut être établi sur le territoire de l'Etat de résidence qu'avec le consentement de cet Etat... " ; qu'aux termes de l'article 10 de la même convention : " 1. Les chefs de poste consulaire sont nommés par l'Etat d'envoi et sont admis à l'exercice de leurs fonctions par l'Etat de résidence (...) " ; que, selon l'article 12 de la même convention : " 1. Le chef de poste consulaire est admis à l'exercice de ses fonctions par une autorisation de l'Etat de résidence dénommée "exequatur" quelle que soit la forme de cette autorisation - 2. L'Etat qui refuse de délivrer un exequatur n'est pas tenu de communiquer à l'Etat d'envoi les raisons de son refus (...) " ; qu'aux termes de l'article 19 de la même convention : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 20, 22 et 23, l'Etat d'envoi nomme à son gré les membres du personnel consulaire (...) " ; que, selon l'article 22 de la même convention : " (...) 2. Les fonctionnaires consulaires ne peuvent être choisis parmi les ressortissants de l'Etat de résidence qu'avec le consentement exprès de cet Etat, qui peut en tout temps le retirer (...) " ; qu'enfin, l'article 68 de cette convention stipule : " Chaque Etat est libre de décider s'il nommera ou recevra des fonctionnaires consulaires honoraires. " ;
4. Considérant que la décision par laquelle le ministre des affaires étrangères, en application des stipulations précitées de la convention de Vienne, refuse de donner une suite favorable à la demande d'un Etat étranger qui sollicite son consentement à la nomination d'un consul, comme, d'ailleurs la décision refusant l'autorisation d'établir un poste consulaire, n'est pas détachable de la conduite des relations internationales ; que, dès lors, les décisions en date des 30 août 2000 et 6 novembre 2001 du ministre des affaires étrangères refusant de nommer M. D... en qualité de consul honoraire d'Albanie à Caen ne sont pas, comme l'ont à juste titre estimé les premiers juges, de nature à être déférées à la juridiction administrative, ni, par voie de conséquence, à engager la responsabilité de l'Etat devant cette juridiction ; que si M. D... soutient que la faute dont il demande réparation est en réalité celle qui résulte du comportement de l'administration prise en la personne du directeur régional du commerce extérieur de Basse Normandie, qui a rédigé un rapport daté du 24 août 1998 défavorable à sa candidature au poste de conseiller du commerce extérieur, dont il conteste les termes et sur le fondement duquel auraient été prises les décisions du ministre des affaires étrangères des 31 août 2000 et 6 novembre 2001 informant l'Etat albanais du refus de la France d'ouvrir un consulat de l'Albanie à Caen et d'y nommer M. D... en qualité de consul honoraire et chef du poste, le document contesté ne présente, en tout état de cause, que le caractère d'un acte préparatoire aux décisions évoquées ci-dessus, non détachable de celles-ci et n'est pas de nature à faire, en lui-même, grief et à engager la responsabilité de la personne publique ;
S'agissant de la responsabilité de l'Etat du fait du refus opposé à la candidature de M. D... au poste de conseiller au commerce extérieur :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret susvisé du 13 janvier 1950 modifié, applicable à la date du rejet de la candidature de M. D... : " Les conseillers du commerce extérieur sont choisis parmi les industriels, agriculteurs ou négociants français établis dans la métropole, les territoires et départements d'outre-mer et à l'étranger y jouissant d'une grande notoriété dans les affaires d'importation ou d'exportation et ayant personnellement contribué au développement du commerce extérieur. Ils devront avoir la qualité soit de propriétaire d'entreprise, soit d'associés ou de gérants, soit pour les sociétés anonymes, de membre du conseil d'administration (...) / Nul ne peut être nommé conseiller du commerce extérieur s'il ne remplit les conditions suivantes : - Etre de nationalité française ; - Etre âgé de trente ans révolus et de moins de soixante-dix ans à la date de nomination ; - Jouir de ses droits civiques et politiques ; - Avoir satisfait à la loi militaire ; - Justifier de dix années au moins de pratique professionnelle. / Les conseillers du commerce extérieur exercent à titre gratuit " ; qu'aux termes de l'article 8 du même décret : " Les conseillers du commerce extérieur sont nommés dans la limite des places vacantes ou qui le seraient devenues par décès, démission, non-renouvellement ou radiation. Avant chaque promotion (...), une commission composée comme il est dit au paragraphe suivant soumet au ministre des titres des candidats, après consultation le cas échéant, des services administratifs compétents et des organisations professionnelles intéressées. Peuvent seuls être l'objet d'une nomination les candidats sur lesquels la commission a émis un avis favorable " ;
6. Considérant, comme il a été dit au point 4, que le rapport du 24 août 1998 auquel M. D... impute le caractère fautif de la décision refusant de le désigner conseiller du commerce extérieur présente le caractère d'un acte préparatoire à l'avis de la commission interministérielle, qui, lors de sa séance du 25 juin 2003 a déclaré sa candidature sans objet ; qu'il n'est pas détachable de cet avis et n'est pas de nature à faire, en lui-même, grief ni à engager la responsabilité de l'Etat ; que si le requérant soutient que la commission interministérielle a écarté sa candidature en se fondant exclusivement sur les énonciations de ce rapport, dont il conteste la teneur, il ne résulte en tout état de cause pas de l'instruction que cette commission se serait fondée sur ces seuls éléments pour écarter sa candidature ; que le requérant n'établit par ailleurs pas qu'il aurait, en l'absence de ce rapport, eu de sérieuses chances d'être nommé au poste souhaité dès lors que, quelles que fussent les qualités de sa candidature, il ne détenait en vertu des dispositions citées au point 5 aucun droit à obtenir ce poste ; que, par suite, aucune faute de nature à engager sa responsabilité ne peut être imputée à l'Etat dans le traitement de la candidature de M. D... au poste de conseiller au commerce extérieur qui a conduit à la décision critiquée du 22 janvier 2004 du directeur régional du commerce extérieur de Basse-Normandie ; qu'au surplus le requérant n'établit pas de lien de causalité direct et certain entre le rejet de sa candidature par l'administration et les préjudices invoqués et au demeurant non établis ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen, qui ne s'est pas mépris sur la portée des conclusions dont il était saisi, a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2014, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Specht, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juin 2014.
Le rapporteur,
F. SPECHT Le président,
I. PERROT
Le greffier,
C. GUÉZO
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT00345 2
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