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05/06/2014 | FRANCE | N°12NT01464

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 05 juin 2014, 12NT01464


Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2012, présentée pour le syndicat départemental de la propriété rurale de Maine-et-Loire, dont le siège est 14 avenue Joxé à Angers (49000), représenté par son président en exercice, par Me Mandeville, avocat au barreau de Paris ; le syndicat départemental de la propriété rurale de Maine-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-6616 en date du 29 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2009, modifiant l'arrêté du

29 octobre 1997, du préfet de Maine-et-Loire fixant les minima et maxima des l...

Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2012, présentée pour le syndicat départemental de la propriété rurale de Maine-et-Loire, dont le siège est 14 avenue Joxé à Angers (49000), représenté par son président en exercice, par Me Mandeville, avocat au barreau de Paris ; le syndicat départemental de la propriété rurale de Maine-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-6616 en date du 29 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2009, modifiant l'arrêté du 29 octobre 1997, du préfet de Maine-et-Loire fixant les minima et maxima des loyers des bâtiments d'habitation relevant du statut du fermage, d'autre part, à ce qu'il soit fait injonction à cette autorité de procéder à la publication de nouveaux minima et maxima pour les loyers des bâtiments d'habitation relevant du statut du fermage ;

2°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de fixer un nouveau loyer maximum pour les bâtiments d'habitation relevant du statut du fermage, et ce dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient :

- que le préfet de Maine-et-Loire a, en fixant les maxima des nouvelles valeurs locatives des biens loués dans le cadre du statut du fermage, entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en effet les maxima retenus ne sont pas conformes aux indicateurs publics et privés mesurant les loyers et pratiqués localement, qui sont très largement supérieurs ; que l'autorité administrative n'a, à aucun moment, fait mention d'autres indicateurs contredisant les données qu'il a fournies ;

- que l'arrêté du 25 mai 2009 est illégal en tant qu'il se fonde sur les dispositions de l'article 8 de l'arrêté du 29 octobre 1997 elles-mêmes entachées d'illégalité ; que ces dispositions sont en effet contraires à l'ordre public du statut du fermage, car elles imposent de ne pas tenir compte, pour l'évaluation de la valeur locative du bien, des aménagements et constructions réalisés par le fermier, son ascendant ou son conjoint, alors que ces modifications ont une incidence sur cette valeur ; que l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de droit en raison de sa contrariété avec la jurisprudence de la Cour de cassation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2013, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir :

- que l'arrêté du 25 mai 2009 du préfet de Maine-et-Loire fixant les nouvelles valeurs locatives des biens loués dans le cadre du statut du fermage n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il résulte des dispositions de l'article R. 411-1 du code rural que le préfet, qui dispose d'un pouvoir d'appréciation, n'est pas tenu par les indices publics et privés, dont il doit seulement tenir compte ; que la circonstance que les prix pratiqués qui figurent dans ces indices seraient plus élevés que les maxima fixés par l'arrêté préfectoral contesté est sans incidence sur sa légalité ;

- qu'eu égard au caractère hétérogène de l'état du parc immobilier, la comparaison des loyers arrêtés avec ceux d'un logement situés dans un centre bourg ou une zone urbanisée semble peu pertinente ; qu'à l'inverse, pour un bien présentant des qualités patrimoniales, architecturales ou de localisation qui, en dehors du contexte agricole, permettrait d'en fixer la valeur de location à un montant très élevé, pratiquer un loyer comparable au marché privé méconnaitrait la destination première de l'immeuble, à savoir servir de logement de fonction à des professionnels qui vivent dans l'espace agricole afin de le mettre en valeur et de l'entretenir ; qu'en outre, l'exploitant agricole n'a pas le choix du logement qu'il va prendre à bail avec le reste des biens de l'exploitation, et que les caractéristiques de ce logement peuvent largement excéder ses besoins, notamment au regard de sa situation familiale ; que ce sont ces principes qui ont guidé les travaux de la commission consultative paritaire des baux ruraux réunie à deux reprises conduisant lors de la seconde session à un accord unanime sur les maxima et minima ;

- que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'article 8 de l'arrêté du 29 octobre 1997 ne peut qu'être écarté dès lors que l'arrêté contesté n'en est pas une mesure d'application ; qu'en tout état de cause, ces dispositions ne privent pas le preneur ou le bailleur de la possibilité de prendre en considération lors de son renouvellement les améliorations faites par le preneur au cours du bail ;

Vu, le mémoire en réplique, enregistré le 21 février 2014, présenté pour le syndicat départemental de la propriété rurale de Maine-et-Loire qui tend aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le décret n° 2008-27 du 8 janvier 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2014 :

- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

1. Considérant que, par un arrêté du 25 mai 2009, pris en application des articles L. 411-11 et R. 411-1 du code rural dans leur rédaction issue du décret susvisé du 8 janvier 2008 et modifiant son arrêté du 29 octobre 1997, le préfet de Maine-et-Loire a, sur avis adopté à l'unanimité des membres de la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux en date du 7 mai 2009, fixé à 4,50 euros/m² par mois le montant maximal et à 0,86 euro/m² par mois le montant minimal des loyers des bâtiments d'habitation des exploitations agricoles ; que le syndicat départemental de la propriété rurale de Maine-et-Loire a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer l'annulation de cet arrêté ; qu'il relève appel du jugement du 29 mars 2012 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-11 du code rural devenu code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable à la date de l'arrêté en litige : " Le prix de chaque fermage est établi en fonction, notamment, de la durée du bail, compte tenu d'une éventuelle clause de reprise en cours de bail, de l'état et de l'importance des bâtiments d'habitation et d'exploitation, de la qualité des sols ainsi que de la structure parcellaire du bien loué et, le cas échéant, de l'obligation faite au preneur de mettre en oeuvre des pratiques culturales respectueuses de l'environnement en application de l'article L. 411-27. Ce prix est constitué, d'une part, du loyer des bâtiments d'habitation et, d'autre part, du loyer des bâtiments d'exploitation et des terres nues. / Le loyer des bâtiments d'habitation est fixé en monnaie entre des maxima et des minima qui sont arrêtés par l'autorité administrative sur la base de références calculées d'après des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. (...) " ; et qu'aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " Pour l'application de l'article L. 411-11, le préfet fixe, par arrêté publié au recueil des actes administratifs de la préfecture : 1° Les maxima et minima des loyers des bâtiments d'habitation sont exprimés en monnaie et calculés par mètre carré de surface définie conformément aux dispositions de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Ces montants sont arrêtés par catégories en fonction de l'état d'entretien et de conservation des logements, de leur importance, de leur confort et de leur situation par rapport à l'exploitation ; ils tiennent compte des indicateurs publics ou privés mesurant les loyers pratiqués localement ; (...) " ;

3. Considérant que les dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code rural n'imposent pas au préfet, pour fixer les montants minima et maxima des loyers des bâtiments d'habitation compris dans les baux ruraux, de se conformer aux indicateurs publics ou privés du marché locatif, mais seulement de prendre en considération les données recensées dans ces indicateurs ; que, n'étant pas liée par les valeurs que peuvent atteindre certains baux conclus librement, l'autorité préfectorale dispose ainsi, lorsqu'elle fixe les minima et maxima que prescrivent les dispositions de l'article R. 411-1 du code rural, du pouvoir d'apprécier les valeurs locatives normales des biens loués dans le cadre du statut du fermage au regard des caractéristiques propres des maisons d'habitation servant de logement aux exploitants agricoles qui les prennent en location ;

4. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des valeurs locatives produites par le syndicat requérant qui, d'une part, se situent, s'agissant de la référence à l'indice Callon, essentiellement en zone urbaine dans le département de Maine-et-Loire et concernent ses principaux centres urbains où se pratiquent les loyers les plus élevés, dans un contexte de forte demande de logements et, d'autre part, se réfèrent aux tarifs maxima retenus dans le cadre de dispositifs d'aménagements fiscaux peu pertinents au regard des caractéristiques propres au parc des bâtiments agricoles liés aux exploitations agricoles, que l'appréciation à laquelle le préfet de ce département s'est livré pour fixer des valeurs maxima qui sont inférieures à celles ressortant des indicateurs mentionnés ci-dessus, alors au surplus qu'un consensus a été réalisé après de nombreux débats au sein de la commission consultative paritaire des baux ruraux sur le montant des loyers à retenir, serait entachée d'une erreur manifeste ;

5. Considérant, en second lieu, que l'article 8 de l'arrêté préfectoral du 29 octobre 1997 susvisé se borne à fixer la nature des aménagements dont il est tenu compte pour apprécier la consistance d'un bien en terme de critère d'évaluation de sa valeur locative et n'a, ainsi que l'ont à bon droit rappelé les premiers juges, ni pour objet ni pour effet d'empêcher les parties de prendre en considération les améliorations subies par le bien en cours de bail, à l'occasion du renouvellement de celui-ci ; que l'arrêté préfectoral contesté du 25 mai 2009 n'est, en outre, pas une mesure d'application des dispositions de cet article ; que, par suite, le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de l'article 8 de l'arrêté préfectoral du 29 octobre 1997 ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le syndicat départemental de la propriété rurale de Maine-et-Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions en annulation présentées par le syndicat départemental de la propriété rurale de Maine-et-Loire, n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions présentées à cette fin doivent donc être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le syndicat départemental de la propriété rurale de Maine-et-Loire demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du syndicat départemental de la propriété rurale de Maine-et-Loire est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat départemental de la propriété rurale de Maine-et-Loire et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2014, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Specht, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juin 2014.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

I. PERROT

Le greffier,

C. GUÉZO

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01464
Date de la décision : 05/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : SEP LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-06-05;12nt01464 ?
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